Pourquoi Lucas Alcaraz, le nouveau sélectionneur de l’Algérie, peut réussir

Pourquoi Lucas Alcaraz, le nouveau sélectionneur de l’Algérie, peut réussir

À la surprise générale, l’Algérie a nommé Lucas Alcaraz en tant que nouveau sélectionneur des Fennecs. Bonne ou mauvaise idée ? Décryptons ce choix.

Depuis le départ de Georges Leekens, après le fiasco à la CAN 2017 au Gabon, l’Algérie cherchait un nouveau sélectionneur. Elle a d’abord trouvé un nouveau président de Fédération avec Kheireddine Zetchi. Ce dernier vient d’annoncer la nomination de Lucas Alcaraz, technicien espagnol de 50 ans, qui officiait il y a encore quelques jours à Grenade en Liga. Malgré un effectif séduisant, Elkhedra est en panne. Le huitième de finaliste du dernier Mondial 2014 n’est plus que l’ombre de lui même. Évidemment, l’instabilité à sa tête est une des explications les plus logiques. D’autres existent. Mais arrêtons nous sur ce sujet. Soyons francs, cette nomination n’a pas fait lever les foules en Algérie. On rêvait d’un Claudio Ranieri ou même de Cesar Prandelli. Mais, c’est ainsi. À ce moment là de son histoire, il était difficile d’attirer du clinquant. Et puis, ce n’était pas l’objectif du boss de la FAF.

Huelva, son grand succès

En réalité, Lucas Alcaraz correspond sur le fond à ce que le boss souhaitait. Un vrai tacticien, de l’école espagnole, avec un jeu si possible calqué sur les standards de la masia ou de la Roja. En tant que théoricien, Lucas Alcaraz a un parcours d’excellence. Il est notamment professeur de tactique et stratégie à l’École nationale espagnole. Son parcours de coach est plus fragile. Il n’éblouit pas. Congédié de Grenade, il s’est engagé avec l’Algérie pour deux saisons avec option. Depuis 1995, il a entraîné onze clubs différents. Grenade (trois fois), Almeria (deux fois), Dos Hermanas CF, Recreativo Huelva (deux fois), Racing Santander, Xerez, Murcie, Cordoba, Aris Salonique, Levante et Elche. Son nom en Espagne, il se l’ai fait en permettant au Recreativo Huelva de passer de la modeste troisième division à la Liga (2000-2003).
Jusqu’à présent, il ne comptait qu’une expérience à l’étranger, sur le banc de l’Aris Salonique (Grèce) en 2012/13. En Algérie, au moment où la Côte d’Ivoire s’offre les services de Marc Wilmots, on n’est guère enthousiasmé par l’ancien coach du Real Murcia. Pourtant, l’Afrique est une terre de football particulière où l’on vient pour se faire un nom, construire une histoire ou vivre une aventure humaine. Il est rare de voir des CV rutilants s’y hasarder. C’est un monde où on ne peut pas se cacher. Il faut aller au charbon, en Algérie, plus que jamais. On a trouvé des vraies raisons de croire dans la réussite d’Alcaraz.
Lucas Alcaraz, un coach réputé pour avoir du caractère. (L'Equipe)

Lucas Alcaraz, un coach réputé pour avoir du caractère. (L’Equipe)

1) Parce qu’il vient avec son staff

Cela est peut-être passé inaperçu. Mais le nouveau sélectionneur arrive avec ses hommes. Ce n’était le cas ni de Rajevac, encore moins de Georges Leekens. Exit donc l’ancien staff, hérité des décisions de Raouraoua afin qu’il puisse tout contrôler. Là, l’Espagnol devrait disposer d’une vraie latitude. Pour ceux qui l’ont croisé, Kheireddine Zetchi ne serait pas un homme connu pour s’ingérer dans le travail de ses entraîneurs comme l’a fait Mohamed Raouraoua sur sa dernière année. L’Espagnol arrive donc avec un adjoint (Jesus Canadas surnommé Chus) et un préparateur physique, Miguel Angel Campos. Ce trio évolue ensemble depuis plusieurs saisons. Pour ses techniciens, Il est vrai que la pression va être d’un autre niveau. La patience n’est pas la qualité première de l’environnement du football maghrébin. Les campagnes médiatiques jouent et influent sur le rendement, la nervosité des joueurs comme nous l’avait déploré Christian Gourcuff, ancien coach des Verts. Lucas Alcaraz est certainement rompu en partie à cela, surtout après avoir connu l’Espagne où la presse est parfois très incisive.

