Présidentielle, comportons-nous en bons démocrates!

Présidentielle, comportons-nous en bons démocrates!

On ne peut pas, d’un côté se ruer sur Makri pour lui interdire, au nom de la démocratie, de faire campagne pour le boycott et, d’un autre côté, se taire, au nom de cette même démocratie, sur les déclarations «douteuses».

Saâdani, on s’en rappelle, avait annoncé clairement que Bouteflika sera élu et que Belkhadem sera son vice-président. Et tout le monde avait alors mis cela sur le compte des fabulations «tout à fait normales» d’un homme grisé par la propulsion qu’il venait de subir. Mais lorsque, en janvier, Amara Benyounès donne une interview à El Khabar pour annoncer les résultats du scrutin d’avril, alors on est obligé de se demander si notre avenir est si clairement lisible, si notre intelligence est à ce point facilement «méprisable» ou si alors ce sont les attachements au pouvoir qui peuvent pousser les hommes à dire n’importe quoi ou à faire n’importe quoi.

Se promener à longueur de journée dans les allées des attentes des citoyens en chantant l’hymne de la démocratie est une belle chose.

Rendre hommage aux bienfaits de la démocratie et s’appuyer sur l’exemple de pays qui l’ont essayée est tout aussi louable. Mais à quoi rime tout cela si, à la première occasion qui se présente, on piétine cette même démocratie et on y met du coeur? Les gens ne savent-ils pas de quoi ils parlent ou bien est-ce simplement à un vulgaire jeu de la perfidie qu’ils s’adonnent avec joie?

Si c’est le premier cas, c’est-à-dire si ces messieurs, lorsqu’ils voient tendu un micro veulent tellement impressionner qu’ils se mettent à dire n’importe quoi, qu’ils ne saisissent pas réellement le sens de la démocratie ou qu’ils pensent que la connaissance se confère avec les postes, alors on pourrait ne pas trop s’attarder sur ce point. Au pire, nous pourrions rire de notre situation, de nous-mêmes et lever le regard vers le ciel pour prier que l’on ait à l’avenir des gens plus responsables et, surtout, plus conscients, au-dessus de notre tête! Si, cependant, c’est le deuxième cas, c’est-à-dire si ces messieurs savent qu’en démocratie, seule l’urne est apte à donner les résultats d’un scrutin et que tout fonctionnaire de l’Etat qui s’aventure à se prendre pour l’urne devrait être entendu sur ses véritables intentions et la source de ses «informations» et si, malgré cela, ils font de telles déclarations, c’est que quelque chose ne va pas au coeur du système qui est notre ou, encore plus, qui nous gouverne.

On ne peut pas, d’un côté se ruer sur Makri pour lui interdire, au nom de la démocratie, de faire campagne pour le boycott et, d’un autre côté, se taire, au nom de cette même démocratie, sur les déclarations «douteuses» d’un Amara Benyounès qui ne semble pas du tout faire l’objet d’un rappel à l’ordre quelconque.

Le discrédit que jettent les propos de Benyounès sur le scrutin d’avril prochain est mille fois plus important que l’effet d’une campagne pour le boycott qu’aurait menée Makri ou tout autre.

Dans une véritable démocratie, on aurait sans doute permis aux adeptes du boycott de faire leur campagne et on aurait en même temps interdit à Benyounès de faire des pronostics du genre qu’il a faits. Chez nous, comme dans tous les autres domaines, c’est l’inverse qui nous attire et c’est toujours l’incroyable déraisonnement qui nous inspire.

Dans ce même endroit, nous avons condamné le boycott par le MSP de l’élection d’avril, mais cela ne nous empêche pas de reconnaître son droit à mener une campagne pour ce qu’il considère être sa perception. Interdire à un ou plusieurs partis légaux de s’exprimer est illégal, anticonstitutionnel et antidémocratique. Disons-le ainsi! Et, en prime, cela laisse entrevoir une faiblesse du pouvoir en place. Que la démocratie s’exprime, messieurs, comme elle l’entend, il n’appartient à personne de la bâillonner.

Si nous voulons que notre pays avance réellement, la mutilation du jeu démocratique, par tout procédé qui soit, devrait être évitée car il est à craindre que, demain, des candidatures jugées «dangereuses» ou «dérangeantes» par le pouvoir en place pourraient être empêchées sur la base des mêmes considérations et à partir des mêmes principes que ceux qui ont présidé à l’interdiction de la campagne pour le boycott.

Le rôle de l’Etat dans pareilles circonstances est de préserver le droit de chaque partie. De taper sur les doigts de ceux qui s’en prennent aux limites constitutionnelles et de s’occuper de l’avenir du pays avant toute chose.

Lorsqu’un ministre de l’Etat algérien, s’engage selon ses convictions avec un candidat ou un autre, cela le concerne et nul n’a le droit de le lui reprocher. Ainsi, lorsque Benyounès soutient la candidature de Bouteflika, personne ne lui demande pourquoi. Mais lorsqu’un ministre de l’Etat algérien joue à l’urne, lorsqu’il se donne le droit de se prononcer à la place du peuple en donnant verdict de l’avenir dans un domaine aussi important, cela se complique et il est nécessaire de le lui rappeler. Soyons bons démocrates!