A un an des présidentielles, et au vu des derniers emballements médiatiques autour de Benbitour, de Louiza Hanoune, et de la banderole du 5 juillet, le coup de sifflet au départ semble avoir été donné pour un simulacre de course auquel nous sommes habitués depuis le coup de force de l’imposture, dans sa version 1999.
Un coup de force qui a réussi à réintroduire l’un des artisans du coup d’Etat de 1965 par la grande porte alors qu’il avait été chassé par la fenêtre, par les siens en 1979, et que tout ce qu’il représente de mensonge et de supercherie avait été balayé par le soulèvement populaire d’octobre 1988. Est-il besoin de rappeler que les élections n’ont jamais été autre chose qu’un jeu de chiffres et de lettres dans lequel les mots propagande, matraquage et intox s’alignent de façon abjecte avec des décimales douteuses pour nous imposer le moins mauvais canasson des FLiN-tox ou des « grands muets » dans le seul but de perpétuer le pouvoir de la petite « famiglia » ?
Petit rappel chronologique des faits et méfaits pour ceux qui ont perdu la mémoire et pour ceux qui portent encore en eux la virginité de l’innocence et/ou de l’espoir.
1963. Ahmed Ben Bella est élu avec 99,60 % des suffrages. Pourtant, de mon enfance surgissent des souvenirs de murmures furieux fusant de voix d’adultes exaspérés et résignés à la fois.
1976. Houari Boumediene, obsédé par l’idée de jauger sa popularité (13 ans après le coup d’état), organise des élections, après avoir lancé de larges débats autour d’une charte nationale, qui avait pour but celui d’asseoir la langue arabe comme langue officielle ignorant allégrement le caractère berbère de l’Algérie, et, par la même, d’effacer les traces du seul butin de guerre de valeur, le Français. Malgré le score de 99,50 % en sa faveur, Boumediene aurait confié à Paul Balta (son confident et journaliste au journal Le Monde, à l’époque) sa frustration qu’il y ait encore 0.5% d’Algériens hostiles, donc d’opposants, à son Œuvre, lui le Grand artisan des révolutions factices et contre-nature dont les effets néfastes se ressentent encore aujourd’hui, près de 40 ans plus tard.
1979. Chadli Bendjedid (Colonel, candidat imposé par la junte militaire) jusque là inconnu du public civil est élu à 99,4%. Les slogans « l’homme qu’il faut à la place qu’il faut », « pour un monde meilleur » etc. avaient vite fait de faire oublier au peuple le visage acrimonieux de Boumediene. Faut dire qu’à l’époque, nous avions eu droit à des bananes, des œufs et des yaourts au souk el-fellah. N’est-ce pas suffisant pour rendre un peuple heureux ? Il me revient une caricature de Slim représentant un Algérien sortant du Souk-el-Fellah, une plaquette d’œufs dans les bras, le visage rayonnant de bonheur. C’est vrai que Boumediene nous avait affamés (Nous, on ne mange pas de beurre disait-il, pour justifier la pénurie sur le marché).
1984. Chadli est réélu avec 99.42% de suffrages, alors que les chiffres qui avaient filtrés par la suite révèlent 83% de Non et seulement 17% de Oui à sa réélection. Chiffres repris dans un article dédié à Chadli dans une version des années 80 de l’encyclopédie Universalis.
1988. Chadli, encore une fois, est réélu avec 93.26% des voix, selon les chiffres officiels. Faut dire que la promesse d’ouverture démocratique après le soulèvement d’Octobre avait de quoi émoustiller le petit « ghachi » que nous sommes. A part que juste après l’adoption d’une nouvelle constitution sensée réglementer cette démocratie, Chadli est le premier à la piétiner en avalisant le FIS. Il pousse la soumission au dictat islamiste jusqu’à donner l’exemple du parfait « muslim » en faisant porter le voile à sa femme (!?). Nezzar ne tarde pas emboiter le pas de la capitulation à l’islamisme en recevant, en tant que ministre de la défense, habillé en tenue civile, le petit morveux d’Ali Belhadj, lequel portait, tenez vous bien, une tenue militaire !
1995. Dans le tumulte du jeu morbide que se sont livrés les islamistes du FIS et les militaires sur le dos de milliers d’innocents, on nous annonce des élections démocratiques propres. Encore fallait-il nous convaincre, nous le petit «ghachi», bête, discipliné mais toujours suspicieux, que la transparence serait au rendez-vous. Pour ce faire, un peu partout en France, des tournées des FLiN-tox sont organisées tambour-battant pour nous convaincre qu’il ne fallait pas manquer ce grand rendez-vous de l’histoire car le manquer serait fatal à l’Algérie. Je me souviens d’une question posée lors d’un meeting « Mais comment pouvez-vous nous assurer que les élections seront propres ? » Réponse sublime du FLiN-tox en chef : « C’est notre parole qui est engagée Monsieur ! ». Nous nous sommes donc laissé prendre au jeu avec enthousiasme, d’autant plus que pour la majorité de nos citoyens, la motivation principale était le rejet du projet islamiste. Jamais élections n’avaient connus un tel engouement. Elles avaient pris des allures d’un m… ( !) Gigantesque et majestueux lancé à l’islamisme ! Voir ces foules se bousculer devant nos consulats et nos compatriotes faire de même devant les bureaux de vote du pays nous avait donné une lueur d’espoir indescriptible. Malheureusement, c’était le dernier moment de bonheur collectif qu’on nous a offert.
