Le gouvernement algérien a la main large et dépense presque sans compter. En tout cas, pas suffisamment. Le FMI l’invite à ne pas trop penser «politique» en accordant des augmentations de salaires et en soutenant les prix. C’est bien un «choix politique», répond le ministre algérien des Finances.
Les éléments du rapport annuel du FMI étaient déjà connus. Sa mise en ligne, mardi, sur le site de l’institution financière, le «relance» médiatiquement par agences de presse interposées avec une forte insistance sur une de ses préconisations : une réduction des dépenses publiques. Pour l’institution financière, l’accroissement des dépenses publiques est susceptible d’alimenter l’inflation et de fragiliser des comptes publics, déjà trop largement dépendants de la variation des cours pétroliers. Ce sont très clairement les hausses de salaires consenties par les autorités ainsi que le soutien des prix qui sont ciblés par le FMI. Implicitement, l’institution financière estime que la logique gouvernementale n’est pas ancrée dans l’économie mais relève excessivement de la politique. Ses dépenses sont exagérément déterminées par le souci d’éviter la «contamination» des contestations socio-politiques. Pour le FMI, si les cours élevés du pétrole permettent d’être dépensier pour contenir les revendications sociales et la stabilité politique, «cela devrait être géré avec prudence pour éviter des tensions inflationnistes et préserver la viabilité budgétaire à moyen terme». Pour les administrateurs du FMI, la forte croissance des dépenses courantes en 2011 «a rendu la position budgétaire vulnérable au risque de chute prolongée des cours du pétrole». Les experts de Washington incitent à une sorte de rigueur budgétaire – ils évoquent le rééquilibrage budgétaire – qui pourrait «inclure notamment la limitation des hausses de salaires et les recrutements et un meilleur ciblage des transferts et des subventions». Bref, pour le FMI, le gouvernement algérien dépense trop au lieu de faire des efforts pour mobiliser des ressources budgétaires hors hydrocarbures, de réformer l’administration fiscale et veiller à la «bonne qualité et l’efficience des dépenses publiques». Il faut donc retourner à la règle qu’il faut lier les hausses de salaires à une réelle augmentation de la valeur ajoutée. Car «l’expansion substantielle des dépenses publiques, si elle n’est pas modérée, pourrait entraîner de fortes pressions inflationnistes et une appréciation du taux de change réel».
LA «RIGUEUR»
Le FMI prend acte que les hausses des salaires réels et les autres prestations ne se sont pas «encore» traduites par un accroissement de l’inflation mais préconise de «resserrer la politique monétaire prochainement pour contenir les pressions inflationnistes». Le FMI met en garde également contre une appréciation du dinar algérien qui aurait pour effet de saper une compétitivité déjà faible de l’économie algérienne et nuirait à l’effort de diversification. Des économistes algériens, sans adhérer nécessairement à la doxa libérale du FMI, avaient déjà souligné que l’augmentation des dépenses n’avait pas d’effets sur la production interne et stimulait les importations malgré les obstacles bureaucratiques destinés à en limiter l’irrésistible expansion. Pour ces experts nationaux, le gonflement inconsidéré des dépenses a tendance à alimenter une inflation, contenue jusqu’ici par les subventions, qui pourrait bien prendre des proportions significatives. Karim Djoudi, ministre algérien des Finances, a défendu, en réponse au rapport du FMI, un «choix politique» d’augmentation des salaires et du soutien des prix. Selon lui, l’inflation sera maintenue en 2012 autour du «taux acceptable» de 4% grâce à la politique de soutien des prix. Le FMI, en tout état de cause, semble se satisfaire du taux de croissance de l’économie algérienne, 2,5% environ sur l’année 2011, et il n’est pas loin de délivrer un satisfecit à cet égard. Or, si les questions de gestion budgétaire et monétaire ont certes une dimension importante dans la gestion courante du pays, c’est bien la question de la croissance qui devrait être le paramètre central d’analyse de la performance en termes de gouvernance économique. Une croissance de 3% ou 3,5% est beaucoup trop faible pour envisager une amorce de résorption effective du chômage et d’insertion du pays dans une logique, vitale, de développement.