Il est 7h30 du matin, Karim rate de justesse son bus quotidien. Face à cette pénible situation à l’origine, sans doute, d’un grand retard au boulot car l’arrivée d’un autre bus prendra plus d’une heure et des bouchons se forment déjà, un seul choix s’impose pour lui, prendre un taxi…mais là commence l’autre aventure.
Même s’il vit dans une zone urbaine, les chauffeurs de taxi stationnés au bord d’un trottoir qu’il sollicite pour l’emmener vers son lieu de travail sis à une quinzaine de kilomètres, refusent d’utiliser leurs compteurs, préférant proposer une course « négociable ».
Après l’avoir regardé de haut en bas et avant de « clamer » avec fierté la somme de la course (800 Da), un moment de réflexion de la part du chauffeur de taxi s’est imposé, à se demander si un calcul mental ou contraire à la morale était en train de se faire…
Karim, choqué, sidéré puis indigné par les arguments du chauffeur liés principalement aux embouteillages et au kilométrage, finit par se résigner. Le cas de ce jeune employé dans un établissement public n’est pas un cas isolé. Plusieurs personnes se trouvent dans ce genre de situation par manque de moyens de transports.
Elles se voient obligées d’accepter de payer des sommes exagérées, en désaccord avec le barème des tarifs tracés par le ministère de tutelle, juste pour éviter d’arriver en retard au travail, à un rendez-vous important, ou pire encore, de passer la nuit dehors.
Selon des témoignages recueillis par l’APS, des sommes oscillant entre 700 et 2000 DA sont « imposées » par des chauffeurs de taxi pour des destinations aussi proches les unes des autres.
Par exemple, de Chéraga à Ain Benian, Djamila, quadragénaire a dû payer 700 DA, Mourad, qui venait d’un voyage en France, a payé 1.200 DA de l’aéroport international Houari-Boumediene à Bab Ezzouar, tout comme Salim qui a payé 1.000 DA d’Ouled Fayet vers la Grande-Poste ou Salah qui a « sacrifié » 2.000 DA pour rentrer à Sidi-Fredj depuis la place Maurice-Audin.
Pour les personnes étrangères, touristes ou autres, les tarifs des courses relèvent de l’imaginaire…
Pourtant, le nouveau réajustement des tarifs, applicables depuis janvier 2013 pour le transport collectif urbain de voyageurs et du transport par taxis, rendus publics par le ministère des Transports fin 2012, explique clairement le barème des tarifications que doivent respecter les chauffeurs de taxi.
Les tarifs plafonds applicables au transport par taxi individuel sont, selon ce barème, de 15 DA/km. La prise en charge en course s’élève à 20 DA par km, le stationnement pour attente (15 mn) à 20 DA et le transport de bagages dont le poids est supérieur à 15 kg est facturé à 10 DA.
En ce qui concerne le ramassage par taxi collectif, la place est facturée à 3 DA/km pour l’intercommunal et l’inter wilayas, et à 5 Da/km pour le transport urbain.
Tarifs exorbitants…profit et gain facile
Même si la profession de transport par taxi a été réglementée aussi par un décret exécutif fixant les modalités d’exploitation d’un service taxi et les sanctions prévues à l’encontre des contrevenants à la réglementation, publié au journal officiel No 33 du mois de mai 2012, certains chauffeurs de taxi continuent de fixer les tarifs des courses à la tête du client.
Le président de la Fédération nationale des chauffeurs de taxi, Djillali Kendeci, reconnaît le « comportement déplorable » de ces chauffeurs qui « abusent de la confiance du citoyen et profitent de son ignorance de ses droits pour lui proposer des sommes faramineuses sans âme ni conscience ».
Il n’hésite pas à qualifier de « vol, pur et simple » cette attitude envers les personnes qui se trouvent contraintes d’accepter le tarif de la course « imposée » après une impossible négociation, car pressées d’arriver au lieu du travail ou très en retard à un rendez-vous important.
« Ces chauffeurs de taxi qui décident au hasard les prix des courses, sont des profiteurs et cherchent le gain facile, pourtant le barème et la réglementation des tarifs en vigueur sont clairs et nets », s’est-il indigné non sans rappeler que « le chauffeur de taxi devrait être un modèle et un symbole de civisme ».
« Je ne comprends pas pourquoi ils adoptent ce comportement malsain alors qu’ils ont la possibilité de travailler d’une manière honnête », s’est demandé M. Kendeci, soulignant que « le citoyen peut signaler ce genre d’arnaque au niveau du +service taxi+ relevant de la sûreté nationale pour que la commission de sanction puisse prendre les mesures nécessaires contre ces pratiques frauduleuses ».
Une fois arrivé à destination, Karim, par politesse, dit au revoir, et le chauffeur de répliquer : « Smah binatna ! » (Pardon !), comme s’il reconnaissait au fond de lui, avoir fait du tort, et quand il désire savoir pourquoi il lui demande pardon, vite une réponse « philosophique » sort : « ne vous inquiétez pas, le pardon est une bonne chose, une vertu ».
Par ailleurs, les taxis clandestins qui ne devraient même pas avoir lieu, proposent des courses aux tarifs moins chers, certes pour concurrencer illégalement les chauffeurs de taxi « en règle », et ironie du sort, ils se voient, sans le savoir ni le vouloir, appliquer la réglementation tarifaire en vigueur, ce qui incite les gens à « encourager » inconsciemment l’informel, ironise Karim.