Près de 70% des femmes battues par leur mari

Près de 70% des femmes battues par leur mari

Des voix s’élèvent aujourd’hui pour dire qu’il faut pénaliser la violence conjugale

Est-ce possible de vivre dans une société patriarcale comme la nôtre? Pas si sûr. «Près de 70% des femmes sont battues par leurs époux». Ce chiffre qui donne le tournis a été communiqué par Iamarène Dalila-Djerbal, sociologue et membre du réseau Wassila, lors de son passage, samedi, à l’émission «Femmes et avenir», sur la radio Chaîne III. Faut-alors épouser un éternel célibat pour être épargnée par cette méchanceté dont font montre les maris? La solution n’est pas la meilleure.

Célibataires, des femmes impuissantes subissent le même sort au sein de la famille, dans la rue et dans différents espaces publics. Est-ce un tort de porter le statut féminin? Tout porte à le croire. La violence sous toutes ses formes fait craindre le pire. Dans son intervention, la sociologue a mis l’accent sur le vide juridique criant qui prévaut depuis des années.

«La loi évolue parallèlement à la situation des femmes. Elle est très généraliste et trop universaliste», critique Mme Djerbal. «La violence conjugale doit être inscrite dans le Code pénal comme une violence spécifique», insiste l’invitée de la radio. Vu le développement de la violence notamment à l’égard des femmes, la spécialiste voit en l’intervention de la police une condition sine qua non pour maîtriser la situation. «La police doit intervenir», clame-t-elle.

Les médecins et psychologues ont également leur rôle à jouer pour endiguer cette violence. «Ils doivent signaler, comme cela est mentionné dans la nouvelle loi sanitaire, ces violences aux instances juridiques», poursuit Mme Djerbal. Devant cette situation, le réseau Wassila a préféré les témoignages au lieu d’un travail académique basé sur des statistiques et des analyses. «Le but de l’écoute, c’est d’abord être solidaires avec ces femmes qui, dans une telle détresse, veulent des solutions rapides», explique Louisa Aït Hamou, enseignante à l’université d’Alger.

Ne dit-on pas «de la discussion jaillit la lumière»? «Parler de ces souffrances est déjà un grand pas», soutient Mme Djerbal coordinatrice du livre noir qui retrace les souffrances quotidiennes que vivent des femmes à travers les quatre coins du pays. La réalisation de ce document a pris deux ans au lieu d’une année. Ce «temps additionnel» est expliqué par «l’enregistrement d’un cumul de témoignages», dit la sociologue.

Avant de poursuivre: «Travailler sur la souffrance humaine a toujours été délicat. On a peur de trahir les propos des femmes en souffrance. Discrètes, ces femmes ne disent pas tout. C’est à nous de leur donner toute la confiance au risque de passer à côté de notre travail», a-t-elle enchaîné.

Mme Aït Hamou, quant à elle, est revenue sur le rôle que peut jouer l’école pour mettre fin à cette agressivité conjuguée au quotidien. «L’école n’est pas émancipatrice», regrette-t-elle. Face à cette absence de solutions concrêtes, le réseau Wassila a décidé d’«écrire» la violence. «Il faut rendre les choses visibles par ce genre d’écrits», indique Mme Aït Hamou. Le seul aspect positif abordé par les invitées de la radio est inhérent au courage des femmes qui dénoncent cette misogynie.

«La situation a beaucoup changé. Il y a une autonomie sociale quant au refus de cette violence», estime Mme Djerbal. Violence conjugale, harcèlement sexuel, humiliations sont, entre autres, les ingrédients qui forment le menu quotidien des femmes relèguées au second rang par le Code de la famille et moins défendues par le Code pénal.

Fouad IRNATENE