Président de la LADDH : «La tentation répressive risque de nous mener droit dans le mur»

Président de la LADDH : «La tentation répressive risque de nous mener droit dans le mur»

Le président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (Laddh) Noureddine Benissad a estimé que la tentation répressive, qui était au rendez-vous hier, est une faute politique dont les conséquences sont périlleuses. Pour lui, les solutions à apporter à la crise ne peuvent être que politiques dans le sens où l’origine de la crise est politique.

Reporters : Le pouvoir a usé de la répression et de la force contre les manifestants avec notamment des interpellations. Quelle lecture faites-vous de ce recours ?

Nourredine Benissad : Il faut bien comprendre que la répression et l’utilisation de la force sont indissociables de la nature du système autoritaire. Il ne permet pas le débat contradictoire, l’auto-organisation de la société et encore moins sa remise en cause. Pourtant, les libertés de manifester, de s’organiser et de s’exprimer pacifiquement sont garanties par la Constitution et les conventions internationales, ratifiées par notre pays, notamment le pacte international sur les droits civils et politiques. C’est dire le décalage entre les textes, le discours officiel et les pratiques d’un système basé sur la négation et le déni des libertés.

Est-ce un virage dans la gestion des manifestations, dont le caractère pacifique a été salué même par le chef de l’Etat par intérim et le chef d’état-major de l’ANP ?

Le pouvoir a tout essayé pour affaiblir le mouvement populaire par diverses manœuvres et ruses. Je crois que le pouvoir n’a pas compris les origines de ce mouvement et surtout la détermination du peuple à en découdre avec le système. L’origine de cette crise est politique et les solutions à apporter ne peuvent être que politiques. Opter pour la tentation répressive et considérer que c’est possible de contenir le mouvement populaire par des approches sécuritaires est une faute d’appréciation, une faute politique qui peut nous mener droit dans le mur.

Y a-t-il un lien entre ce durcissement et l’insistance du pouvoir à tenir la présidentielle rejetée par l’ensemble des Algériens ?

Il faut être raisonnable, on ne peut pas contraindre par la force tout un peuple à aller voter le 4 juillet prochain. D’ailleurs le vote n’est pas obligatoire selon les lois de la République. Quelle légitimité aura le futur président ? Va-t-il gouverner à l’encontre de tout un peuple ? Comment les candidats vont-ils pouvoir faire leur campagne électorale ? Au-delà de ces questionnements d’ordre politique, il est techniquement impossible de tenir une telle élection. Cette élection envisagée par le pouvoir pour le 4 juillet est rejetée par le peuple.

Comment va réagir le Hirak devant une telle attitude ?

Pour l’instant, la mobilisation populaire est intacte. Les manifestants, à travers le territoire national et malgré les aléas du Ramadhan et la chaleur, restent déterminés. Je ne vois d’autre solution que le dialogue politique.

Les forces patriotiques doivent converger pour préserver le caractère pacifique et éviter tout dérapage en allant vers une issue inévitablement politique, consensuelle et apaisée. Même les guerres civiles dans le monde entier se sont terminées par des dialogues. C’est dire que le dialogue est la voie royale, patriotique et de la sagesse. Pour peu que la volonté politique soit présente, les Algériennes et les Algériens sont capables et sans ingérence d’aller vers un compromis historique qui peut hisser notre pays parmi les grandes nations démocratiques.