Il y a un vide juridique en matière de législation en ce qui concerne l’avortement, a indiqué, hier, Dr Si Youcef K. de l’université de Bouira, lors de la rencontre organisée samedi à l’hôtel Soummam de Boumerdès par l’Association algérienne pour la planification familiale (AAPF), rencontre qui a réuni médecins, gynécologues et spécialistes.
L’intervenant a cité l’exemple du cas de l’inceste qui n’est pas évoqué par la législation en vigueur, ainsi que le déphasage qui existe entre le code de la santé publique et celui du pénal en matière d’avortement qui date de 1966.
Il citera également certaines ambiguïtés relevées dans les textes actuels. Ainsi, note Dr Si Youcef, le législateur ne précise pas quelle est l’autorité administrative à informer lorsqu’il s’agit d’un cas d’avortement thérapeutique.
Le conférencier a affirmé que l’avortement dit « criminel » est interdit par la religion comme il est sévèrement sanctionné.
Il cite l’article 304 du code pénal qui stipule : « quiconque, par aliments, breuvages, médicaments, manœuvres, violence ou par tout autre moyen, a procuré ou tenté de procurer l’avortement d’une femme enceinte ou supposée enceinte, qu’elle y ait consenti ou non, est puni d’un emprisonnement de un an à cinq ans et d’une amende de vingt mille à cent mille dinars ».
Un intervenant a relevé à ce propos que la législation algérienne n’est pas assez sévère lorsqu’un avortement est forcé et dangereux, en citant la législation française et l’exemple du cheb Mami.
Alors que la législation algérienne prévoit entre six mois et deux ans de prison ferme pour les femmes qui tentent de se faire avorter.
Pour sa part, Dr Belguembour, gynécologue et chef de service de l’hôpital de Thenia, a affirmé que la pratique d’un avortement clandestin génère d’énormes risques pour la maman et peut provoquer des hémorragies susceptibles d’entraîner la mort.
« Les complications dans le cas d’un avortement criminel qui se fait dans des conditions d’hygiène lamentables sont redoutables », ajoute Dr Belguembour qui cite d’autres tourments pour la victime de cette pratique, comme la stérilité et d’autres séquelles.
La femme deviendra une malade chronique, avec absence de cycle, sans parler des problèmes psychologiques, ajoutera-t-il.
L’aspect sociologique de ce problème a, par ailleurs, été évoqué par des médecins qui ont relevé le manque de prise en charge des femmes ayant eu recours à cette pratique mais aussi l’hostilité de la société.
L’absence d’une véritable politique de prévention et de sensibilisation a été également soulignée par les intervenants.
Dr Abadlia s’est interrogée : pourquoi ne pas distribuer gratuitement les contraceptifs pour éviter de telles situations à risque pour les femmes mais aussi très coûteuses pour l’État ?
Une femme médecin a évoqué les blocages rencontrés par les associations qui font de la sensibilisation au niveau des établissements scolaires et de l’université en citant l’exemple des prospectus sur le sida censurés, voire déchirés par des étudiants islamistes.
D’autres intervenants ont déploré l’absence de statistiques susceptibles de donner à l’assistance une idée précise du nombre d’avortements enregistrés en Algérie et leurs causes.
Les derniers chiffres parlent d’une moyenne de 8 000 cas d’avortement par an en Algérie, dont 200 à 300 clandestins, ou interruption volontaire de grossesse.
Au moins 20 morts sont enregistrés chaque année pour des cas d’avortement, nous a affirmé, par ailleurs, un médecin qui note que la croissance de l’avortement clandestin est due très certainement à la remontée vertigineuse du nombre d’agressions sexuelles, de viols et d’incestes enregistré ces dernière années.
La plupart des opérations d’avortement sont effectuées chez des femmes à domicile, chez des médecins, de faux médecins et même dans des cliniques privées. L’on se rappelle qu’en 2003, une fetwa a été décidée en Algérie pour les femmes violées par les terroristes.