Le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro s’est qualifié facilement dimanche, pour le deuxième tour de la présidentielle au Brésil sur un gros score, mais il se retrouvera face à la gauche dans un duel à l’issue incertaine.
Avant que ne tombent les résultats le situant à 46,06 % avec 99,99 % des urnes dépouillées, loin devant Fernando Haddad, du Parti des travailleurs (PT) à 29,24 %, Bolsonaro a évoqué des «problèmes avec les urnes électroniques». «Je suis certain que si ça n’avait pas eu lieu, nous aurions eu dès ce soir, le nom du président de la République», a lancé le candidat de 63 ans dans une vidéo sur Facebook. «Nous ne pouvons pas rester sans rien dire. Nous allons réclamer au Tribunal supérieur électoral (TSE) des solutions», a-t-il ajouté. Si ses partisans ont protesté devant le TSE à Brasilia aux cris de «fraude, fraude !», l’ex-capitaine de l’armée n’est pas allé jusque-là. «Nous devons rester mobilisés. Il reste trois semaines avant le second tour», a-t-il dit. Dans le clan de Haddad, 55 ans, le soulagement dominait de voir le candidat du PT qualifié pour le 2e tour. Il est parti de loin puisqu’il n’a commencé à faire campagne que quatre semaines avant le scrutin, l’ex-président Lula, emprisonné pour corruption et inélÉgible, ne s’étant désisté qu’au dernier moment. «Nous voulons unir les démocrates de ce pays», a déclaré Haddad. «Nous voulons un grand projet pour le Brésil, profondément démocratique, qui recherche inlassablement la justice sociale». Le duel Bolsonaro-Haddad s’annonce très incertain et bien des choses peuvent se passer d’ici au 28 octobre, dans une campagne qui a déjà réservé d’énormes surprises entre la disqualification de l’ex-président Lula emprisonné pour corruption et l’attentat qui a failli coûter la vie à Jair Bolsonaro le 6 septembre.
L’avenir de la démocratie
Pour Fernando Meireiles, politologue à l’Université fédérale de Minas Gerais, «la possibilité que Bolsonaro gagne paraît la plus forte actuellement». «Il me semble difficile que Haddad l’emporte, mais ce n’est pas impossible, il a encore une chance raisonnable», dit-il toutefois. Quoi qu’il en soit «d’ici là, il est possible que la polarisation s’accroisse» prévoit-il. C’est un Brésil très divisé qui est allé dimanche aux urnes, entre les électeurs anxieux pour l’avenir de la démocratie dans ce pays qui a connu une dictature (1964-85) dont Bolsonaro est un nostalgique et ceux qui rejettent de manière viscérale tout retour aux affaires du PT. Le grand parti de gauche qui a remporté les quatre dernières élections et a été au pouvoir 13 ans est jugé par beaucoup comme le responsable des maux multiples de ce pays déboussolé: chômage, crise économique, corruption et insécurité. L’ancienne présidente Dilma Rousseff a fait les frais du virulent sentiment anti-PT, en échouant dimanche, à être élu sénatrice dans l’État de Minas Gerais (sud-est), alors qu’elle était favorite. Elle a aussi été copieusement huée en allant voter. Pour de nombreux électeurs, Bolsonaro est apparu comme l’homme providentiel, avec son discours sécuritaire qui préconise la libéralisation du port d’armes, sa défense des valeurs traditionnelles et son désir de «nettoyer le pays des élites corrompues». À Rocinha, une immense favela de Rio, Antonio Pereira Moraes, 49 ans, a voté pour l’ancien militaire: «Le Brésil a besoin d’un changement, il y a beaucoup de choses à faire que les autres n’ont pas faites», a-t-il dit.
Nouer des alliances
Peu importe que ce député catholique de 63 ans, grand admirateur de Donald Trump, se soit surtout fait connaître par son racisme, sa misogynie et son homophobie décomplexés. L’aura du «mythe», comme le surnomment ses partisans, a rejailli sur deux de ses fils: Eduardo Bolsonaro, 34 ans, a été réélu député à Sao Paulo en pulvérisant le record absolu de voix pour une législative au Brésil. Flavio Bolsonaro, 37 ans, très présent auprès de son père, pour qui il a fait campagne après l’attentat, a été facilement élu sénateur de Rio de Janeiro. Mais la déception régnait dimanche soir chez les partisans de Bolsonaro, qui s’était dit persuadé d’être élu au premier tour. «On espérait gagner au premier tour», a confié Lourdes Azevedo, 77 ans, dans le bar d’un hôtel de Rio. «Maintenant ça va être plus difficile, au second tour, il y a un risque». Les alliances que va tenter de nouer chacun des deux camps dès lundi, à commencer vers le centre, seront déterminantes, de même que les impairs que pourraient commettre l’un ou l’autre. Interrogé dimanche soir, sur ses intentions, Ciro Gomes, du PDT de centre gauche, arrivé 3e avec 12,5 % des voix, s’est borné à dire qu’il continuerait de «lutter pour la démocratie et contre le fascisme». Paradoxalement, selon les sondages, il était le plus à même de battre Bolsonaro au 2e tour.