Le Forum des chefs d’entreprises (FCE) a réagi avec une vivacité et une rapidité remarquables à la publication d’articles de presse faisant état «d’inquiétudes du patronat ». Un quasi-démenti pour affirmer que le patronat n’est pas en « opposition » au gouvernement de M.Abdelmalek Sellal. Tout baigne-t-il dans les relations entre les patrons et le gouvernement? Presque. Explication.
Contrairement aux habitudes, l’organisation patronale n’a pas laissé « passer » des articles qui la mettent en « opposition » voire en conflit avec le gouvernement. Réda Hamiani a publié un communiqué en bonne et due forme pour regretter que « certaines inquiétudes exprimées aient été sorties de leur contexte à des fins polémiques ». Le FCE, a-t-il souligné « ne peut accepter que certains propos laissent planer un climat de suspicion quant à sa volonté d’œuvrer aux côtés des pouvoirs publics à bâtir une économie prospère au bénéfice de tous les citoyens ». Et de fait, rien n’indique qu’il existe une tension entre les deux parties.
Les pouvoirs publics se sont montrées, récemment, plutôt sensibles aux soucis exprimés par les représentants des patrons algériens. Après avoir surtout profité dans une première étape aux fonctionnaires puis aux micro-entreprises à travers la série de mesures adoptées par le désormais célèbre Conseil des ministres de février 2011, les largesses financières de l’Etat se sont étendues plus récemment aux PME algériennes. La plupart des représentants du patronat algérien s’étaient montré très réservés vis-à-vis des mesures adoptées en faveur de la micro-entreprise.
Les décisions prises dans le sillage des émeutes de janvier 2011 ont un caractère «purement social», avait estimé Réda Hamiani. De son côté, Zaim Bensaci, président du Conseil National de la PME avait déploré le fait que l’Etat cherche à créer de nouvelles PME alors qu’il ne fait pas assez pour aider les entreprises privées déjà existantes et qui sont en difficulté. « Le patronat algérien veut sa part de la rente » commentait de façon désabusée Abderrahmane Hadj Nacer, ancien gouverneur de la Banque Centrale, à l’occasion d’une table ronde organisée l’année dernière. Le message a été en tous cas bien capté par les pouvoirs publics et il s’est traduit essentiellement par la mise en place de deux dispositifs de rééchelonnement des dettes des entreprises privées à la faveur des réunions tripartites organisées en mai et septembre 2011.

Dettes bancaires : 200 milliards de dinars à rééchelonner
Le rééchelonnement des dettes bancaires des PME en situation de difficulté financière a été la première des mesures annoncées au profit des entreprises privées. Selon le ministre des finances M. Karim Djoudi, le dispositif devrait concerner, au total, près de 3 000 PME et traiter un volume de dettes de 200 milliards de dinars ; 80 milliards d’agios étant pris en charge par le Trésor public.
Fin novembre dernier, il indiquait que l’opération de rééchelonnement des dettes bancaires des entreprises déstructurées a atteint « un niveau de traitement de près de 70%, soit près de 127 milliards de DA ». Selon M. Djoudi, l’annulation des «agios réservés » pour les entreprises bénéficiaires du rééchelonnement a déjà coûté au Trésor public 35 milliards de DA depuis l’entrée en vigueur du dispositif.
Cet aspect «subventionnel» des décisions adoptées par les pouvoirs publics représente une très généreuse bouffée d’oxygène consentie à des entreprises défaillantes .Il a été très bien accueilli par plusieurs organisations patronales qui se félicitaient encore récemment de son bon degré d’avancement. « Dans les faits, outre l’allongement de la période de remboursement, le dispositif de rééchelonnement offre la possibilité aux entreprises en difficulté de retrouver des équilibres et d’améliorer leurs performances durant une période de cinq ans au cours de laquelle le fardeau de leur endettement est entièrement supporté par le contribuable » souligne un expert financier.
Sur le papier, la démarche semble intéressante. « A la condition que tous les acteurs jouent le jeu et que les banques, au cœur du dispositif, acceptent de soutenir de manière proactive des entreprises dont les difficultés financières sont le plus souvent la traduction de criantes lacunes managériales ».
Dettes fiscales : vers un « recentrage » du dispositif
Les résultats obtenus dans le cadre du dispositif de rééchelonnement des dettes fiscales des PME, opérationnel seulement depuis le mois d’avril 2012, sont en revanche plus mitigés. La procédure concerne théoriquement l’ensemble des entreprises qui en font la demande, à l’exclusion de celles qui ont fait l’objet d’un dépôt de plainte par l’Administration fiscale pour manœuvres frauduleuses. La décision s’applique à l’ensemble des dettes fiscales accumulées par les entreprises au 31 décembre 2011.
Toujours dans son bilan d’étape dressé à fin novembre dernier Karim Djoudi reconnaissait que l’opération « avance moins bien et moins rapidement que dans le domaine bancaire .Il y a à ce jour 17.274 opérations pour près de 92 milliards de DA traités », avait-t-il néanmoins précisé. Le directeur de la Réglementation fiscale au ministère des Finances, Mustapha Zekara, avait parlé, dès la mi-septembre dernier, de « recentrage » du traitement des dossiers des entreprises souhaitant bénéficier du rééchelonnement de leur dette fiscale.
A l’origine du freinage imposé à la mise en œuvre du dispositif, le rééchelonnement des dettes fiscales des entreprises aurait conduit à « des excès ». Selon différentes sources, le recentrage évoqué par M. Zékara pourrait conduire à réserver à l’avenir le bénéfice du rééchelonnement de leurs dettes fiscales aux seules « entreprises productrices ».