Présidentielle 2014, La guerre des télés privées

Présidentielle 2014, La guerre des télés privées

Quand la bataille des images l’emporte sur la guerre des mots

Contrairement à 2004 où Bouteflika et Benflis se sont affrontés par presse écrite interposée, c’est à travers les télés privées que les deux candidats entendent livrer la grande bataille électorale.

Alors que la campagne électorale n’a pas encore officiellement commencé, les candidats se sont lancés dans la bataille audiovisuelle sans merci.

Au moment où le Conseil constitutionnel n’a pas encore livré son verdict et sélectionné officiellement les candidats, deux clans s’affrontent ouvertement, le candidat Abdelaziz Bouteflika et le candidat Ali Benflis. Mais contrairement à 2004 où les deux candidats se sont affrontés par presse écrite interposée, c’est à travers les télés privées que les deux camps entendent livrer la grande bataille électorale.

Et pour ce faire, on n’hésite pas à créer des chaînes spécialement, le temps d’une élection présidentielle. L’offre est sérieuse puisque le groupe qui offre ce service n’a pas hésité à insérer des annonces publicitaires dans des quotidiens d’expression arabe pour proposer des chaînes privées clés en main. Dans une offre de service qui nous est parvenue à la rédaction, le groupe en question propose trois formules de télévision. Les télévisions slides ou écrans publicitaires mobiles qui font défiler des messages ou des photos des candidats avec des musiques de fond patriotiques.

Le prix est de 12 000 dollars pour une diffusion de 512 Ko, 18.000 dollars pour une diffusion de 1 Mega, et plus de 9 800 dollars pour une diffusion + 1 Mega.

4,3 milliards de centimes pour une télévision dédiée à l’élection

Pour ce qui est d’une chaîne électorale, le groupe privé en charge du lancement de ses chaînes, propose une offre plus chère pour créer une chaîne dédiée à l’élection présidentielle, puisque le service est facturé 430 000 dollars, soit 4,3 milliards de centimes pour une diffusion de qualité de 1 Mega et 83 000 dollars pour une qualité de 2 Mega.

Et cette offre n’est valable que pour un mois seulement. Alors que créer une chaîne était un parcours du combattant, les opérateurs qui offrent ces services ne se cachent plus et publient leurs offres sur les quotidiens nationaux. Ces opérateurs algériens travaillent exclusivement avec des opérateurs jordaniens spécialisés dans la vente des signaux sur les satellites arabes et européens et qui ont donné naissance à une quinzaine de télévisions algériennes off-shore. Des chaînes qui sont diffusées soit du Bahreïn, soit d’Europe (France, Grande-Bretagne et Luxembourg en grande partie).

En tout cas, la bataille audiovisuelle est véritablement ouverte, puisque de nouvelles chaînes ont fait leur apparition dans cette précampagne électorale, notamment après le dépôt des dossiers de candidatures. Deux télévisions ont en effet fait leur apparition sur Nilesat: Wiam TV qui serait lancée par le groupe Haddad et qui roule pour le candidat Bouteflika et L’Espoir TV qui aurait été lancée par le clan du candidat Benflis et qui serait dirigée par l’ancien présentateur sportif et ex-député FLN, Mourad Boutadjine.

L’Espoir TV (El amal) est le titre de l’ancien projet de journal francophone du FLN. Mais les deux candidats. Bouteflika et Benflis, ne comptent pas seulement sur ces chaînes installées tardivement, pour lancer leur campagne. D’autres télévisions sont impliquées directement ou indirectement pour un candidat ou un autre. La plus ouvertement affichée pour un candidat est Atlas TV qui s’implique à fond dans la campagne pour le candidat Benflis. Son P-DG et actionnaire, Hichem Bouallouche, avait déjà annoncé la couleur en juillet 2013, en déclarant qu’il ouvrirait son canal avec plaisir pour Benflis.

