La capitale Ankara, participe pleinement au mouvement de contestation d’Erdogan
Fumigènes, feux d’artifice, la place ressemblait à un «kop» (tribunes de stade, ndlr) où flottaient les drapeaux à l’effigie de Mustapha Kemal Atatürk, le père de la Turquie moderne.
Les manifestants turcs et le gouvernement campaient hier sur leurs positions, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan semblant adopter la stratégie du pourrissement alors que le mouvement de contestation est entré dans son 10e jour. A Istanbul, les manifestants ont fait la fête toute la nuit sur la place Taksim, dansant, chantant et buvant par dizaines de milliers.
Ce bastion de la contestation a pris des airs de stade de football, les supporters du Besiktas, Fenerbahçe et Galatasaray chauffant à blanc les manifestants, touristes et familles venus de toute la ville. Fumigènes, feux d’artifice, la place ressemblait à un «kop» (tribunes de stade, ndlr) où flottaient les drapeaux à l’effigie de Mustapha Kemal Atatürk, le père de la Turquie moderne. Simple effet du week-end? Fin des examens pour les collégiens? Soutien grandissant à la contestation? La place Taksim et le parc Gezi, dont la destruction annoncée a lancé la révolte, a battu des records d’affluence depuis le début de la contestation le 31 mai.
Le gouverneur d’Istanbul, Hüseyin Avni Mutlu, un proche du Premier ministre très critiqué par les manifestants pour avoir ordonné les intervention brutales de la police et dont la démission est réclamée, a esquissé un mea culpa hier sur Twitter, regrettant de n’être pas parmi les manifestants de Taksim.
Des milliers de manifestants se sont également réunis à Izmir, sans incident, selon un photographe de l’AFP. A Ankara, de violents affrontements ont éclaté samedi soir lorsque la police est intervenue avec des canons et des gaz lacrymogènes pour empêcher une partie des quelque 10.000 manifestants rassemblés au centre-ville de marcher sur le Parlement.
L’intervention particulièrement musclée a fait de «nombreux blessés», selon les médias. Selon les médias turcs, des incidents ont également été signalés à Adana (sud).
Le prix Nobel de littérature Orhan Pamuk, une voix respectée en Turquie, a confié son désarroi devant le pourrissement apparent de la situation. «Je suis inquiet car il n’y a toujours pas en vue de signes d’un dénouement pacifique», a déclaré l’écrivain lors d’une conférence à Rome, cité par la presse turque, «Je comprends la façon de protester des gens» Jouant tour à tour de la fermeté et de l’apaisement, le chef du gouvernement turc, au pouvoir depuis dix ans, refuse toujours de revenir sur le projet d’aménagement de la place Taksim. Et après avoir fait étalage de ses forces la semaine dernière à son retour d’un voyage au Maghreb, il organise le week-end prochain à Ankara et à Istanbul des réunions électorales pour lancer la campagne des municipales de 2014. Dans la bataille de la communication et de l’image qui se joue en Turquie, M.Erdogan veut répondre aux dizaines de milliers de Turcs qui le narguent, souvent bière à la main, devant les caméras du monde entier. Parti d’une banale manifestation contre un projet d’aménagement du parc Gezi, adjacent à la place Taksim, le mouvement de contestation a rapidement grossi et s’est étendu à plusieurs grandes villes du pays. Il a cristallisé les frustrations d’une partie de la population, consciente des réussites économiques du gouvernement mais qui l’accuse d’exercer son pouvoir de façon de plus en plus autoritaire et de vouloir islamiser la société.
Allié clef des Etats-Unis et de l’Otan au Proche-Orient, candidate à l’entrée dans l’Union européenne (UE), la Turquie a été critiquée par les Occidentaux pour la brutalité de la répression policière.
Les événements de Turquie sont suivis de près dans les pays des «printemps arabes», notamment en Egypte et en Tunisie, où les islamistes au pouvoir ont souvent vu le modèle turc de l’alliance entre islam et démocratie comme un exemple.