Que s’est-il passé (et dans quel objectif ?) au cours de la nuit de mercredi à jeudi derniers dans la région nord du Mali, non loin de la frontière mauritanienne ? C’est de Madrid qu’est venue la première version des événements.
Selon les sites Internet des quotidiens El Pais et ABC, il n’y a aucun doute qu’une «opération des forces spéciales françaises a échoué» dans sa tentative de libérer Michel
Germaneau, 78 ans, otage français détenu depuis le 19 avril par El Qaïda au Maghreb islamique qui menace de l’exécuter le
26 juillet s’il elle n’obtient pas la libération de plusieurs de ses terroristes détenus dans les pays de la région.Pour la presse espagnole, citant des sources diplomatiques, six terroristes avaient été tués, d’autres avaient réussi à prendre la fuite.
Mais aucune trace de Michel Germaneau.A Paris, les autorités ont, dans un premier temps, gardé le mutisme avant que le porte-parole du ministère des Affaires étrangères déclare ne disposer d’«aucun élément» lui «permettant de commenter les informations de sites Internet espagnols».
Mais, hier matin, le ministère de la Défense a publié un communiqué pour donner sa version des événements : «Des moyens militaires français ont apporté un soutien technique et logistique à une opération mauritanienne destinée à prévenir une attaque d’El Qaïda au Maghreb islamique contre la Mauritanie.
Ce soutien militaire entre dans le cadre de l’appui que la France apporte aux pays de la région engagés dans la lutte contre le terrorisme.»«Le groupe de terroristes visé par l’armée mauritanienne est celui qui a exécuté l’otage britannique voici un an et qui refuse de donner des preuves de vie et d’engager le dialogue en vue de la libération de notre compatriote Michel Germaneau», ajoute le communiqué qui conclut : «L’opération conduite par les Mauritaniens a permis de neutraliser le groupe de terroristes et de faire échec au projet contre des objectifs mauritaniens.»Où est donc la vérité ? Tentative de libération manquée de l’otage français ou annihilation d’une attaque terroriste contre la Mauritanie ? Deux versions qui alimentaient les commentaires du milieu de l’après-midi à Paris. Et ce ne sont pas les informations rapportées de la région concernée qui aident à avoir un éclairage
crédible. Ainsi, l’AFP rapporte depuis Nouakchott une source ministérielle qui déclare : «L’opération qui visait une base des terroristes est terminée. Elle a permis de tuer et de blesser un certain nombre de terroristes armés dans cette base située dans le désert et qui sert de refuge aux combattants terroristes de la nébuleuse El Qaïda au Maghreb islamique.»
En revanche, toujours selon l’agence française de presse, depuis Bamako, un Malien, qui serait un médiateur impliqué dans plusieurs libérations d’otages européens, affirme : «Ce que je sais, c’est que ce sont les Mauritaniens qui sont allés au Sahara, là où était censé être détenu l’otage français. Il semble qu’ils seraient allés chercher l’otage français, mais ils ne l’auraient pas vu sur place. La France était au courant de l’opération avant son déroulement. Maintenant, la question est de savoir son degré d’implication.» Par ailleurs, une source militaire mauritanienne aurait déclaré que l’opération, avec l’aide de l’aviation française, a été menée «en coordination avec des pays amis». Qui sont ces pays amis ? Ceux de la région signataires de l’accord d’Alger sur l’action commune contre le terrorisme dans les pays sahélo-sahariens pour faire barrage à toute intervention étrangère ? Ce qui est sûr, Paris a informé, mais pas consulté, Madrid avant l’opération car deux
Espagnols sont actuellement otages des terroristes du désert.Cependant, malgré la présence de deux versions sur le «coup de main» de l’armée française aux militaires mauritaniens, pour la majorité de la presse française la cause est entendue : c’est la thèse de la presse espagnole qui prévaut. Dans sa dernière livraison datée d’aujourd’hui, le Monde surtitre sa page consacrée à l’événement : «L’opération militaire tentée le jeudi 22 juillet dans le nord du Mali pour libérer le Français Michel Germaneau, 78 ans, a échoué. Paris s’attend au pire.» Le pire serait l’exécution de l’otage dès lundi prochain.
Autre titre, celui du Figaro : «Un raid pour libérer un otage français échoue.» Même conviction chez Libération : «Tout laisse croire» à une tentative de libération de l’otage «même s’il n’y a pas de confirmation officielle». Dans son blog «Secret défense», ce journal est convaincu que «l’opération militaire aurait été conduite sur la base de renseignements partiellement fournis par les Américains».
Il ajoute : «Elle se serait déroulée dans la région de Tessalit (nord-est du Mali), à proximité de la frontière avec l’Algérie. Il s’agit donc d’une opération aéroportée, vraisemblablement avec le soutien de la France. Le rôle de l’Algérie – très impliquée dans la traque de l’AQMI – reste inconnu.»