ALGER – La presse écrite en Algérie continue de subir de plein fouet les effets de la baisse drastique de la publicité, en raison de la crise économique, et la concurrence de la presse électronique suite à l’explosion de l’information gratuite sur les réseaux sociaux et les sites internet, s’accordent à dire des professionnels des médias, plaidant pour un nouveau modèle de management de transition numérique.
Un total de 26 quotidiens et 34 hebdomadaires ont disparu du paysage médiatique national depuis 2014, avait indiqué en octobre dernier le ministre de la Communication, relevant toutefois, qu’en dépit de cette situation, celui-ci restait « dense », avec l’existence encore de 140 titres.
La manne publicitaire publique ne représente néanmoins que 20% de l’ensemble de la publicité disponible en Algérie et elle a reculé, en quatre ans, de plus de 60%, en raison de la crise économique, selon des chiffres officiels qui révèlent toutefois que 80 à 90% de la publicité publique vont vers les journaux privés et non pas publics.
Abordant ce phénomène qui touche la presse dans le monde et non seulement en Algérie, le directeur du quotidien L’Expression, Ahmed Fattani, estime que « l’espérance de vie » de la presse écrite est « mise en péril » par internet et les réseaux sociaux, précisant que le tirage de son journal a chuté de 15 à 20% ces cinq dernières années et « c’est valable pour tous les titres de la presse nationale ».
Il a relevé toutefois que le déclin de la presse francophone était beaucoup « plus accru » par rapport à celle arabophone, pour des raisons sociétales, relevant que le tirage des cinq « importants » quotidiens francophones (El Watan, Liberté, Le soir d’Algérie, Le Quotidien d’Oran et l’Expression) est égal à celui du journal arabophone El Khabar.
M. Fattani a affirmé en outre que les autorités ne ménageaient aucun effort pour assurer la survie de la presse écrite, car, a-t-il observé, elle constitue « un des fondements de la démocratie »
S’agissant de la liberté de la presse en Algérie, il a assuré que celle-ci n’était « pas menacée », affirmant que le dernier rapport de RSF (Reporters sans frontières) était « tendancieux », car se basant probablement sur des données fournies par des journalistes « aigris ».
De son côté, le secrétaire général du Syndicat national des journalistes (SNJ), Kamel Amarni, a relevé que les difficultés que rencontrait la presse écrite sont dues essentiellement à la crise économique que connait l’Algérie, soulevant la problématique du monopole de l’ANEP sur la publicité publique, « une distribution de la manne qui obéit à des critères flous ».
Concernant la liberté de la presse en Algérie, M. Amarni a estimé qu’elle n’était pas « aussi menacée » comme le prétendent certaines ONG internationales, relevant que « quand je lis les rapports qu’elles publient, on dirait qu’elles parlent d’un tout autre pays ».
« Certes ce n’est pas une liberté à l’américaine, mais il y a des manquements à l’éthique et à la déontologie », a-t-il constaté.
S’agissant de l’Autorité de régulation de la presse écrite (ARPE), M. Amarni a relevé qu’il y avait « un sérieux problème » pour la future composante des représentants élus, précisant qu’il faut déterminer au préalable « le corps électoral avec exactitude et personne ne sait actuellement le véritable nombre des vrais journalistes ».
« Beaucoup de journalistes ne sont pas déclarés par leur employeur et d’autres n’ont pas déposé de dossier pour avoir la carte provisoire du journaliste professionnel. Comment savoir alors leur nombre exact pour assurer l’élection de cette composante élue », s’est-il interrogé.
Pour le professeur en journalisme et spécialiste des médias, Redouane Boudjema, cette année consacre « malheureusement » encore une fois une « crise profonde » de la presse écrite, conséquente de la crise économique et financière.
Il a imputé ce déclin à la crise du marché publicitaire, avec un recul de 60%, expliquant que parmi les meilleurs annonceurs figuraient notamment les concessionnaires automobiles mais « qui sont eux aussi sont en crise ».
Ce spécialiste des médias a soutenu que la presse écrite avait « échoué dans sa transition numérique, en raison du manque de stratégie à long terme et d’une politique managériale viable », soulignant qu’il faut gérer les rédactions de manière différente en développant un nouveau modèle économique de gestion en associant le numérique.
« Si rien n’est fait, nous allons assister, à l’avenir, à ‘l’enterrement’ d’autres titres de la presse », a-t-il regretté.
Dans ces déclarations, le ministre de la Communication avait estimé que le modèle de soutien par la publicité institutionnelle avait montré ses limites et c’était aux éditeurs de rechercher et d’imaginer des solutions et des alternatives à la manne publicitaire publique.
La presse algérienne est « riche », à travers ses différents titres et supports, et constitue « une source de fierté » du pays, a assuré M. Kaouane.
Le ministre avait soutenu que l’Algérie avait accompli, depuis 1999, « de grands progrès en matière de promotion et de consolidation de la liberté d’expression », partant de l’engagement du président de la République d’aplanir les obstacles entravant la pratique journalistique, d’encourager le pluralisme médiatique, relevant que les préparatifs pour la mise en place de l’ARPE se poursuivaient, car le plus important c’est d’œuvrer à faire de cette Autorité, une instance « efficace ».
Le président de la République avait instruit le Gouvernement dans son message à l’occasion de la Journée nationale de la presse (22 octobre) d’accélérer la mise en place de l’Autorité de régulation de la presse écrite et son activation.
Dans le cadre de l’organisation de la profession de journaliste, une commission nationale provisoire chargée de la délivrance de la carte nationale du journaliste professionnel avait été installée en juillet 2014 et près de 4.500 cartes de journaliste professionnel ont été délivrées.