Depuis, la chaîne «bleue», qui utilise même des jingles de l’ex-Khalifa TV, s’est illustrée dans des sujets pro-Benflis, offrant aussi de l’espace à l’opposition au 4e mandat. Mais le candidat Bouteflika bénéficie d’un large éventail de télévisions acquises à sa candidature. En plus d’Ennahar TV qui a donné la parole à ses partisans comme Amara Benyounès et prochainement Ahmed Ouyahia qui a brisé le silence en s’exprimant sur la télévision de Anis Rahmani, Ennahar TV, le candidat Bouteflika peut compter sur le soutien des télévisions comme Numidia News TV, Adjwa TV (proche du RND), et Beur TV de Réda Mehigni qui avait choisi de relancer sa chaîne le 3 mars, date d’anniversaire du président Bouteflika, et offert sa tribune à l’autre grande pointure du staff Bouteflika, Abdelaziz Belkhadem. Mais il y a aussi la télévision du groupe Haddad, Dzair TV, qui soutient également pour la candidature Bouteflika tout en laissant une fenêtre ouverte à ses adversaires politiques. Contrairement à Atlas TV, la chaîne Dzair TV n’a jamais critiqué la candidature de Bouteflika, elle a seulement accordé un temps de parole à ses adversaires politiques, sur l’émission Controverse de Khaled Derarni, qui s’est spécialisée dans le débat contradictoire.

L’équilibrisme des chaînes privées

Un jeu d’équilibre éditorial et de chaîne musicale auquel participent de nombreuses chaînes privées comme Echourouk TV qui offre à travers son émission de débat Houna El Djazaïr de Kada Ben Amar, la parole aux pros et aux anti-Bouteflika.

Mais depuis le passage de Benflis dans une émission spéciale qui n’a été accordée à aucun autre candidat, les spécialistes en communication s’accordent à dire que Echourouk TV penche plutôt vers Benflis. Surtout quand on a vu comment les élus du FLN, se sont vus ridiculiser sur le plateau par les animateurs du groupe Barakat. Même méthode appliquée par El Djazair TV qui titille souvent les pro-Bouteflika sur ces plateaux. Dans cette guerre des images, c’est Ennahar TV qui sera la plus sollicitée de par son audience nationale et internationale.

Dans une émission de débat contradictoire lancée cette semaine intitulée El Machhad, Ennahar TV a redressé la barre et équilibré entre les deux camps farouchement opposés. Le choix judicieux des intervenants a favorisé son succès. Devant les attaques sur Facebook et sur YouTube, les pro-Bouteflika avaient décidé d’investir les télévisions et contre-attaquer sur le plan communication et image.

L’Entv reste en dehors de la bataille audiovisuelle

C’est ainsi qu’il a lancé sur les plateaux la majorité des bons communicants: Ouyahia, HHC, Belkhadem, l’objectif est de récupérer le terrain de l’image et surtout convaincre l’opinion internationale. Cette offensive audiovisuelle a totalement épargné la télévision publique l’Entv, souvent accusée pour sa partialité. L’Entv, à travers son directeur, Tewfik Khelladi, considéré comme un proche du président Bouteflika et qui a été dans le passé son directeur de communication à la Présidence, ne semble pas être concernée par cette bataille audiovisuelle.

L’Entv n’est pas encore entrée dans la bataille électorale et encore moins dans le débat politique très houleux. Elle n’a diffusé aucune image des manifestations du mouvement Barakat à Alger, ni sur l’affaire Nekkaz, ni sur sa manifestation à Alger et encore moins sur les conférences des partis appelant au boycott ou ceux qui ne participent pas comme le FFS. L’Entv préfère rester fidèle à son cahier des charges et attendre les directives de la Cnisep (Commission nationale indépendante de surveillance des élections présidentielles) sur le dispatching de temps de parole des candidats choisis par le Conseil constitutionnel.

A ce moment, affirme une source, elle envisage de sortir le grand jeu et organiser une émission de débat politique de grand format, invitant les candidats et leurs représentants. Mais la nouvelle donne des télévisions privées risque de casser leur plan d’ouverture que l’Entv s’évertue à développer à chaque échéance électorale. Surtout que d’autres chaînes de télévisions privées sont annoncées au début de la campagne électorale: KBC, la télévision du groupe El Khabar qui soutient Benflis, la chaîne El Bilad TV, proche du parti TAJ de Amar Ghoul, qui soutient le candidat Bouteflika et Watan TV, une télévision qui appartiendrait au MSP et qui a vraisemblablement misé sur l’action du boycott.