Les résultats tombent : Liamine Zeroual est élu, mais pour une fois, pas avec un score Brejnévien, juste un petit 61,34% . Suivent Cheikh Nahnah avec 25,6%, Said saadi 9.6% et Nourredine Boukrouh 3.8%. Ces résultats étaient-ils conformes à celui des urnes ? A l’époque, nous y avions cru ! Mais avec du recul, ils reflètent plutôt une distribution de la carte politique afin d’assurer un équilibre stable, en faveur du système. Calmer les appétits islamistes en leur faisant croire qu’ils représentaient désormais la 2e force politique du pays tout en signifiant aux démocrates qu’il leur reste encore beaucoup de travail à faire, beaucoup de monde à convaincre, dans une société attachée corps et âme aux fondements factices que l’on connait. Fondements qui ont ruiné tous les équilibres physiques et psychiques d’une société démembrée par tant de mensonges et de trahisons mais qui refuse obstinément qu’une sève de rechange lui soit inoculée dans des veines endurcies par des millénaires d’histoire faite de combats et de résistance contre une aliénation forcée.
1999. Contre toute attente, Zeroual démissionne. Raison invoquée, la démocratie est en route, il faut maintenant la renforcer en permettant au peuple de se prononcer plus souvent en rapprochant et multipliant les échéances électorales. La vraie raison à ce forfait imprévu ne tarde pas à s’ébruiter. Les militaires tramaient à son insu un pacte de réconciliation avec les groupes terroristes, alors que Zeroual les avait traités de traîtres à la nation et ne cachait pas sa volonté d’en finir avec ces barbares d’un autre âge.
Pour noyer la démission de Zeroual, il fallait manigancer encore plus fort et amplifier, à résonance, l’illusion démocratique. Pour se faire, il fallait berner les statures politiques les plus « populaires ». Et c’est ainsi que se prêtent au jeu Hamrouche, Taleb Ibrahimi, Aït-Ahmed, Abdellah Djaballah, Mokdad Sifi, et Bouteflika, le candidat que l’on savait enfoui dans le chapeau magique du système. Après des mois de campagne intense, tout ce beau monde jette l’éponge avant le jour J pour dénoncer la fraude massive qui se profilait en faveur du candidat du pouvoir. Loin de se laisser désarçonner, nos parrains maintiennent les élections, ignorent ce forfait collectif et poussent le ridicule jusqu’à inclure les bulletins des candidats absents dans le jeu de la mascarade, avant d’annoncer les résultats suivants:
Abdelaziz Bouteflika 73.5% ; Ahmed Taleb Ibrahimi 12.5%; Abdellah Djaballah 4%, Mouloud Hamrouche 3.1%, Mokdad Sifi 2.2% Youcef Khatib 1.2% et Hocine Aït Ahmed 0.3% (!!??) Alors qu’on se souvient tous des foules compactes que Da-el-Hocine drainait dans des stades pleins à craquer. Mais évidemment ce n’est pas à un vieux singe qu’on apprend à faire la grimace. Pour le punir d’avoir été le chef de file du retrait collectif il fallait le décrédibiliser au maximum en l’humiliant par ce chiffre absurde. C’est un peu comme si en Afrique du sud, l’apartheid avait cantonné Nelson Mandela à un tel score !
2004. Sous nos yeux incrédules, se rejoue la même pièce de théâtre que la précédente, avec des acteurs différents et des résultats encore plus burlesques : Abdelaziz Bouteflika est élu avec 84.99% (!!) Loin, très loin derrière, Ali Benflis ne récolte que 6.42% Abdallah Djaballah 5% Said Sadi 1.9% Louiza Hanoune 1% Ali Fawzi Rebaine 0.6%.
2009. Après avoir violé la constitution (malgré moult cris au scandale de la société civile) en soudoyant la quasi-totalité des députés « représentants » du peuple, Abdelaziz Bouteflika est réélu avec 90.24% des suffrages, Louiza Hanoune (pour services rendus) atteint 4%. Les autres lièvres se partagent les quelque miettes qui restent: Moussa Touati 2.31%, Djahid Younsi 1.37%, Ali Fawzi Rebaine 0.93% et Mohamed Said 0.92%.
