Près d’une semaine après les inondations qu’a connues El Bahia, le voile se lève et les erreurs des années passées n’ont pas été retenues Cité Djamel, the day after

Près d’une semaine après les inondations qu’a connues El Bahia, le voile se lève et les erreurs des années passées n’ont pas été retenues Cité Djamel, the day after

Près d’une semaine s’est écoulée depuis les dernières chutes de pluie qui ont dévoilé des carences à tous les niveaux.

L’eau, exception faite pour certains quartiers comme à El Barki ou Petit Lac, a été évacuée, certes, mais l’important n’est pas cette opération ponctuelle, même si elle est salvatrice pour les populations concernées, mais de savoir si les erreurs des leçons passées ont été retenues ou non. Si l’on devait nous référer à ce qui s’est passé ce fameux samedi 26 octobre, nous serions tentés de répondre par la négative.

Cet a priori n’est pas motivé par le fait que ce qui s’est passé à la tré mie de la cité Djamel Eddine est le second incident du genre, mais du fait que l’on s’entête toujours à faire des déclarations fracassantes, quand les responsables donnent des instructions, mais que l’action ne suit pas.

Ce qui fait que l’on continue à faire dans l’improvisation et à parer au plus pressé. En effet, à peine sortis des salles de réunion, les exécutants «oublient» leurs engagements ou s’ils sont décidés à exécuter les recommandations, ils se retrouvent confrontés à des difficultés qui font que ces mêmes responsables – chefs de secteurs urbains, élus, maires, chefs de daïras et directeurs ou conseillers à la wilaya – se démotivent.

«C’est pris en charge», «Bien M. le …», « On a mis le paquet», et «On va faire», sont des réponses fréquentes données, mais qui ne seront jamais suivies d’effet. Pour quelles raisons ? Nul le saura, même pas les enquêtes, puisque les enseignements ne sont jamais tirés, parce que cette culture n’existe pas à tous les niveaux.

CE QUI S’EST PASSÉ À LA CITÉ DJAMEL

L’incident d’il y a deux années, aurait dû pousser les services et responsables concernés par la question à instaurer un système de contrôle pour ne pas être pris au dépourvu. Ce qui est grave dans ces cas, ce n’est pas qu’il y ait une centaine de morts et que l’on a la conscience tranquille car tout a été fait, et qu’on ne peut pas lutter contre la nature, mais la négligence, même s’il n’y a au bout du compte, qu’un seul blessé. Et des négligences, il y a en a eu.

Côté intervention, rien à dire. Les services de la protection civile, la police et la SEOR étaient les premiers sur les lieux et ont déployé les moyens qu’il fallait. Le problème est que dans ces cas, ce n’est pas une question de moyens mais de dispositifs de prévention qui auraient dû être actionnés.

En effet, si le système d’évacuation des eaux de pluie existe – car la trémie est conçue comme un réceptacle qui reçoit de l’eau – il n’a pas fonctionné, car l’armoire électrique était non seulement fermée avec un cadenas mais quand elle a été ouverte de force, elle était en panne. Selon des indiscrétions et des témoins sur place, qui nous ont téléphoné anonymement, il y avait des rats ! Une information qui reste cependant à vérifier. En dépit de cet aléa, on n’était pas au bout de nos peines, car après que le côté électrique ait été réparé, les pompes étaient bouchées !

QUI EST RESPONSABLE ?

La Direction des travaux publics qui a suivi les travaux ? L’APC qui a réceptionné l’ouvrage ? La SEOR à laquelle on colle toutes les tâches qui ont de près et de loin, un rapport avec l’eau ?

Les conseillers à la wilaya qui auraient dû conseiller, en premier lieu et mis en place une cellule de crise ou une cellule pour coordonner les actions de tous les intervenants ? Seule une enquête objective l’explicitera. Le but n’est pas tant de voir tomber des têtes, mais de mettre en place des mécanismes fiables et qui ne dépendent pas de tel ou tel responsable qui s’empressera d’accuser d’autres, pour sauver sa peau ou blanchir d’autres au gré des affinités.

A quoi cela sert-il d’avoir un équipement que l’on ne contrôle pas, qui ne fonctionne pas ? Pourquoi gaspiller de l’argent et l’installer, si au lieu de faire sa mission, on bat le rappel de toutes les troupes, celles qui devaient être là et celles qui ne le devaient pas mais qui sont venues, pour ne pas servir de bouc émissaire quand il faudra trouver un coupable. Non, messieurs les concernés, ce n’est pas ainsi qu’une ville qui est jumelée avec Bordeaux – et qui est appelée à rivaliser avec Barcelone, Marseille ou Naples – doit fonctionner.

Les deux pompes d’évacuation ont-elles la capacité attendue pour aspirer les quantités d’eau ? Le système a-t-il été homologué par les services de l’hydraulique compétents ? Selon des spécialistes, même si les deux pompes s’étaient déclenchées automatiquement, elles n’auraient pas été capables d’éviter la catastrophe s’il avait plu toute la journée avec la même intensité que ces deux heures.

