Huit mille milliards de dinars de fiscalité non recouvrée à la fin 2011. Pour mesurer l’énormité du chiffre dont fait état un rapport de la Cour des comptes, il faut savoir qu’au cours actuel du dinar, cela fait plus de 95 milliards de dollars pour un cours de 1 dollar/84 dinars.
Le chiffre est tellement astronomi que que beaucoup se sont deman dés si l’APS, qui cite le rapport de la Cour des comptes, ne s’est pas emmêlée avec les virgules.
On ne sait pas si la fiscalité non recouvrée dont il est question concerne la seule année 2011 ou si cela représente un cumul des années précédentes. Mais dans tous les cas de figure, on est dans un chiffre astronomique qui flirte avec les 100 milliards de dollars et qui renseigne sur la faiblesse de l’administration fiscale et des douanes.
C’est «éloquent en termes de qualité de gouvernance du pays», estime un expert. «Des lacunes dans les procédures de recouvrement amiable et forcé par rapport au cadre légal et réglementaire ont entraîné d’importants restes à recouvrer (RAR) qui ont cumulé 7.937 milliards de DA», indique le rapport d’appréciation de la Cour des comptes sur l’exécution du budget 2011.
Et pour marquer l’importance de ces sommes non recouvrées, le rapport indique qu’elles représentent plus de deux fois les recettes générales de l’Etat en 2011 (3.474 mds de DA), cinq fois les recettes fiscales (1.511 mds de DA). Cela représente plus de trois fois les revenus versés au Fonds de régulation des recettes en 2011 et qui sont évalués à 2.300 mds de DA.
ORAN-EST CHAMPION DE LA FRAUDE ?!
L’article de l’Aps comporte une très grosse bizarrerie -à moins que cela ne soit une maladresse dans la rédaction du texte- au sujet de la fiscalité dans la wilaya d’Oran. «Les produits divers du budget non recouvrés ont atteint 5.843 mds de DA à fin 2011, en progression de 5% par rapport à 2010 et dont 91% proviennent de la direction des impôts de la wilaya d’Oran-Est, selon les chiffres de la Cour des Comptes, d’après l’article de l’APS.
Ainsi, le non-recouvrement au niveau de la direction des impôts d’Oran- Est pèse lourdement dans le chiffre global sans qu’une explication soit donnée sur cette «particularité» d’Oran-Est par rapport à la norme nationale.
Le rapport laisserait entendre, en tout cas, qu’à Oran-Est, on est plus laxiste et qu’on y est moins enclin à engager des poursuites contre les personnes physiques et les entreprises qui ne payent pas leurs impôts. Cet «Oran- Est» qui serait plus laxiste que la norme nationale mériterait de plus amples explications en tout cas.
Le rapport détaille où se trouve cette fiscalité non recouvrée. 684 milliards de dinars de TVA non recouvrée à la fin 2011, 531,6 milliards de dinars pour l’IRG (impôt sur le revenu global) et 254 milliards de dinars par la TAP (taxe sur l’activité professionnelle). Pour l’IBS (impôt sur le bénéfice des sociétés), le montant est de 114 milliards de dinars tandis que les contributions indirectes non recouvrées ont atteint le montant de 309 milliards de dinars.
LA RADIATION COMME ÉCHAPPATOIRE !
Pour la Cour des comptes, «l’accumulation des RAR est due essentiellement aux insuffisances en matière de poursuite » et au «manque de rigueur» des services concernés. Les receveurs des impôts ont tendance à ne pas actionner la justice comme le prévoit le code des procédures fiscales.
En outre, les receveurs des impôts n’utilisent pas de manière significative les autres voies prévues par le code comme la fermeture temporaire, la saisie et la vente. Selon la Cour des comptes, l’efficacité des poursuites judiciaires est affectée par la mise en oeuvre depuis 2010 de l’attestation de situation fiscale, exigée en cas de demande de radiation d’un registre de commerce.
Celle-ci est assimilée à une sorte de quitus de la part de l’administration fiscale et la Cour des comptes le déplore. Elle souligne que la radiation d’un registre de commerce ne dispense pas le débiteur des poursuites judiciaires.
«Toutes les défaillances tendent à compromettre et à pénaliser les intérêts du Trésor sachant qu’elles touchent également d’autres administrations comme les douanes et les domaines», relève la Cour des comptes. Les restes à recouvrer par l’administration du domaine national ont atteint 20,5 mds de DA en 2011.
Salem Ferdi