Près de 23 millions d’électeurs sont appelés aux urnes aujourd’hui aux Élections locales : l’enjeu et le contexte

Près de 23 millions d’électeurs sont appelés aux urnes aujourd’hui aux Élections locales : l’enjeu et le contexte

L’élection présidentielle reste l’enjeu majeur de ces élections, en ce sens qu’une assise locale aidera au maintien du statu quo au sommet de l’État, la reconduction de Bouteflika, en somme.

Les Algériens ont rendez-vous avec les urnes aujourd’hui. Ceux en âge de voter, bien sûr, mais dont, paradoxalement, on ne connaît pas le nombre exact. Et pour cause, même l’autorité à laquelle incombe d’assainir le fichier électoral, le ministère de l’Intérieur, en l’occurrence, n’a pas réussi à établir une statistique fiable. Intervenant sur les ondes de la radio Chaîne 3, en début de semaine, Noureddine Bedoui avouait ignorer à combien s’élève le corps électeur. Une approximation qui vient aggraver une appréhension de fraude électorale déjà fortement ancrée. Une déclaration qui n’est pas faite, en tout cas, pour booster la participation.

Le propos du ministre de l’Intérieur, qui conforte, il faut le dire, les affirmations du président de la Haute instance indépendante de surveillance des élections locales (Hiise), Abdelouahab Derbal, n’a pas manqué de donner du grain à moudre aux partis politiques de l’opposition et aux listes indépendantes inscrits en compétition qui, déjà, redoutaient la réédition du trucage électoral. Leurs craintes sont d’autant plus légitimes que le contexte dans lequel le scrutin intervient n’est pas fait pour soigner le taux de participation, étant déjà établi qu’une forte abstention, ajoutée à un fichier électoral non assaini est une voie ouverte devant la manipulation du scrutin. En effet, contrairement aux précédentes élections locales, qui n’avaient pas été particulièrement réussies en matière de participation, le vote de ce 23 novembre survient presque au terme d’une présidence anormale et, donc, à la veille d’une échéance encore plus cardinale. L’incapacité physique, depuis avril 2013, du président de la République, le privant d’activités publiques, telles que déplacements sur le terrain, participation aux forums régionaux et internationaux, expression directe…, a perturbé, pour le moins qu’on puisse dire, la vie institutionnelle et a, conséquemment, épaissi l’illisibilité politique. Ce qui est un facteur démobilisant. Plus encore lorsque l’on aura vécu, entre 2013 et aujourd’hui, des situations ayant semé le doute sur la réalité du pouvoir. Les cafouillages qui ont marqué des actes politiques majeurs, censés avoir été le fait du président Bouteflika, comme la nomination de deux ministres des Affaires étrangères dans un même gouvernement, se méprendre par deux fois sur le bon profil d’un ministre du Tourisme, ne pouvaient qu’éloigner l’électeur du bureau de vote. Un électeur qui aura donc de supplémentaires raisons de se convaincre du peu d’impact, sinon de l’inutilité de son vote sur les échafaudages institutionnels. La manière avec laquelle s’est déclinée la gouvernance de Bouteflika durant ce 4e mandat présidentiel est un motif d’abstention. Une désaffection électorale à laquelle poussent ces souhaits des thuriféraires de voir rempiler le président Bouteflika en 2019. Des vœux qui trahiraient, peut-être, une option résolue qui devrait s’appuyer sur les résultats des élections locales pour se concrétiser. Autrement dit, et nombre d’analystes politiques l’ont soutenu, l’enjeu le plus saillant de ce scrutin reste incontestablement l’élection présidentielle, en ce sens qu’une assise locale aidera au maintien du statu quo au sommet de l’État, la reconduction de Bouteflika, en somme. La toute récente sortie de Ksentini plaide pour cette option, d’ailleurs. Cela pour ce qui est de la situation politique, le contexte économique n’est pas également propice à un meilleur engagement électoral. La politique d’austérité à laquelle se contraint le gouvernement désarme l’élu local qui, déjà, n’est pas bien loti en matière de prérogatives. Ce qui fait que la promesse électorale est difficilement mobilisatrice.

Sofiane Aït Iflis