Pour quel futur en Algérie ?

Pour quel futur en Algérie ?

La chute du prix du pétrole, crée l’incertain et nous plaque une réalité dont nous voulons absolument nous détourner. Le pays a suspendu toute son existence à la seule valeur d’une richesse non renouvelable donc à évolution régressive.

Si certaines théories (déjà anciennes) avaient prévu le déclin de la production pétrolière, à travers le monde une quarantaine d’années après les pics d’exploitation se sont avérées exactes aujourd’hui. A l’heure actuelle les terriens ont consommé la moitié de cette réserve fossile.

L’Algérie aurait entamé cette phase il y a quelques années (2006-2007-2008), même si par une gestion rationnelle nous aurions pu la retarder quelque temps, le déclin aurait été inévitable pour des raisons tout à fait naturelles. Aux deux effets dépressifs cumulés du prix, et de la production (nous finirions 2014 avec 25% de pertes en volume par rapport à 2013), viennent s’ajouter, notre consommation énergétique à croissance foudroyante, et notre consommation générale toute aussi spectaculaire. Une demande interne d’un luxe boulimique, complètement stérile sanctionnée par une croissance économique (elle-même ne doit son existence qu’à la rente) proche de 3% pour une moyenne africaine de 6%.

La consommation énergétique interne réduit dangereusement le volume d’exportation, qui régule notre repas quotidien. Et voilà que l’on se retrouve aussi facilement devant une assiette vide. A lire les données de la nouvelle loi des finances, elle n’est pas prête de se remplir bien au contraire. Les dirigeants occupés par le pillage frénétique, restent insensibles aux alertes de plus en plus alarmantes, poussent en toute impunité avec audace et insolence vers l’irréversible.

La situation sociale des Algériens étant à ses limites ; logement, chômage, niveau de vie…, une réduction du train de vie vient grossir le rang des franges sociales les plus démunies, et sera bien évidemment biologiquement insupportable par ceux qui ont déjà une assiette vide.

Tout cela nous le savons, mais ceci ne nous empêche pas de nous demander, comment se fait-il que nous ayons accepté de lier notre existence à une richesse dont le déclin est prévisible. C’est comme si nous nous étions jetés en mer profonde, un boulet au pied. Notre vie tient au sursis accordé par nos efforts à nous maintenir à la surface. Le boulet obéissant à la force d’attraction, nous aspire inévitablement vers le fond à mesure que les recettes s’érodent et limitent notre train de vie. Et nous voilà à nous débattre pour tenter d’assurer notre survie. La rente sensée être au départ une bénédiction, nous l’avons transformée insidieusement en arme mortelle.

Si nous avons accepté de vivre sans efforts, il faut réaliser que nous le faisons au détriment de l’héritage que nous laissons à nos enfants. Quel langage va-t-il falloir utiliser pour leur expliquer que notre train de vie arrogant et éphémère, s’est fait sur le vol de leur bien. Où trouver ce droit, cette morale, et cette raison qui nous permettent d’exercer une telle injustice envers des innocents. S’il est vrai que gouverner c’est prévoir, nous serions certainement devant un crime prémédité.

A cette question vient se greffer une autre, c’est celle de se demander au moment où des pays tenant compte du caractère épuisable de la rente fossile arrivent à créer des fonds souverains pour leur enfants. Voulant dire par là qu’ils travaillent actuellement à assurer non seulement leur sécurité alimentaire mais leur développement et celui des générations futures. Pendant ce temps nous n’arrivons même pas à préserver notre propre survie, et ce là sans faire de développement.

Oubliant au passage que c’est un vol fait aux générations futures, dilapidé de façon irréversible en toute insouciance. Nous avons abusé de notre pouvoir pour ne laisser aucun futur à ceux qui n’ont eu d’autres choix que de nous confier naïvement leur avenir, obéissant au contrat au semblant naturel de parents à enfants. Dans un rapport contraire à toute loi biologique et aux règles humaines universelles, chaque jour nous nous dévorons dans une désinvolture marquée d’une fierté singulièrement insolente.

Vraiment, il devient difficile de qualifier cette performance où d’une pierre nous réalisons plusieurs coups, causant une infinité de dommages. La logique aurait voulu qu’on associe l’utile à l’agréable, dans une démarche funeste nous associons le nuisible au cauchemar. Qu’ont-ils fait de nous, était-ce notre choix ?

Décidément il y a vraiment quelque chose qui ne tourne pas rond.

Sofiane Benadjila, Ingénieur agronome, militant de la Laddh