Le premier tour de l’élection présidentielle dimanche promet un duel final Hollande-Sarkozy, à en croire les sondages, l’ordre d’arrivée entre les deux favoris dimanche soir dépendant largement de la performance que réaliseront Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon.
Les opérations de vote débutent en fait samedi dans une partie de l’outremer (Saint-Pierre-et-Miquelon, Guyane, Guadeloupe, Martinique, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Polynésie française) ainsi que pour les Français vivant sur le continent américain. Il s’agit d’éviter à ces électeurs de voter dimanche au moment où seraient connus les premiers résultats dans le reste de la France, du fait du décalage horaire.
La possibilité d’une publication des résultats avant l’heure légale (20H00) par certains médias continue par d’ailleurs de planer sur le scrutin, même si les instituts de sondage et les médias associés à leurs estimations se sont engagés vendredi à tout faire pour parer à tout risque de ce type avant la fermeture du dernier bureau de vote dimanche à 20H00.
Donné nettement vainqueur au second tour par la totalité des enquêtes depuis des mois, François Hollande aborde en position de force l’élection reine de la Ve République.
Ce scrutin survient dans un climat morose, sur fond de croissance économique molle et de chômage record, et d’interrogations persistantes sur l’avenir de la zone euro.
« Le terreau, c’est une défiance généralisée qui s’ancre dans une crise du résultat », souligne le politologue Brice Teinturier (TNS Sofres), en raison de « l’incapacité des gouvernants depuis trente ans à régler le problème du chômage de masse », perçue comme « un signe de l’impuissance du politique ».
Conséquence, le président sortant Nicolas Sarkozy aborde ce premier tour dans une position délicate, lui qui a fait du jugement sur les résultats de son action un axiome de sa politique.
Pour les quelque 45 millions d’électeurs appelés aux urnes dimanche, « la crédibilité est un élément absolument essentiel », selon M. Teinturier.
C’est le visage que s’est efforcé de présenter François Hollande qui, tout au long de la campagne, a martelé sa « cohérence » et sa « constance » pour mieux l’opposer au « candidat pochette-surprise » qu’incarnerait selon lui son rival de l’UMP.
Sauf coup de théâtre, ces deux-là accéderont au 2e tour. Ils disposent de dix points d’avance, sinon plus, sur leurs poursuivants immédiats, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon.
S’il est en tête, le candidat PS sera dans une position idéale pour l’emporter. Pour garder espoir de gagner le 6 mai, Nicolas Sarkozy, lui, a impérativement besoin d’arriver premier, mais aussi d’avoir au moins trois points d’avance sur son rival, selon les politologues.
Il a en effet très peu de réserves de voix, contrairement à François Hollande, alors que le niveau de la gauche est estimé à environ 46%, le niveau qui lui a permis de gagner en 1981 et 1988 (30% seulement pour la droite parlementaire).
Si Nicolas Sarkozy est en deuxième position, ce sera la première fois qu’un président de la Ve République en exercice et se représentant est devancé au 1er tour. Dans cette hypothèse, l’élection sera considérée comme pratiquement jouée.
La campagne a aussi dessiné une ligne de partage entre « ceux qui ont intériorisé les contraintes de la mondialisation et ceux qui veulent renverser la table », dans un système économique souvent perçu comme à bout de souffle, observe M. Teinturier.
Conséquence: le haut niveau de l’extrême droite, avec une Marine Le Pen créditée de 14 et 17% d’intentions de vote, et la percée de Jean-Luc Mélenchon. Avec 12% à 15% d’intentions de vote, le candidat du Front de gauche aura toutefois du mal à monter sur le podium.
Le score de François Bayrou constitue une moindre incertitude, les chiffres ayant très peu bougé le concernant ces dernières semaines (entre 9,5% et 11%).
Autre interrogation, le niveau d’abstention, difficile à mesurer dans les enquêtes préélectorales. Frédéric Dabi de l’Ifop dit s’attendre à une abstention record qui pourrait atteindre 29%, Brice Teinturier table sur une fourchette entre 22-24%.
Dans les deux cas, ce sera sensiblement plus qu’en 2007 (plus de 85% de votants). Le record d’abstention à un premier tour a été enregistré en 2002, avec un taux de 28,40%.
C’est la première fois que cinq candidats recueillent chacun plus de 10% d’intentions de vote à un premier tour de la présidentielle, la marque d’une dispersion.
La fin de campagne a été marquée par une cote à la hausse pour les petits candidats. Eva Joly remonte parfois jusqu’à 3%, très loin cependant des espoirs des écologistes. Le gaulliste Nicolas Dupont-Aignan a gagné un peu de terrain, jusqu’à 2%.