GÉRER L’URGENCE N’EST PAS LA SOLUTION

Avant d’évoquer une catastrophe, il y a lieu de faire un état des lieux. Faire des expertises après les incidents passés, tirer les enseignements, recenser les points noirs qui présentent les mêmes dangers quand les mêmes causes sont constatées. L’idéal aurait été que la ville dispose d’un système d’évacuation des eaux de pluie distinct de celui de l’assainissement.

C’est une solution riche dont on peut se passer si les maillons de la chaîne de responsabilité font leur boulot, ce qui ne semble pas être le cas. En effet, autant nous avions applaudi aux gigantesques efforts déployés pour préparer la saison estivale avec le cortège de réunions, briefings et sanctions, autant nous n’avions pas cessé d’attirer l’attention des responsables, qu’en hiver se prépare l’été, tout comme l’été s’était préparé cinq mois avant.

La meilleure preuve que rien n’a été fait, ou très mal fait, même si certains ont fait ce qu’il fallait, quand il le fallait, est ce camion vidangeur qui était en train d’aspirer l’eau dans un avaloir à Grande Terre (Dar Beïda) ! A Es-Sénia, la Direction de l’hydraulique avait été pointée du doigt dans les inondations de Kara, parce que la station réalisée n’a pas été réceptionnée et ses portes ont dû être forcées pour mettre en action les pompes.

Quand les inondations ont commencé à faire des dégâts, un peu partout, tous les responsables ont commencé à appeler les pompiers, la police, la SEOR, et tout ce qui de près ou de loin peut ou est censé intervenir, accentuant la pression sur ces structures comme s’il y avait des centaines de camions qui ne demandaient qu’à être mobilisés ou des policiers à être déployés ! On ne gère pas une situation de cette manière en exerçant une pression pour pouvoir justifier, plus tard, ses propres défaillances en accusant les autres de ne pas avoir réagi.

LE PLAN ORSEC

Organiser les secours n’est pas difficile, à condition d’avoir les hommes qu’il faut. Pour ce faire, la première chose à faire est de mettre en place une cellule de crise qu’il faudra faire fonctionner en simulant des catastrophes et la doter de moyens humains et matériels. Le plus important dans cette cellule sont les dispositions à prendre, les structures intervenantes, la répartition des tâches et savoir qui fera quoi et qui en sera le coordinateur pour avoir un responsable que l’on félicitera ou qu’on sanctionnera.

Un responsable qui aura une autorité, comme un conseiller de la plus haute autorité de la circonscription administrative concernée, la wilaya par exemple, et qui aura des ramifications dans les daïras et communes pour une exécution du plan de l’organisation des secours. Un plan que l’on mettra à jour et que l’on perfectionnera au fil des exercices pour éviter ce qui s’est passé à la trémie de la cité Djamel.

Négliger cette façon de faire conduira droit au mur. C’est ce qui s’est passé à plusieurs reprises dans de grandes nations parce que l’on a oublié que le malheur ne prévient pas. Que se serait-il passé si la pluie était tombée sans discontinuer pendant plus d’une semaine ?

Que se serait-il passé si le réseau électrique était tombé en panne ? Si, en plus des inondations des malfaiteurs avaient eu la bonne idée de s’attaquer à des centaines de commerces et si des citoyens avaient investi la rue ? Etre responsable n’est pas uniquement disposer de bureau, de téléphone, attribuer des marchés, et voir les autres, faire des courbettes, en prenant bien soin de ne pas glisser sur une peau de banane, placée là où il ne faut pas. La peau de banane peut venir sous forme d’une pompe bouchée, un avaloir qu’on n’a pas curé ou une armoire électrique qui ne fonctionne pas. Gérer sa carrière n’est pas gérer le risque des autres.

LE RESPECT DU CITOYEN

Quand le wali s’était attaqué au problème de l’état civil, certains responsables s’étaient certainement jurés de faire capoter son projet, car la réussite les aurait privés de bakchichs substantiels. Sinon, comment expliquer les pénuries que nous avions dénoncées, et les grains de sable inexplicables qui grippaient une machine qui devait fonctionner comme une mécanique bien huilée ? A El Barki, et dans d’autres quartiers, des Oranais continuent de vivre comme au moyen-âge. Certains responsables ont même suggéré à des habitants de sortir dans la rue, pour pousser le wali à faire des opérations qui leur auraient profité en premier lieu, sinon, comment expliquer que des logements neufs ont été livrés en secret à des citoyens, comme cela s’est produit à El Yasmine ?

Il y a manque flagrant de respect envers le citoyen. Certains décideurs sont insensibles à la misère des autres et ne se soucient que de voir grossir un compte en banque. Certains, dont les revenus officiels ne dépassent pas le SNMG, ont des villas à faire pâlir de jalousie Rockfeller. Peut-on attendre d’eux qu’ils soient compétents ou servir les autres ? Nous l’avons déjà dit : il faut plus qu’un wali pour gérer Oran.

Hakim Djaziri