Le Premier contact entre les autorités françaises et les terroristes d’Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) vient d’être entamé hier, selon une source sécuritaire malienne.
Les terroristes salafistes proches du groupe d’Abou Zeid ont déjà exigé de Paris de verser la somme de 20 millions d’euros, selon la même source, en contrepartie de la libération des cinq otages français, détenus depuis deux semaines au nord du Mali.
Par ailleurs, les autorités françaises devraient, dans les jours qui viennent, recevoir une photo ou une vidéo des otages, indique un communiqué d’Aqmi sur un site islamiste proche des salafistes djihadistes. D’autre part, un chef d’une tribu malienne a affirmé, avant-hier, avoir vu les otages français en vie.
«J’ai vu les otages, ils sont en vie. Ils se trouvent au nord du Mali, entre les frontières qui séparent le Mali de l’Algérie», a-t-il conclu. C’est la nouvelle que l’Élysée et les proches des otages attendaient.
Selon une autre source proche du dossier, le négociateur s’est rendu samedi dans l’extrême nord du Mali d’où Al Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) retient les cinq Français ainsi qu’un Togolais et un Malgache. À cette occasion, une conversation téléphonique rapide a eu lieu, selon lui, entre des prisonniers et les autorités françaises.
Le contact entre les terroristes et Paris aura été établi rapidement. C’est à partir de cet appel téléphonique que les terroristes d’Aqmi ont réclamé la somme de 20 millions d’euros à Paris.
Aqmi ayant déjà revendiqué les rapts de vingt Occidentaux au Sahel ces deux dernières années, les canaux et les modes de pourparlers sont, il est vrai maintenant, bien rodés. Au point d’être presque prévisibles. Il y a quatre jours, le Premier ministre français, François Fillon, avait affirmé que Paris est prête pour entamer des négociations avec les terroristes. Un appel que, Aqmi, a pris en considération.
Une position de force qui a permis aussi à Abou Zeid d’exiger la somme de 20 millions d’euros pour la libération des otages français. Une telle somme, aussi faramineuse, pourrait être versée par la France, car il s’agit là de la vie de cinq ressortissants français. Peu importe le prix à payer, le président français, Nicolas Sarkozy est prêt à donner son feu vert pour payer une telle somme, afin de libérer ses ressortissants, et du coup soigner son image devant un peuple français en désaccord avec sa politique interne et externe. Un gage que Sarkozy veut exploiter à tout prix.
D’autres parties peuvent bénéficier de cette affaire. Il s’agit avant tout des terroristes d’Al Qaida. Ces derniers tireront une très belle somme en libérant l’ensemble des otages. Une véritable bouffée d’oxygène pour les terroristes d’Al Qaida, eux qui ont déjà récolté 150 millions d’euros durant ces six dernières années, en recourrant à la prise d’otages des étrangers au Sahel. Une autre partie bénéficiaire, elle aussi, de ces rapts. Il s’agit des négociateurs, généralement s’agissant des chefs de tribus maliens, nigériens ou encore mauritaniens, mais également des diplomates maliens et nigériens. Ces derniers récoltent eux aussi leurs parts de bénéfice. Enfin, les trafiquants de drogue et d’armes tirent leurs bénéfices à partir de ces rapts.
Souvent, ils perçoivent un pourcentage des rançons versées par les pays européens. En étroite connexion avec Al Qaida au Maghreb, ces contrebandiers d’armes et de drogue sont derrière certains enlèvements d’étrangers au Sahel. Ces otages seront par la suite transférés aux terroristes d’Aqmi. Ces terroristes entament la phase des négociations dans le but de récolter une rançon qui sera par la suite partagée entre eux (trafiquants et terroristes).
Trois diplomates français et trois autres maliens engagés pour négocier avec Abou Zeid
Le Quai d’Orsay a déjà mobilisé plusieurs spécialistes pour la phase des discussions, entre autres, des agents de la DGSE ou encore des officiels français et maliens. Mais la phase décisive des discussions se fera depuis Bamako. Au fil des années, trois diplomates français et deux maliens se sont taillés une solide réputation pour incarner cette interface délicate et discrète.
Baba Ould Choueckh, un homme d’affaires, et un intellectuel arabe, maire de Tarkint, à une centaine de kilomètres de Gao, passe presque pour le négociateur officiel du président malien Amadou Toumani Touré. Il a ainsi joué un rôle prépondérant dans la libération de deux diplomates canadiens, Robert Fowler et Louis Guay, capturés au Niger en décembre 2008, puis du Français, Pierre Camatte, pris onze mois plus tard. Fin connaisseur de désert, l’homme a des relations tant avec Mokhtar Belmokhtar, alias Belaouar, l’émir de l’ouest du Niger, qu’avec Abdelhamid Zeid, alias Abou Zeid, le chef de l’Est qui détient aujourd’hui les sept otages.
Dans une interview accordée au quotidien canadien d’Ottawa The Globe and Mail, il décrit ses missions, ces «dures journées», à rouler dans le désert en attendant que quelqu’un le contacte et lui donne enfin un point de rendez-vous ou un numéro de téléphone. «Ils sont très méfiants, ils changent de téléphone tous les deux jours.» Le marchandage lui-même est tout aussi éprouvant: «il faut parfois leur faire comprendre que leurs demandes sont impossibles.
Parfois, il faut les supplier d’accepter les offres.» Le second homme-clé est Iyad Ag Ghali, un ancien chef de la rébellion touareg dans les années 1990, devenu depuis diplomate. Lors de ces années de lutte contre Bamako, il avait lié des liens avec le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), ancêtre d’Aqmi. Il a su les conserver.
Surtout, il connaît parfaitement la région de Kidal, terre de sa tribu, où évoluent les terroristes d’Abou Zeid. «Personne ne peut vivre dans ce désert sans le connaître», affirme l’un de ses proches. Un autre nom qui est qualifié lui aussi de très bon négociateur, il s’agit de Mustapha Chafi qui pourrait lui aussi concourir à la libération des pionniers.
Ce Mauritanien, fils du Sahel et désormais conseiller de l’incontournable président burkinabé Blaise Compaoré, fut à l’origine du retour au bercail des deux humanitaires espagnols en août dernier. De leurs cotés, les autorités françaises ont mobilisé trois de leurs diplomates pour négocier avec le chef sanguinaire, Abou Zeid. Leurs noms n’ont pas été dévoilés jusqu’à présent. Paris veut rester prudente à ce sujet.
Officiellement, les terroristes exigent des rançons pour chaque négociation. Toutefois, il y a parfois des demandes exclusivement politiques, comme la libération de prisonniers détenus dans des prisons occidentales, notamment le responsable des attentats de 1995 à Paris. Néanmoins, des fuites laissent entendre que Madrid aurait versé 8 millions d’euros pour récupérer ses compatriotes. Le Français Pierre Camatte, lui, a été échangé contre quatre djihadistes enfermés dans des prisons maliennes. Sans argent.
Personne ne doute que les futurs pourparlers seront très serrés, surtout qu’Aqmi vient déjà de demander une rançon de 20 millions d’euros pour relâcher les français. Contrairement à Belmokhtar, Abou Zeid est plus sensible aux revendications politiques que financières. Il a aussi la réputation d’être froid et, surtout, plus cruel.
C’est lui qui a assassiné le Britannique Edwin Dyer en juillet 2009; c’est entre ses mains qu’a été décapité Michel Germaneau en juillet dernier. Et la rivalité ouverte entre deux émirs pour le contrôle de la région et la surenchère à laquelle ils se livrent pourrait compliquer encore la situation.
Par Sofiane Abi