Pour tenter le débat sur la relance du secteur : Le collectif «Cinéma» en champ de bataille

Pour tenter le débat sur la relance du secteur : Le collectif «Cinéma» en champ de bataille

Écrit par Fadila Djouder

Le collectif des producteurs algériens a dévoilé hier, lors d’une conférence qu’il a animée à Alger, le contenu d’un document envoyé au Premier ministre en décembre 2017, portant des idées pour assainir et relancer le cinéma algérien. Une correspondance qui n’a reçu aucune réponse. Le collectif a également exposé la situation alarmante du cinéma algérien et la dégradation  qu’il subit de plein fouet, mais aussi les solutions qu’il propose pour une véritable relance de l’industrie cinématographique en Algérie.

Le collectif « Cinéma, vecteur de plaisir, de modernité et de développement », a réitéré son appel au gouvernement pour la mise en place de mesures, de mécanismes et de réglementations pour assurer l’existence industrielle, professionnelle et commerciale du 7e art. Le réalisateur et producteur Belkacem Hadjaj, membre de ce collectif qui compte une dizaine de producteurs, a insisté, lors de son invention, sur la formation, une priorité selon lui, appelant ainsi à un partenariat avec les grandes écoles étrangères pour un encadrement de haut niveau pour toutes les spécialités du cinéma.  Et d’exprimer le vœu de voir un institut supérieur national pour la formation dans les métiers du cinéma créé. Il a  ainsi abordé dans son intervention les points essentiels que contient le document envoyé au Premier ministre, en mettant en exergue l’importance capitale de la formation  pour une véritable politique de la relance du cinéma en Algérie.   «A l’heure actuelle, le secteur est complètement pollué par les gens qui n’y connaîssent rien. La dégradation du secteur fait que les personnes qui ne connaîssent rien au domaine se voient attribuer des projets sans qu’ils soient formés pour les mener à bien», a-t-il  affirmé. Expliquant ainsi

qu’ «il reste encore des efforts à faire concernant les écoles de formation ». « Les jeunes ne trouvent pas où apprendre le métier, les formations à l’étranger ne sont pas évidentes. C’est pour cela qu’il est important de revoir  la politique de la formation  dans les métiers du cinéma», dit-il.

Appel à la transparence dans la gestion du  Fdatic

Le deuxième point abordé  par le réalisateur est le financement du Fonds de développement de l’art, de la technique et de l’industrie cinématographiques (Fdatic) en déclarant que «nous considérons qu’il doit exister une réelle refonte du Fdatic et une transparence dans sa gestion. Il  est anormal qu’il  n’y ait pas de professionnels parmi ses membres pour défendre les intérêts de la profession». Il  confie dans ce sillage : « Par moments,  j’ai honte d’être un producteur ou un réalisateur en Algérie, la situation du cinéma se dégrade d’année en année. C’est ce qui pousse notre collectif à agir. Il s’agit au moins de sauver l’honneur de la profession en se regroupant. Car nous avons constaté que dans ce pays, malheureusement, l’organisation de la société civile est extrêmement complexe et difficile». L’intervenant, qui parle au nom du collectif des producteurs, ajoute : «Nous avons décidé de nous mettre dans un petit groupe et de commencer à travailler ensemble sur notre position face à cette alarmante situation et fixer nos objectifs.  Cela fait quelques mois qu’on se voit pour réfléchir ensemble. Très vite, nous avons senti le besoin d’élaborer une plateforme dans laquelle nous avons proposé au gouvernement un certain nombre de points comme pistes de réflexion pour faire bouger un peu les choses et surtout la situation du cinéma.»

Par ailleurs, M. Hadjadj est revenu sur «les problèmes profonds que vit le cinéma qui doivent être résolus dans un cadre interministériel ». Et d’expliquer : « Le ministère de la Culture, avec le peu de moyens qu’il a, ne  nous  mènera  nulle part […] Nous avons alors envoyé notre plateforme au Premier ministre, malheureusement à ce jour, nous n’avons reçu aucune réponse ».

Un cri de détresse sans réponse du gouvernement

Pour sa part, Lotfi Bouchouchi a annoncé que «ce collectif a commencé à se réunir et à réfléchir depuis un an et demi ». «  Notre initiative est en soi un cri de détresse, afin d’alerter sur le marasme de notre profession et la précarité dans laquelle se trouve le cinéaste algérien et c’est un cri d’espoir en même temps, car cette situation n’est pas irréversible parce que nous avons des capacités d’aller de l’avant et de faire de notre cinéma une économie,  une industrie ou encore une parole de l’Algérie à l’étranger ».

«Notre initiative n’a pas la prétention de proposer des solutions clefs en main, le travail sera de très grande haleine. Il y aura des aboutissements que si le gouvernement pèse de tout son poids pour faire bouger les choses  et que les professionnels jouent le jeu de la disponibilité et du don de soi sur plusieurs années, voire des décennies».

Ainsi, selon M. Bouchouchi, «le problème qui se pose dans le cinéma, c’est que tout est à refaire ». « Il faut un plan d’ensemble, nous ne pouvons pas attendre que les gens soient formés pour faire du cinéma. S’il y a une volonté politique,  le travail peut commencer. Et on est conscient qu’il faut au moins une décennie pour commencer à voir les fruits de ce travail ».

Plateformes de solutions pour une démarche positive

De son côté, Ahmed Rachedi a déclaré que  « notre démarche se veut positive ». « Nous voulons  une véritable avancée et organisation du cinéma en dehors des conflits personnels. Nous voulons défendre notre droit d’exister et c’est notre devoir de le faire».

A propos du Fdatic,  il ajoute que  «ce qui se passe ailleurs dans les mécanismes d’aide sont des avances sur recettes et non des concours définitifs ».

En ce qui le concerne, le jeune réalisateur Jaber Debzi  estime,  à son tour, que «nous sommes dans l’esprit de collaboration constructive, nous ne sommes pas là pour dire que ce qui a été fait par le passé et ce qui est en train de se faire actuellement ne vont pas dans le bon sens.

Mais ce n’est pas assez, et nous pouvons faire mieux » !  Il a également fait savoir qu’avec «les capacités financières  et les  ressources humaines dont dispose notre pays,  c’est tout à fait possible de se hisser au niveau des majors américaines ou européennes. Mais pour cela, il faut une réelle volonté politique et c’est au gouvernement de prendre cette décision. Nous, nous sommes là à leur service». Et de poursuivre : «L’Algérie a un parc de salles très important, alors que beaucoup d’autres pays n’ont pas cette chance. On doit savoir surfer sur ce que nous avons déjà et travailler pour améliorer  nos acquis pour développer une réelle industrie du cinéma».