Les mouvements de protestation s’enchaînent cette année à l’université. Enseignants et étudiants sont montés au créneau pour dénoncer les conditions pédagogiques et l’anarchie qui règne dans les campus.
Jamais rentrée universitaire n’a connu autant de mouvements de grève. En effet, il ne se passe pas un jour sans qu’un sit-in, une grève ou une manifestation ne soient signalés ici ou là. Contrairement à la rentrée scolaire qui s’est déroulée dans le calme et la sérénité, la rentrée universitaire est plus qu’agitée.
Qu’est-ce qui ne va pas à l’université aujourd’hui ? Pourquoi les étudiants se soulèvent-ils contre leur administration ? La plupart des mouvements de protestation entamés jusque-là portent le sigle du LMD (licence-master-doctorat), un système d’enseignement supérieur qui ne cesse d’avoir des remous aux sein des campus. Dans ce sens, de nombreux étudiants, ayant accompli trois années d’études à l’université, se sont privés de s’inscrire en première année master.
C’est le cas notamment pour les étudiants du département d’anglais de l’université Mentouri de Constantine où pas moins de 160 étudiants attendent leur inscription légitime en classe de master, ou encore du département de génie civil, au sein duquel des étudiants ont été surpris de se voir réorientés contre leur gré en licence de génie climatique.
Les étudiants en éducation sportive et physique n’ont pas échappé à la règle puisqu’un taux insignifiant de 10% d’admission en master 1 leur a été fixé par l’administration. Pour réclamer leur inscription au master, les étudiants ont manifesté pacifiquement devant leur tutelle. Une manifestation qui a dégénéré en émeutes après l’intervention violente des agents de sécurité du même campus.
A l’université Ferhat-Abbas dans la wilaya de Sétif, les étudiants se sont soulevés pour le même motif. Une centaine d’étudiants peinent encore à arracher une place en master1, en dépit d’un excellent cursus universitaire. Le rectorat de la faculté qui n’a pas trouvé de quoi justifier cette «exclusion», avait signifié aux étudiants que «le nombre d’enseignants ne peuvent pas encadrer tous les postulants en master».
A l’université de Mohamed- Boudiaf (USTO) d’Oran, des ingénieurs de plusieurs départements, issus du système LMD, sont exclus d’une inscription au master 2 en dépit d’une circulaire n°6 relative à l’inscription aux études de master. La direction de l’USTO avait signifié, à la grande surprise des étudiants, que la formation en master a été supprimée sans aucune explication.
De la hogra administrative
Dans certaines universités notamment celles d’Alger, les étudiants n’ont même pas commencé leurs cours bien que le coup d’envoi de la rentée universitaire ait été donné il y a plus d’un mois.
Des étudiants se battent encore pour leur première inscription pédagogique, d’autres sont perdus dans les résidences universitaires à la recherche d’un toit. Il y a quelques jours, des dizaines d’étudiants de la faculté des sciences de l’université M’hamed-Bouguerra de Boumerdès, ont observé une grève pour dénoncer les mesures imposées par l’administration quant aux conditions d’admission en année supérieure.
Ces nouvelles mesures exigent, selon les étudiants, un crédit de 120 points. L’année écoulée, l’administration avait exigé uniquement 96 points pour accéder à la troisième année et 36 points pour aller en deuxième année. Par cette mesure, l’administration recourt à l’ancien système et non au nouveau (LMD) où des mesures de rachat et de dettes sont appliquées afin de permettre le passage de plusieurs étudiants en année supérieure.
Ainsi, il n’y pas que le nouveau système d’enseignement LMD qui pose problème, car l’ancien système appelé «classique» a créé une situation chaotique au niveau des facultés. Les étudiants licenciés du département de philosophie à l’université d’Alger 2 de Bouzareah ont entamé, depuis une semaine, une grève de la faim pour revendiquer leur droit de participer aux concours de magistère.
Outre leur exclusion des épreuves de magistère, les étudiants se retrouvent exclus de tous les concours de la Fonction publique. «L’administration, la sûreté nationale, même l’enseignement secondaire nous sont interdits. Seul l’enseignement dans le primaire nous est autorisé, alors que ce dernier n’a rien à voir avec la philosophie», avait écrit un collectif d’étudiants dans un communiqué.
Des moyens pédagogiques insuffisants
Le mal qui ronge aujourd’hui l’université est beaucoup plus profond. Outre la cacophonie provoquée par la généralisation du système LMD, les moyens pédagogiques tels que les salles de cours, amphis, transport et résidences universitaires posent énormément de problèmes.
Chaque année, des sommes colossales sont dépensées pour la réalisation des infrastructures pédagogiques, mais la situation reste inchangée. A la faculté de droit de Ben Aknoun, ce sont les enseignants qui sont en grève en guise de protestation contre des conditions de travail intenables, selon un communiqué du Conseil national des enseignants du supérieur (Cnes), qui précise que cette grogne est due à la «détérioration de la situation pédagogique, scientifique, administrative et sécuritaire».
Ces actions interviennent suite à un ras-le-bol des enseignants qui sont victimes d’agressions répétées de groupes de pression qui œuvrent à imposer leur loi dans l’évaluation des étudiants et ce, en violation flagrante des règles pédagogiques et scientifiques les plus élémentaires.
Le Cnes déplore également «l’absence de conditions minimales de sécurité requises pour le fonctionnement d’un service public». Les enseignants relèvent l’absence des conditions minimales d’exercice pédagogique (salles de cours en ruine, nombre impressionnant d’étudiants, absence de moyens et de supports pédagogiques).
Dans la wilaya de Tiaret, les étudiants, en l’absence totale de canaux d’expression, ont empêché le directeur et son personnel d’accéder au siège de la DOU (direction des œuvres universitaires) pour revendiquer le transport universitaire. Le malaise s’accentue également dans les cités universitaires de Boumerdès.
Les étudiants se sont soulevés la semaine précédente contre la dégradation de leurs conditions d’hébergement. Voilà en gros les quelques problèmes auxquels font face enseignants et étudiants dans nos universités d’aujourd’hui. Un état des lieux déplorable qui n’émeut aucunement nos responsables politiques.
Hocine Larabi