La chute des cours d’hydrocarbures pourrait durer jusqu’à 2020, au minimum, pronostique le Pr Abderrahmane Mebtoul, dans une contribution adressée à la rédaction.
Les recettes de Sonatrach risquent d’être inférieures à 34 milliards de dollars cette année prévoit-il, évoquant, également, “la baisse vertigineuse du Fonds de régulation des recettes et des réserves de changes”.
Face à cela, “on continue comme si rien n’était”, regrette le professeur Mebtoul, constatant que certains responsables n’ont pas tiré les leçons de la crise de 1986. “Ainsi, malgré la baisse des recettes en hydrocarbures et des tensions budgétaires qui s’annoncent, il n’y aurait pas de restriction financière pour le ministre des Transports”. M. Mebtoul revient notamment sur les dernières déclarations du ministre des Transports, concernant le futur port commercial de la région centre, prévu entre les villes de Cherchell (Tipasa) et de Ténès (Chlef), nécessitant un investissement de près de 200 milliards de dinars, soit plus de 2 milliards de dollars. “Comment peut-on dire que cette infrastructure sera financée par les banques publiques, dont l’essentiel du capital argent lui-même provient des hydrocarbures”, s’interroge l’économiste. Le même ministre, ajoute M. Mebtoul, “prévoit l’extension de la gare maritime du port d’Alger, pour plus de 832 milliards de dinars, ainsi que de nouvelles acquisitions dans les domaines aérien, ferroviaire, maritime et terrestre sans préciser le montant qui devrait être important”. Quant aux projets de tramway, dans certaines villes du pays, selon le ministre des Transports, le gel ne concerne que les projets dont les études sont toujours en cours. Le professeur Mebtoul cite aussi les projets de la SNTF qui devrait se transformer en société par actions à partir de 2019.
Long de quelque 4 000 km actuellement, le réseau ferroviaire national devra atteindre, à l’horizon 2020, un total de 12 500 km connectés aux infrastructures portuaires, aéroportuaires et logistiques.
M. Mebtoul s’interroge sur le montant consacré à ce projet, d’autant que l’investissement se fera sur fonds publics. “La situation est grave, arrêtons de dépenser sans compter”, alerte l’économiste. Selon la Banque d’Algérie, à fin mars 2015, la liquidité globale des banques s’établit à 2 186,81 milliards de dinars contre 2 730,88 milliards de dinars à fin décembre 2014.
Ainsi, le 1er trimestre 2015 a enregistré une forte contraction de la liquidité bancaire (-544,1 milliards de dinars). Malgré la contraction des ressources, les crédits à l’économie ont poursuivi leur progression, au rythme de 4,23% au cours du trimestre sous revue. Ce rythme ne semble pas être soutenable sans recours des banques au refinancement auprès de la Banque d’Algérie, notamment via le réescompte, au 2e semestre de l’année en cours. La Banque d’Algérie estime que pour atténuer l’impact du choc externe sur leurs moyens d’action, les banques doivent drainer une fraction de la monnaie fiduciaire en circulation en proposant de nouveaux produits financiers et des taux de rendements attractifs. “Afin de mieux asseoir la résilience de l’économie algérienne aux chocs externes, le développement de l’épargne financière à terme par les banques reste potentiellement important et doit être le socle du nouveau schéma de financement de la croissance hors hydrocarbures”, souligne la Banque d’Algérie.
Pour sa part, Abderrahmane Mebtoul rappelle qu’il avait dès 2014 mis en garde le gouvernement algérien, “la baisse importante des cours du pétrole qui pourrait s’allonger jusqu’à fin 2020-2025”, en proposant “un comité de crise et une conférence nationale pour réorienter la politique socioéconomique afin d’éviter le drame des impacts de la crise de 1986”.