Pour Saïd Musette, directeur de recherche au CREAD : La fuite des compétences, un gaspillage des cerveaux

Pour Saïd Musette, directeur de recherche au CREAD : La fuite des compétences, un gaspillage des cerveaux
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Pour le chercheur, si l’Europe et les EU tablent sur la mobilité des compétences, sur la migration circulaire, sans oublier les chasseurs de tête, c’est que leur déclin démographique ne leur permettra plus de soutenir la croissance d’ici à 2030.

“La fuite des cerveaux et des compétences n’est pas un phénomène nouveau, c’est une question qui date des années 1950, mais aujourd’hui, faut-il en parler selon la vision européenne ou notre vision à nous, en Algérie et au Maghreb ?” C’est par cette interrogation que Mohamed Saïd Musette, directeur de recherche au Cread, sociologue, spécialiste des questions du marché du travail et de la migration internationale, situera l’intérêt des travaux d’une étude réalisée par des équipes de recherche maghrébines et pluridisciplinaires publiée sous le titre de “Fuites des cerveaux ou mobilité des compétences au Maghreb”.

Étude demandée au départ par l’Organisation internationale du travail (OIT) et qui sera étendue à l’étude des cas dans les pays du Maghreb. La présentation des résultats, faite ce lundi au Crasc d’Oran, aura permis de récolter des données fiables sur “la fuite des cerveaux” et d’asseoir une nouvelle approche de la mobilité des compétences et leur fuite à l’étranger par opposition aux concepts occidentaux admis, jusque-là, selon les propres intérêts des pays d’accueil.

En effet, Saïd Musette expliquera qu’aux trois théories “les réseaux diasporiques, les transferts d’argent et la migration circulaire”, il introduit un nouveau concept du “gaspillage des cerveaux”, et de s’en expliquer : “Le drame pour les pays du Maghreb, notamment l’Algérie, n’est pas tant le départ des compétences de niveau supérieur, comme on le retrouve dans les statistiques de l’OCDE et de l’Insee, qui est grave, mais c’est quand ce sont des diplômés du supérieur. Par exemple, vous avez un médecin parmi les mieux payés en exercice ou un technicien dans le forage avec une compétence rare et qui travaille.

LG Algérie

Là, on peut parler de gaspillage de cerveaux.” Car, pour le chercheur, si l’Europe et les EU tablent sur la mobilité des compétences, sur la migration circulaire, sans oublier les chasseurs de tête, c’est que leur déclin démographique ne leur permettra plus de soutenir la croissance d’ici à 2030. L’intervenant montrera, justement, chiffres à l’appui, le niveau des départs au Maghreb et notamment en Algérie, qui, depuis les années 2000, enregistre la plus grande croissance de la fuite des compétences, notamment des médecins, en dehors de la Libye où là c’est une véritable hémorragie pour les raisons que l’on connaît. Ainsi, selon les données françaises, en l’absence de données nationales, le nombre de médecins partis dépasse les 17 600, les ingénieurs sont plus de 14 000. Ce sont les psychiatres qui représentent le plus gros contingent, soit 30%, avec une courbe ascendante à la fin de la décennie noire, viennent après les radiologues et les ophtalmologues. À noter que le niveau des départs en Tunisie reste proche de celui des Algériens. Autre remarque de taille et qu’il faut rapprocher du concept de “gaspillage des cerveaux”, le déclassement global et général des compétences algériennes.

En France, ce taux atteint les 45%, c’est-à-dire sous-payés où contraints d’occuper des postes très en deçà de leur compétence et niveau de diplôme. Poursuivant l’analyse des chiffres et de l’étude, le conférencier démontera aussi le concept de transfert d’argent émanant des compétences ayant fui à l’étranger, et de citer des sources de la Banque centrale : “90% des transferts des migrants sont le fait des retraités, ils vont finir par disparaître et il y aura tarissement des transferts puisque l’on remarque encore que les salariés algériens à l’étranger ne transfèrent que 10% de leur salaire soit 200 000 dollars par an.” Et d’indiquer que notre pays se trouve dès lors dans une situation de solde négatif des transferts et de laisser entendre qu’il est utopique de croire que l’on pourra transformer les transferts en investissement.