Pourquoi ça n’a pas marché ?

Pourquoi ça n’a pas marché ?

Alger.jpgLe professeur Hamid Temmar (chef de cabinet de Boutefli-ka – alors ministre de la Jeunesse et du Tourisme de septembre 1962 à avril 1963 – et, dès 2000, ministre de plusieurs départements) s’est penché sur la «crise et les réponses -du 2ème contre-choc pétrolier»

dans deux articles publiés par le Quotidien d’Oran (du 7 et 8 septembre 2015) ; le 1er contre-choc pétrolier étant celui datant de novembre 1985 à avril 1986. Ce dernier a mis l’Algérie et ses gouvernants aux abois et a fini par déclencher les «événements» d’Octobre 1988 et l’ouverture des turbulences «démocratiques» qui ont suivi.

Dans cet article, M.Temmar reprend à son compte (tout en les corrigeant) l’idée-force du «think thank» NABNI dont il partage l’essentiel : des «bonnes recettes» sortiraient l’Algérie de sa (ses ?) crise(s). A la différence près que, contrairement à nos nouveaux saint-simoniens algériens, M.Temmar a exercé le pouvoir. Et cela donne de la valeur ajoutée aux propositions en discussion. Ce que nous voulons montrer.

De quoi s’agit-il ? Plus qu’un simple «certificat médical» délivré – pour le corps économique malade- M.Temmar nous livre un réquisitoire tout en pointillés contre les politiques menées par la nouvelle équipe gouvernementale… à laquelle il n’appartient plus. Il souligne, à juste titre, que le gouvernement actuel manque totalement de vision, de démarches et… de courage pour affronter le contre-choc pétrolier actuel. Selon lui, des solutions existent (voir notamment son article du 08/09/2015) ; elles doivent être principalement axées sur le cheminement des réformes introduites précédemment, auxquelles sont ajoutées :

1-la privatisation-libéralisation du système bancaire et financier.

2- «les capacités de gestion de l’appareil administratif d’exécution» (soit le management de la haute administration civile).

M.Temmar qui a fini comme ministre de la Prospective et des Statistiques -un département-levier de toute la gouvernance publique économique (qui, malmené dès 2012, s’avèrera décisif dans quelques temps)- n’a pas cherché à s’interroger sur sa propre expérience d’homme fort et poids lourd des précédentes équipes gouvernementales nommées par le président Bouteflika. A la question incisive : «Pourquoi ça n’a pas marché ?» – qui devrait être le point de départ de tout débat sur les politiques publiques de tout genre (étatiques, monétaire,…) – il n’accorde que quelques lignes. En effet, dans son analyse cette question fonctionne comme un angle mort de la réflexion. Sachant plus que quiconque que les rapports de force politiques du moment sont les véritables déterminants de tout cheminement des réformes économiques et monétaires, M.Temmar n’ose pas «sauter ce pas» analytique essentiel pour nous délivrer les clés d’un éclairage averti de l’exercice du pouvoir en situation de «luttes des clans» (de notre pays depuis… l’indépendance, voire dès la fondation du PPA).

M. Temmar indique que (je cite) : «Le cadre institutionnel et la gouvernance expriment l’état des rapports de force au sein de la société et la volonté du pouvoir politique. Autrement dit, sans une équipe politique acquise à la transformation du système et décidée, les réformes n’existeront pas, (…). En réalité, les pouvoirs publics sont bien conscients de la menace de crise ; ils en étaient conscients bien avant la matérialisation de la situation actuelle, mais ils restent prisonniers d’une idéologie qui leur interdit d’aller aux réformes (qui impliqueraient une ouverture et une libéralisation de l’économie)».

Ainsi donc, ce sont les «idéologies et structures mentales» qui rendraient timorés voire aveugles nos dirigeants politiques (civils et militaires). Alors que je serai plutôt tenté de dire (comme d’ailleurs beaucoup d’Algériens) que le «trop d’argent» perçu et consommé – lors de la phase haute du cours du pétrole – a tué notre «poule d’or», à savoir : tant nos productions d’hydrocarbures que tout l’appareil de production industriel (pour les autres branches – agriculture, travaux publics, construction…- les choses se présentent différemment pour l’instant).

Le pouvoir politique (civil et militaire) algérien est, pour paraphraser le général vietnamien Giap, «un mauvais élève» : il n’a à aucun moment cherché à tirer les leçons des années de vaches maigres et voir ce que l’histoire nous enseigne – par exemple, lors du contre-choc de 85-86 la gestion administrative de l’économie et de la société mène à la catastrophe. Ce pouvoir reprend aujourd’hui les mêmes formules bureaucratiques caduques, périmées voire contre-productives (socialement et politiquement). Et, ce n’est pas donc sans raison que des hommes politiques de ladite «opposition» (et aussi de la presse) ne manquent pas de faire un parallélisme entre la situation actuelle et l’avant-Octobre 88.

Cependant, l’Algérie de 36 millions n’est pas l’Algérie de 20 millions, celle de la parole libérée n’est pas celle de la parole bridée, celle de la confrontation n’est pas celle de l’affrontement. Aussi, les cheminements seront-ils vraisemblablement divergents (car l’Histoire même si elle bégaie, elle ne se répète pas). Ainsi donc, si dans le passé récent, l’expérience réformatrice algérienne n’a pas marché, c’est que plusieurs facteurs internes et externes – car le contexte international d’évolution de notre pays joue un rôle majeur – se sont conjugués.

Il n’y a pas que l’idéologie, le rapport de forces politiques, le cours du baril de pétrole mais beaucoup plus que tout cela (réuni) pour «expliquer» la crise actuelle. A mon sens, il y a d’abord et avant tout : la restructuration d’ensemble du capital social – «la poule d’or» – qui est en jeu entre les intérêts privés/publics nationaux /internationaux. Aussi, la seule vraie question qui se pose de nos jours est celle de savoir si les conditions actuelles permettent-elles d’affermir (ou non) l’autonomie de la decision nationale ? En somme, est-ce que les Algériens continueront à décider librement du sort de leur pays ?

* Docteur d’Etat de sciences économiques (et ancien conseiller du ministre Temmar)