Des rebelles ont, pour la première fois depuis 2011, accepté de quitter un quartier de Damas après avoir été soumis à des bombardements massifs, permettant au régime de raffermir son contrôle sur la capitale, enjeu majeur pour lui.
Par ailleurs, le régime syrien a clairement fait savoir son refus que l’ONU ou des forces internationales surveillent l’application de l’accord russo-turco-iranien signé le 4 mai sur des «zones de désescalade». «Des hommes armés et des membres de leurs familles ont commencé à quitter Barzé à bord de 40 bus en direction du nord de la Syrie, et cette opération se poursuivra pendant cinq jours», a affirmé la télévision d’Etat syrienne. «Dans le même temps, la situation des personnes ayant choisi de rester sur place sera réglée», a-t-elle précisé.
Ce média gouvernemental ne précise pas le nombre de personnes qui devraient partir mais, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), entre 1.400 et 1.500 combattants et leurs familles devraient quitter la capitale pour Idleb, une province du nord-ouest tenue par les rebelles et des jihadistes. L’accord sur l’évacuation de Barzé, un quartier qui comptait avant le début de la crise 48.000 habitants, a été conclu, dimanche soir, et des dizaines de personnes s’étaient rassemblées dès l’aube pour se préparer à partir. Un photographe à Barzé a vu des rebelles portant leurs armes légères, ainsi que des enfants et des femmes portant des foulards clairs poussant des valises et portant des sacs en toile.
Une source au sein de la milice pro-gouvernementale, les Forces de défense nationales (FDN) a affirmé à l’AFP que les rebelles seront autorisés à partir avec «leurs armes personnelles». Des négociations sont également en cours pour l’évacuation de rebelles de Qaboun, un quartier du nord-est de la capitale, devenu depuis plusieurs mois un véritable champ de bataille. La majorité de Damas est sous contrôle du régime à l’exception de six quartiers périphériques: Barzé, Qaboun, Jobar, Tadamoun, Techrine et Yarmouk.
L’ONU mise à l’écart
En février, le géographe français expert de la Syrie, Fabrice Balanche, avait affirmé que «la rébellion a définitivement perdu Damas».» «Les plus rationnels (parmi les rebelles) cherchent, désormais, à négocier avec le gouvernement syrien leur amnistie. Quant aux autres, ils n’ont d’autre espoir que d’être transférés vers Idleb», avait-il dit. Plusieurs opérations d’évacuations d’insurgés et de leurs familles ont déjà eu lieu dans plusieurs localités de la province de Damas, mais c’est la première fois qu’une telle opération est menée dans la capitale.
Les insurgés, qui ont perdu de vastes régions face au régime soutenu militairement par la Russie et l’Iran, se sont vus contraints de signer des accords d’évacuation de nombreux de leurs bastions. Déclenché en mars 2011 par la répression de manifestations prodémocratie, le conflit en Syrie a fait plus de 320.000 morts et des millions de déplacés et de réfugiés, et s’est complexifié avec l’implication d’acteurs internationaux et de groupes jihadistes. Le départ des rebelles survient quelques jours après l’entrée en vigueur de l’accord d’Astana, entre la Russie et l’Iran, alliés du régime de Bachar al-Assad, et la Turquie, soutien de la rébellion, qui prévoit la création de quatre «zones de désescalade» en Syrie.
A ce propos, le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem, a affirmé que son pays «n’acceptait pas que les Nations unies ou des forces internationales aient un rôle de surveillance dans l’application du mémorandum». Les «zones de désescalade» seront doublées de «zones de sécurité», avec postes de contrôle et centres de surveillance tenus conjointement par «les forces des pays garants» et possiblement «d’autres parties». En plus de l’instauration d’une trêve durable, le mémorandum vise à améliorer la situation humanitaire et à créer les «conditions pour faire avancer le processus politique».
Les principales opérations d’évacuation
Plusieurs opérations d’évacuation ont été organisées depuis le début de la guerre en Syrie en 2011, notamment pour des bastions insurgés asphyxiés par un long siège, comme à Homs ou Alep.
Barzé
La première évacuation de rebelles d’un quartier de Damas, Barzé, a commencé lundi. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), entre 1.400 et 1.500 combattants et leurs familles doivent quitter la capitale, une opération devant durer cinq jours.
Madaya, Zabadani, Foua, Kafraya
En vertu d’un accord parrainé par l’Iran et le Qatar, parrains respectifs du régime et des insurgés, près de 11.000 combattants et civils sont sortis de quatre localités assiégées en avril, soit la plus vaste opération d’évacuation depuis le début de la guerre en Syrie.Cette évacuation croisée concerne Foua et Kafraya, deux localités chiites dans la province d’Idleb (nord-ouest) qui sont encerclées par les rebelles, et Zabadani et Madaya, assiégées par les troupes du régime et désormais sous le contrôle de l’armée. Une première phase s’est terminée le 21 avril est une seconde phase est prévue en juin. Outre les quatre localités, d’autres zones rebelles sont concernées par les évacuations. Le régime de Bachar al-Assad mise sur ce qu’il appelle des accords de «réconciliation locale» pour faire plier les rebelles et mettre fin à la guerre qui ensanglante la Syrie depuis six ans.
Homs
A Homs (centre), troisième ville du pays et autrefois surnommée «capitale de la révolution», les rebelles ont dû accepter de quitter leur fief dans la vieille ville en mai 2014. Ce premier accord entre régime et rebelles pour le retrait des insurgés depuis le début de la guerre a été négocié entre l’ONU et le régime. A la mi-mars, les insurgés ont commencé à évacuer Waer, le dernier quartier qu’ils contrôlaient, laissant ainsi le régime mettre totalement la main sur Homs.
Alep
Le 22 décembre 2016, l’armée syrienne a annoncé la reprise de la moitié de la deuxième ville du pays qui lui échappait depuis juillet 2012, après une offensive dévastatrice d’un mois qui a abouti à l’évacuation de dizaines de milliers de résidents et d’insurgés vers des régions rebelles du nord. L’évacuation a été menée en vertu d’un accord parrainé par la Turquie, principal appui des rebelles, la Russie et l’Iran, alliés du régime.
Daraya et Wadi Barada
En août 2016, les derniers rebelles ont évacué leur ex-fief de Daraya, près de Damas, en vertu d’un accord conclu entre régime et insurgés au bout d’un siège de quatre ans imposé par le gouvernement. Les combattants ont été transférés vers Idleb et l’armée syrienne a repris le contrôle de Daraya. En janvier, un accord conclu entre régime et rebelles a permis à quelque 700 insurgés et 1.400 civils de quitter Wadi Barada pour se rendre dans la province d’Idleb, après la victoire des troupes du régime dans cette région près de Damas.