Au vu de ce rappel concis des épisodes électoraux, avec lesquels le pouvoir distrait le peuple depuis 1963, comment peut-on croire une seconde que toute candidature, annoncée ou à venir, n’est pas un ingrédient de plus rajouté à une recette nouvelle pour donner au cru 2014 un goût dulcifié, plus digeste ? Les manœuvres ont commencé ! La formule complète pour nous vendre le candidat du système est-elle déjà au point ? Seules les officines de l’ombre le savent, mais nul doute que la banderole du 5 juillet est un indice fort pour enclencher les moteurs d’un machine infernale de supervisions occultes afin de porter Bouteflika une 4e fois aux commandes, lui donner une chance de mourir sur le trône, et ainsi accéder au paradis, comme du temps des pharaons d’Egypte. D’ailleurs, il ne s’agit même plus de convaincre les Algériens du caractère opportun d’un 4e mandat, mais plutôt la clientèle habituelle de représentants étrangers, qui se dressent au seuil d’el Mouradia pour nous vanter les bonnes relations avec l’Algérie grâce à la bonne gouvernance de ces experts en esbroufes.
Faut-il aussi rappeler les piliers solides suivants, sur lesquels repose la petite « famiglia », et grâce auxquels le système a atteint un état d’équilibre si stable qu’aucune force, aucune tempête, ni aucun ouragan ne peut faire vaciller de la moindre perturbation ?
- – 400.000 soldats, ayant prêté serment de fidélité.
- – 200.000 policiers, grassement rémunérés, devenus experts es-matraque.
- – 140.000 gendarmes, en alerte permanente, klashs en mains et doigt sur la gâchette,
- – 2.000 000 de soutiens indéfectibles (signatures faisant foi) parmi des civils acquis corps et âmes à la « cosa famiglia » des FLiN-tox.
Qui peut prétendre contrebalancer une telle tribu? Les quelques milliers de face-bookers grisés par la modestie, la mesure et la simplicité de Benbitour ? Les quelques intervenants dans la presse en ligne, supporters ou journalistes, pour susurrer à l’oreille d’un pouvoir sourd, un timide « casse-toi pov-con » ? Croit celui qui veut croire, moi j’ai besoin d’espoir! Je ne veux plus ressentir les effets de gueule de bois et de déprime des lendemains d’euphorie collective qui accompagnent l’ivresse d’un changement factice qui se profile, tel un mirage, à l’approche de chaque rendez-vous électoral. Et je crois sincèrement que la seule façon de dire m…à ce pouvoir est de l’ignorer en le laissant (pour l’instant) occuper seul le terrain de la 10ème farce électorale de l’Algérie indépendante. Tout candidat, aussi honnête, aussi intègre aussi irréprochable soit-il ne fera que contribuer à renforcer l’illégitime légitimité du système (Les Saâdi, Boukrouh, Benflis, et autre Da-Elhocine, sont encore là pour en témoigner).
« Qui atteint d’injustice riposte ! » C’est par ce verset du Coran qu’Ahmed Benbitour avait conclu sa « lettre programme à ceux qui ont à cœur de sauver l’Algérie », reprise par la plupart de nos quotidiens, fin août, ainsi que sur les colonnes du matindz, le 1er septembre 2011. Puisque les références à Dieu semblent servir d’arguments ultimes à toute démonstration, il n’est pas très difficile de s’y conformer. Voici un verset, for approprié au charivari électoral que l’on nous concocte et qui devrait inspirer les candidats qui envisagent de partager le butin du crû 2014 de la supercherie : Sourate VIII Le butin Vers. 30. « Quand les infidèles tramaient un complot contre toi, quand ils voulaient te saisir, te tuer ou te chasser. Allah à son tour complota contre eux, et certes Allah est le plus habile à nouer un complot. » Remplacez Allah par Rab-edzaïr (qsAsl; A pour Algérie), le « toi » à l’adresse du prophète Mohammed (qsssl) par Bouteflika, les comploteurs par les autres candidats, déclarés ou pas, et sous vos yeux s’affichera le diagramme précis des résultats des prochaines présidentielles.
Je terminerais par ce dicton du terroir: si quelqu’un te trompe une fois, c’est de sa faute, mais s’il te trompe une deuxième fois c’est de ta faute ! Les FliN-tox nous bernent, nous briment et nous leurrent sans relâche depuis 1962. A qui la faute? Peut-être pas à Benbitour, ni à Mohamed Mechati, encore moins au jeune Sofiane Djilali. Sauf que, continuer à nous faire croire qu’il est possible de renverser un système, solidaire et solide comme un roc, avec de simples vœux pieux et quelques soutiens disparates récoltés sur le net, est difficile, voire impossible à faire avaler aux désabusés que nous sommes. Et c’est là aussi que réside la force du pouvoir : décourager et forcer tout le monde à la résignation. Peut-on vraiment espérer réussir là où des Zeroual, des Sadi, des Aït Ahmed, des Benflis ont échoué ? Permettez-moi d’en douter !
Désolé pour ce schéma pessimiste, mais que l’on nous donne une seule raison d’être optimiste, au milieu de ces dinosaures que même la planète Darwin4 expulserait de sa surface. A moins qu’une météorite ne s’abatte sur El-Mouradia et les Taggarins, l’extinction de cette tribu n’est pas pour demain, car elle défie toutes les lois de l’évolution des espèces répertoriées sur Terre. Quant aux slogans, pour un changement pacifique, en voilà un: Papys FLiN-tox, 50 ans d’intox, ça « suffox » !
Kacem Madani