William Shakespeare avait raison de dire que «la vie est un théâtre raconté par un groupe de sots».
On ne peut être que d’accord avec ce talentueux dramaturge, tant le ridicule n’a jamais tué dans un pays où quelques apprentis sorciers, sortis de je ne sais où, se mêlent assurément de ce qui ne les regarde point. À plus forte raison lorsqu’il s’agit de la mémoire de tout un peuple dont le sacrifice suprême ne saurait se suffire de torrents de larmes de crocodile. Tournant le dos à l’argumentaire d’Olivier Le Cour Grandmaison, soutenant que la conquête de l’Algérie fut «un projet cohérent de génocide», et faisant siennes les tendancieuses élucubrations de Daniel Lefeuvre et le contenu de son livre Pour en finir avec la repentance coloniale, le sieur Seddik Chihab, député de son état, semble être victime d’une fâcheuse cécité politique. À plus forte raison lorsqu’il invitait, il n’y a pas si longtemps, tout un peuple à regarder vers un avenir incertain alors que des voix s’élèvaient de l’autre côté de la rive pour vouer aux gémonies Jules Ferry et tous ceux qui serinent encore que «la colonisation fut un acte civilisationnel».
Le dignitaire du RND donnait même l’impression d’être en adéquation avec la thèse qui consiste à dire quel sens cela y-a-t-il de demander pardon pour des actes commis par d’autres dans le passé? En quoi est-on responsable d’actes perpétrés par des ascendants? Oubliant que l’anti-repentance est une grille de lecture qui a été conçue pour repenser et construire une vision globale de l’histoire de France, en gommant toutes ses aspérités.
Pour l’historien Nicolas Offenstadt «l’anti-repentance s’inscrit dans le prolongement du discours sur le rôle positif de la colonisation». À l’évidence, les revendications du peuple algérien et de courants importants de la société française procèdent d’une démarche dont l’objectif cardinal consiste plus à émousser l’impact des discours de Nicolas Sarkozy, conçus pour pousser ses compatriotes dans une attitude de dénégation de pans entiers de l’histoire, qu’à demander à la France de battre sa coulpe.

Répondre à cette demande d’une histoire partagée où chacun puisse se reconnaître contribue à l’apaisement et non à l’affrontement, souligne la politologue Françoise Vergès. Sachez, M.le député, que la montée du fascisme en Occident n’est nullement un accident de l’histoire.
Le tiraillement entre universalisme et repli nationaliste trouve ses origines en France dans la pensée d’un Tocqueville et d’un Renan, d’un côté, et celle d’un Gobineau, de l’autre, estiment d’autres sources qui font remarquer, à juste titre, que c’est toujours au moment, ou à la veille, d’un projet expansionniste que la grande bourgeoisie pousse la population vers le repli identitaire en la dressant contre un épouvantail choisi selon l’intérêt du moment.
Et puis vous revoilà, subrepticement, pour chahuter un projet de société dont le mérite singulier consiste à remettre sur les rails un système éducatif discutable, à proposer un débat démocratique autour de l’avenir même d’un pays qui croule chaque jour davantage sous le poids de la veulerie et de la trahison plurielle. Ahuris et consternés à la fois, de nombreux patriotes se demandent qui est ce Seddik Chihab pour se permettre le luxe de pousser l’outrecuidance jusqu’à faire le reproche à Nouria Benghebrit de faire consciencieusement son travail et qui, plus est, à la veille de la rentrée scolaire? Si force occulte il y a, c’est certainement celle qui s’en prend aux patriotes de ce pays, qu’ils soient de l’armée ou de la société civile, pour les transformer en fusibles.
A un moment où les milieux réfractaires continuent à narguer leur monde en dépit du bon sens… sans rendre comte de leur félonie. Pour plusieurs lecteurs du journal, la démarche empruntée par la ministre de l’Education nationale est celle de tous ceux qui ont à coeur l’avenir de leurs enfants, de tout un peuple. Le climat de compréhension et de solidarité objectivement affiché par les syndicats de l’enseignement et les parents d’élèves qui estiment que le moment est venu pour laisser la parole aux spécialistes constitue, à l’évidence, une preuve de l’adhésion à un projet de société salutaire.
Une vision qui n’existe nullement dans les gibecières des partis prétendument politiques qui, à défaut d’investir en milieux populaires, passent l’essentiel de leur temps à médire et à tirer, tels des snipers, sur ceux ayant à coeur la souveraineté nationale de leur pays. Il y a de quoi épiloguer sur la soudaine légèreté de la société politique algérienne.
Un microcosme qui, faute d’ancrage populaire et de base militante, semble se complaire dans des raccourcis particulièrement dangereux. A un moment où, pourtant, la mobilisation générale est de mise. A commencer par celle autour de l’école car, comme le disait si bien Mao Tsé-toung, la culture est sur le front idéologique le reflet de la situation politique et économique d’un pays: «La vie d’un peuple ne peut pas être une chose et son système éducatif autre chose…»
Les largesses en faveur de ceux qui ne veulent pas reconnaître les actes génocidaires commis contre le peuple algérien et de ceux qui auront ruiné l’Ecole algérienne ne doivent pas pour autant autoriser certains zélateurs à jeter le discrédit sur une femme (et demi) qui a le courage de ses idées. Qu’elle assume, en plus…