Présidentielle 2017 : pourquoi l’Algérie est devenue incontournable pour les candidats

Présidentielle 2017 : pourquoi l’Algérie est devenue incontournable pour les candidats

ÉCLAIRAGE / INTERVIEW – Le maire de Bordeaux est en Algérie pendant trois jours. Une visite devenue habituelle pour les candidats à l’Élysée.

C’est devenu un passage obligatoire pour tous les prétendants à l’Élysée. À l’image de François Hollande en 2010 et Nicolas Sarkozy en 2006, l’Algérie est une terre de visite pour tous les candidats alors que Jacques Chirac s’y était, lui, rendu quelques semaines après sa réélection. Un voyage symbolique donc pour le maire de Bordeaux, ville jumelée avec Oran, où il doit notamment rencontrer le président Abdelaziz Bouteflika.

« Il y a un partage des rôles entre la droite et la gauche. Historiquement, la droite s’est davantage tournée vers le Maroc alors que la gauche était plus proche de l’Algérie. Il y a une proximité plus forte entre les élites françaises et marocaines qu’avec les élites algériennes car l’Algérie n’est pas un pays de villégiature », explique à RTL.fr Pierre Vermeren, professeur d’histoire du Maghreb contemporain à l’université Paris I. En se rendant à Oran, « Alain Juppé est un peu entre les deux, car c’est la ville la plus marocaine – par la langue et par l’ambiance – d’Algérie », complète le spécialiste alors que les deux pays sont aujourd’hui en véritable « guerre froide ».



Séduire un corps électoral important

Si le Maghreb est « très important dans la politique intérieure et extérieure de la France », la communauté franco-algérienne demeure l’une des grandes préoccupations des candidats à l’élection présidentielle. « Il existe deux groupes électoraux concernés. L’un avec les familles issues de l’Algerie française ou avec un passé militaire mais aussi un groupe issu de l’immigration post-coloniale », détaille-t-il.

Une grande fraction du corps électoral qu’Alain Juppé, favori des sondages à l’heure actuelle, espère bien séduire. « Cette coutume, qui garde un impact important, s’est installé au fil du temps. C’est important pour un président qu’il montre son intérêt à l’Algérie« . Il faut dire que 20.000 Français sont recensés au consulat de France à Alger, qu’il existe plus d’1,5 million de binationaux franco-algériens en France et que plusieurs millions de Français sont liés à l’histoire de l’Algérie anciennement française.

Une proximité géographique et humaine

Mais l’enjeu électoral n’est pas le seul pour Alain Juppé et les candidats potentiels alors que Pierre Vermeren évoque « la stabilité en mer Méditerranée et donc avec les voisins du sud ». « La France est une terre qui reste liée aux événements qui se déroulent en Algérie du fait d’une proximité géographique, linguistique et humaine« , glisse le spécialiste. Tout ce qui est dit dans l’Hexagone a en effet un écho tout particulier de l’autre côté de la Méditerranée.

Un écho qu’avait rencontré François Hollande quand il avait reconnu « les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien ». Une reconnaissance officielle qui n’a cependant pas vocation à devenir coutume. « Cela ne devrait pas devenir récurrent car les futurs présidents n’ont pas participé à cette histoire et, dès lors que le président Hollande a posé cet acte, le pouvoir algérien a probablement tourné la page. Ce n’est plus forcément la question, surtout quand il y a autant d’urgences devant les deux pays », détaille-t-il.

Des enjeux économiques secondaires

Les enjeux économiques sont également très importants pour celui qui deviendra président de la République. « L’Algérie demeure un très gros client de la France du fait des hydrocarbures, comme le gaz et le pétrole, grâce auxquels elle achète de très nombreux biens d’équipements et de produits alimentaires. Mais cela est aujourd’hui secondaire même si une fois l’élection passée, les relations économiques et les contrats deviennent importants. En retour, l’Algérie achète des armes, des services, du blé, du matériel pour les tramways, les trains », explique Pierre Vermeren.

Ces données pourraient tout de même prendre de plus en plus d’ampleur à l’heure où l’Algérie vit des moments extrêmement difficiles entre la santé du président Bouteflika, le rôle central du pays dans les conflits au Sahara ou encore la baisse du prix du pétrole qui affaiblit considérablement l’économie algérienne.