2) Parce qu’il vient avec des idées

Cela fait plus d’un an que la sélection algérienne a perdu toute cohérence au niveau tactique. Avec Vahid Halilhodzic, les choses étaient claires : bloc bas et solidifié par une sentinelle, projection sur les côtés… et centre sur Slimani. Christian Gourcuff a mis en partie sa patte avec un 4-4-2 qui a fini par évoluer en 4-1-4-1, et par séquence, ce fut très intéressant.

Depuis c’est le désert du Sahara… Sans parler de l’ambiance qui s’est globalement dégradée. Il faut une identité de jeu, avec des idées qui doivent se mettre en place. Le nouvel sélectionneur a déjà exprimé à plusieurs reprises sa vision dans la presse ibérique : «J’aime que mon équipe soit efficace en phase de transition et qu’elle joue de façon verticale, pas directe, et que mes joueurs mettent de l’intensité sans le ballon (…) Mon système de prédilection est le 4-4-2. Mais je m’adapte toujours à mes joueurs et à leurs caractéristiques afin de définir le bon système de jeu. Les variantes dépendent des capacités qu’ils ont. J’analyse les mouvements de chacun, dans chaque zone où ils créent le plus de danger (…) Offensivement comme défensivement, ce qui donne le plus d’importance à un joueur, c’est la vitesse d’exécution lors des actions. Évidemment, la qualité est aussi très importante. Mais la vitesse est ce qui fait qu’un joueur est supérieur à un autre», a-t-il expliqué. Mais plus que ce pragmatisme opérationnel, c’est aussi un changement de mentalité qui est attendu. L’Algérie a choisi pour la première fois de son histoire un entraîneur espagnol, ou plus exactement d’une autre culture de jeu autre que française ou slave. Y aura-t-il une patte Lucas Alcaraz ? C’est toute la question.

Alcaraz, ici face au Barça, lors d'une manita encaissée au Camp Nou. (L'Equipe)

Alcaraz, ici face au Barça, lors d’une manita encaissée au Camp Nou. (L’Equipe)

3) Parce qu’un nom n’est pas une garantie en Afrique

Comme on l’expliquait plus haut, ce choix laisse certainement sceptique ceux qui attendaient un grand nom. Mais il ne faut pas à chercher très loin dans le passé pour se rendre compte que la réputation ne fait pas tout. Viré de la JS Kabylie, Hugo Broos est devenu Champion d’Afrique avec le Cameroun. La lecture de son CV n’est pas plus impressionnante que celle d’Alcaraz. Hervé Renard, peut-être le meilleur en activité sur le Continent, s’est construit son histoire en Afrique. Il n’est pas arrivé avec le CV de Sven-Göran Eriksson (Côte d’Ivoire) ou Arthur Jorge (Cameroun), il a pourtant fait bien mieux. Comme Claude Le Roy est devenu un sélectionneur à succès alors qu’on ne lui a pas déroulé le tapis rouge comme Erik Gerets au Maroc, Berti Vogts au Nigeria etc.

4) Parce que le potentiel est en jachère

Disons clairement, depuis trois ans, l’Algérie n’a pas confirmé. Elle est même en régression collectivement alors qu’individuellement ses éléments offensifs sont de très haut niveau (Mahrez, Slimani, Brahimi…). Pour les observateurs, c’est du gâchis. L’Espagnol va pouvoir travailler, et sincèrement, il faut vraiment être costaud pour faire pire que les deux sélectionneurs précédents. Avec Georges Leekens, cela fut un summum. A la dernière CAN, que cela soit face au Zimbabwe (2-2) ou contre la Tunisie (1-2), l’ancien sélectionneur de la Belgique a donné l’impression d’être spectateur. Des joueurs qui portent le ballon, qui s’épuisent, mais qui restent sur le terrain. Du sens tactique, de la rigueur, mais Alcaraz doit surtout remettre de la discipline et une concurrence saine. En somme, faire un audit sur les hommes avec qui il peut partir au combat. Sans mettre la grinta nécessaire, les joueurs « DZ » peuvent mettre autant de petits ponts qu’ils veulent, ils ne se sont jamais imposés en Afrique. Lucas Alcaraz a un potentiel en Europe que l’on connait. Mais sa mission est aussi d’aller travailler sur les ressources locales. Certes, le joueur algérien paie le défaut de formation. Mais il y a de la qualité, et il faut la faire travailler en multipliant les stages dans le petit bijou de Sidi Moussa. Halilhodzic a ainsi découvert Slimani, Soudani, Djabou ou Belkalem. En se remettant au travail, la sélection algérienne refera de nouveau parler d’elle…