Pour son baptême de feu, la première conférence de presse mensuelle du duo Abdelkader Messahel – Ramtane Lamamra aura laissé un goût d’inachevé pour la foule de journalistes présents à l’évènement. Des réponses gênées et évasives à des questions « sensibles » et l’actualité algéro-marocaine, qui a largement dominé ce rendez-vous avec les deux ministres les plus en vue de l’Exécutif Sellal.
«L’Etat souffre d’un déficit d’image aux niveaux national et international », avoue Abdelkader Messahel. C’est pour dissiper ce « grand malentendu Algérie » et remédier à une communication gouvernementale chaotique que les ministres de la Communication et celui des Affaires étrangères ont été appelés à la rescousse. La conférence de presse tenue dimanche par les deux ministres, la première d’une promesse de rendez-vous mensuel traditionnel du gouvernement avec les médias, aura tenu ses promesses en matière d’affluence. Des chaines de TV privées algériennes « tolérées » présentes en force et un afflux de journalistes de la presse écrite nationale et étrangère. Si la première question a abordé, naturellement, le différend diplomatique entre Alger et Rabat, après la violation de l’enceinte du consulat algérien à Casablanca, une question aux allures de missile est venue perturber la sérénité du ministre de la communication : Mohamed Tamalt, journaliste freelance, a interrogé Abdelkader Messahel sur la « mainmise du clan Bouteflika sur les leviers de la décision, transformant l’Algérie en royaume » et « les liens de famille entre le Premier ministre et le général Bendaoud », nouveau patron de la Direction de la sécurité intérieure relevant du DRS. «L’Algérie n’est pas un royaume comme vous le dites. Nous sommes en république, le président Bouteflika est élu et l’Algérie dispose d’institutions élues comme l’APN, le Sénat », répond Messahel, visiblement irrité par cette question inattendue.
L’attitude de Rabat, « une insulte à tous les maghrébins »
Sur les questions de diplomatie, le ministre des Affaires étrangères Ramtane Lamamra, a fait preuve d’une grande sérénité et a répondu avec aisance aux rafales d’interpellations sur l’incident du drapeau nationale et de la violation du consulat algérien au Maroc. Il évacue d’un revers, les reproches de « silence algérien » devant les « agressions marocaines ». «En diplomatie, le silence peut être éloquent (…) mais nous disons ce qu’il y a lieu de dire au moment approprié », répond Ramtane Lamamra. Il estime que la communauté internationale a déjà condamné le Maroc pour les « trois forfaits » commis contre la représentation algérienne à Casablanca. «Le premier forfait a trait à la violation d’une représentation diplomatique protégée par les conventions internationales, le second a trait à la violation du drapeau national et le troisième concerne le 1er novembre, qui est une date chère à tous les algériens », a-t-il martelé. Le chef de la diplomatie algérienne est allé plus loin en qualifiant l’acte marocain et l’attitude passive des autorités de Rabat, « d’insulte faite à tous les maghrébins ». L’Algérie maintient sa demande à être impliquée dans l’enquête sur cet incident car, estime-t-il : «nous avons toutes les raisons de rejeter la thèse de l’acte isolé », avancée par les autorités marocaines. Lamamra a insisté, encore une fois, sur le caractère « serein et civilisé » de la position algérienne et la nécessité de faire le distinguo entre les relations algéro-marocaines et la question du Sahara occidental, dans laquelle Rabat tente d’entraîner l’Algérie.
Les familles des otages reçues par le ministre des AE
Ramtane Lamamra a évoqué le sort des diplomates enlevés au nord du Mali mais n’a pas voulu dire davantage sur les négociations avec les ravisseurs. « Nous avons reçu ce matin les familles de nos diplomates enlevés et nous leur avons affirmé encore une fois la mobilisation de toutes les institutions de l’Etat pour obtenir leur libération, » a-t-il déclaré. Le ministre de la Communication a saisi l’occasion pour démentir une information parue dans les médias, faisant état de l’implication des services de sécurité algériens dans les négociations pour la récente libération des quatre otages français détenus par AQMI au Sahel. Abdelkader Messahel a par ailleurs refusé de se prononcer à propos du mandat d’arrêt contre l’ex-ministre de l’Energie Chakib Khelil et l’emprisonnement du jeune blogueur Abdelghani Aloui : « je préfère laisser d’abord la justice fasse son travail », a-t-il déclaré.