“En Algérie, on reçoit plus de 1 000 chaînes étrangères. Selon de récentes études, plus de 20 millions d’Algériens de moins de 20 ans ont déclaré n’avoir jamais regardé une chaîne du service public”, a estimé M. Adimi.
C’est à la problématique de l’ouverture du champ audiovisuel que le journal El Chaâb a consacré son forum d’hier. Le déverrouillage du champ audiovisuel constitue-t-il une menace pour la sécurité nationale ? C’était le thème de la communication du professeur d’université et journaliste, Ahmed Adimi.
À cette question, il répond que c’est plutôt le contraire qui se produit. Il soutient que l’absence d’un espace de débat en Algérie fait que les questions d’intérêt national sont discutées sur des chaînes étrangères, à l’instar des évènements de janvier dernier. “En Algérie, on reçoit plus de 1 000 chaînes étrangères. Selon de récentes études, plus de 20 millions d’Algériens de moins de 20 ans ont déclaré n’avoir jamais regardé une chaîne du service public. C’est une catastrophe”, estime M. Adimi. “Je ne comprends pas pourquoi certains pensent que l’ouverture du champ audiovisuel est un danger, alors qu’on est câblé à tant de chaînes de télévision. Pourquoi ne pas permettre en toute transparence un débat à l’intérieur du pays ?” s’interroge-t-il.
Et de lâcher : “Je crains qu’on en arrive à acheter des espaces dans des médias étrangers pour faire passer des messages aux citoyens algériens.” M. Ahmed Adimi aborde, par ailleurs, le volet de la marginalisation, des personnalités symboles de ce pays.
Il cite comme exemple le leader du FFS, Aït Ahmed, et le président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme, Ali Yahia Abdenour, même s’il déclare ne pas partager totalement leurs idées. “Un pays qui marginalise ses personnalités symboles se tourne fatalement vers les charlatans.” Tout en considérant que l’Algérie est, du point de vue sécuritaire, menacée de toutes parts, à travers la présence de forces étrangères à ses frontières, il s’étonne qu’après des années de terrorisme, on n’a pas pensé à mettre en place une stratégie “pour construire le citoyen de manière à ce qu’il ne recourt plus à la violence pour exprimer ses revendications et ses besoins”.
À la question de savoir si la production audiovisuelle privée est un prélude à une ouverture dans le secteur, le producteur Boualem Aïssaoui pense qu’en Algérie, il existe une chaîne unique déclinée en plusieurs logos. “Nous sommes un pays retardataire qui a peur de sa propre image.” M. Boualem Aïssaoui remet en cause les arguments des politiques qui expliquent le verrouillage du champ audiovisuel par l’immaturité des Algériens et la fragilité de la société.
“Qui a dit que l’ouverture du champ audiovisuel ouvrira la voie à l’informel politique ?” s’étonne-t-il. Pour sa part, l’expert en mécanismes de régulation, Mazouz Rézigui, a insisté sur le caractère incontournable de la démonopolisation du secteur audiovisuel, mais considère que le débat sur ce dossier doit être bien encadré, de manière à ne pas remplacer le monopole de l’État par le monopole de l’argent.