Le statut de prisonnier politique ne leur est pas reconnu alors que le Sahara occidental n’est pas marocain.
Le pouvoir marocain n’est pas à une incohérence près. Le procès des détenus sahraouis de Gdeim Izik en est l’illustration suprême. Jugés en appel par un tribunal civil, depuis le 23 janvier, après avoir été condamnés à de lourdes peines par un tribunal militaire, le statut de prisonnier politique ne leur est pas reconnu alors que le Sahara occidental n’est pas marocain. Leur défenseur le souligne. «Puisque le Sahara occidental est un territoire occupé, tel que cela a été reconnu par les Nations unies, les conventions de Genève s’appliquent, soit, ils considèrent que nos clients sont des criminels de droit commun et à ce moment-là, ils doivent appliquer le droit sahraoui, soit, ils considèrent que nos clients sont des prisonniers politiques, et à ce moment-là, ils peuvent juger en droit marocain», note maître Joseph Breham. Un pavé dans le jardin royal.
Cette déclaration fait mouche. Elle réveille les récents revers que vient de subir la diplomatie marocaine pilotée par son souverain. Elle remet au goût du jour à l’occasion de cet événement l’arrêt rendu par la Cour européenne de justice à propos de l’accord agricole signé entre l’Union européenne et le royaume en 2012. «… Compte tenu du statut séparé et distinct garanti au territoire du Sahara occidental en vertu de la Charte des Nations unies et du principe d’autodétermination des peuples, il est exclu de considérer que l’expression «territoire du Royaume du Maroc, qui définit le champ territorial des Accords d’association et de libéralisation, englobe le Sahara occidental et, partant, que ces accords sont applicables à ce territoire», ont conclu les magistrats de la Cjue dans leur décision prononcée le 21 décembre 2016.
Un document qui rythme la politique étrangère du Maroc. Que cela soit pour sa demande d’adhésion à l’Union africaine ou la question du respect des droits de l’homme ou le droit du peuple sahraoui à manifester pour son indépendance sans qu’ils ne soient menacés de finir leurs jours dans les geôles du royaume comme c’est le cas des détenus sahraouis de Gdeim Izik. Certains ont écopé de 30 années de prison pour avoir protesté pacifiquement contre la colonisation marocaine. Leur comparution devant un tribunal civil n’est pas tombée du ciel. Elle n’est pas due non plus à un geste royal. «Le recours aux tribunaux militaires ou d’exception pour juger des civils soulève de sérieux problèmes quant à l’équité, l’impartialité et l’indépendance de l’appareil de justice», a déclaré lors d’un point de presse le porte-parole du Haut-Commissariat de l’Organisation des Nations unies aux droits de l’homme.
Le Hcdh s’était montré très «préoccupé par le recours des autorités marocaines à un tribunal militaire pour juger et condamner les 25 civils sahraouis» arrêtés après l’assaut lancé le 8 novembre 2010 par les forces de répression marocaines contre le «camp de la dignité» de Gdeim Izik à Laâyoune, avait souligné le communiqué de l’agence onusienne. La justice marocaine n’a pas jugé utile d’enquêter. Le pouvoir marocain est resté muet. La bataille engagée par les défenseurs des droits de l’homme va avoir raison de cet anachronisme de la justice marocaine.
Un projet de loi avait été adopté le 14 mars 2014, lors d’un Conseil des ministres présidé par le souverain marocain. Les 24 (à l’époque, Ndlr) prisonniers politiques sahraouis qui avaient été condamnés, le 17 février 2013, de deux à 30 années de prison par la cour militaire de Rabat vont finir par bénéficier d’un nouveau procès. Incarcérés dans la prison locale de Salé (ville jumelle de Rabat), depuis le démantèlement du camp de Gdeim Izik près d’El Ayoun, le 8 novembre 2010, par les forces de répression marocaines, ils avaient comparu devant le tribunal militaire de Rabat le 8 février 2013. Ils le sont aujourd’hui devant la cour d’appel de Salé pour signer une autre victoire du peuple sahraoui…