stice. Sommes-nous face à une véritable menace contre la cohésion et la sécurité nationales ou assistons-nous à un discours politique disproportionné ?
Jamais dans l’histoire du pays, la menace sur la cohésion nationale que représentent schismes et courants islamiques n’a été brandie, comme c’est le cas ces derniers jours. Dans le viseur des pouvoirs publics, les adeptes du courant chiite et, surtout, ceux du schisme ahmadi.
Politiquement, depuis quelques mois, le ministre des Affaires religieuses ne rate aucune tribune pour mettre en garde la société contre ces courants traversant la religion musulmane depuis des siècles. Ce discours politique est accompagné de 3 autres démarches, l’une sécuritaire, l’autre judiciaire et la troisième proprement religieuse. Les unes sont déjà engagées, les autres sont au stade de chantier.
Des mesures qui ressemblent à un plan de batail adopté par le gouvernement pour parer à ce qui est présenté comme une menace majeure. Sauf que, passé l’effet de surprise des premières annonces, notamment celles relatives au démantèlement des groupes ahmadis et leur présentation devant les tribunaux, des questions commencent à être posées sur aussi bien sur l’ampleur réelle de cette menace et sur l’efficience des engagements pris par le gouvernement. Malgré la sensibilité du sujet ou peut-être à cause de cela, il est à noter la quasi-absence d’un débat sur la question.
Discours politique alarmant et interpellations policières
Pour la démarche politique, le gouvernement juge les ahmadis comme une menace contre le référent religieux national. Un risque que ne peut se permettre l’Algérie dans la conjoncture régionale actuelle. Ce discours politique, s’il est jugé serein et conséquent par les uns, est traité d’alarmiste par d’autres.
Selon ces derniers, il est étonnant que seul le courant ahmadi, et accessoirement le chiisme, soit dans le viseur des pouvoirs publics, surtout qu’aussi bien de par le nombre que par l’activisme, les ahmadis restent une quantité infinitésimale par rapport aux salafistes et wahhabites, à titre d’exemple. Ils citent le fait que les imams accrédités ne ratent aucune occasion pour se plaindre de l’activisme des salafistes dans et aux alentours des mosquées.
Une réalité reconnue par le ministre des Affaires religieuses lui-même, selon qui le courant des ahmadis n’est pas en soi aussi important et dangereux, mais ce sont ses éventuelles connexions avec des services étrangers qui posent problème. Même le président de l’association des imams, Djelloul Hadjimi, dans ses plaidoiries contre les ahmadis, se focalise sur les comptes de la secte, en rappelant que leur budget dans le monde s’évalue entre 10 et 20 milliards de dollars, et sur leur création par les services britanniques plutôt que sur leur danger par rapport au référent national religieux.
Pour la démarche sécuritaire, les ahmadis sont arrêtés, les uns après les autres dans les quatre coins du pays. Lors des premières arrestations, il y a presque une année, comme ce fut le cas avec le groupe de Aïn Bouziane (wilaya de Skikda), les journaux faisaient état de l’arrestation d’ahmadis pour, entre autres, réunions non autorisées, collectes illégales de fonds, détention d’explosifs et de munitions ainsi que pour intelligence avec des puissances étrangères. Le délit de prosélytisme est rarement cité.
Des accusations qui s’avèrent, devant les tribunaux, souvent sans fondements
Pour la démarche judiciaire, ces ahmadis sont traduits devant les tribunaux avec la constitution du ministère des Affaires religieuses comme partie civile. L’action judiciaire est couplée à une autre action visant à ramener les ahmadis au repentir à travers des séances de révisionnisme.
Là aussi, cette démarche est saluée par une grande partie des Algériens, qui y voient une rupture avec un certain laxisme d’une certaine période.
Toutefois, devant les juges, qui ne se basent que sur les faits prouvés, les ahmadis n’écopent que de peines minimes pour, souvent, tenue de réunions et collectes de fonds non autorisées. Ce qui prouve, pour certains, qu’à l’instar de celle sur le référent religieux national, la menace sur la sécurité nationale n’existe qu’à travers un discours politique alarmiste. Pour la démarche religieuse, toujours en chantier, un texte qu’on présente comme un moyen sûr pour protéger le référent religieux national, soit l’islam sunnite malékite, ainsi que les Algériens des risques liés aux déviations que peuvent apporter différents chiismes, courants et sectes est en sa dernière phase de gestation.
Un autre chantier, découlant du premier, est lui aussi en gestation, celui de l’observatoire national de protection du référent national religieux où siégeront des religieux et des universitaires, des chercheurs, des journalistes…
Le silence des intellectuels et politiques algériens
Le discours politique alarmiste fait peur et il semble avoir fait le vide sur la scène. Il a poussé la majorité des intellectuels à se taire, ce qui est inquiétant, laissant la place libre aux habitués des tribunes faisant beaucoup plus dans la propagande pour le discours officiel et avec zèle que dans l’analyse d’un phénomène complexe nécessitant savoir et lucidité. Le risque est de voir le futur observatoire devenir, lui-même, une sorte de secte clientéliste et non un espace d’analyse et de veille stratégique.
S’il est vrai qu’une partie de l’opinion salue cet engagement à 4 démarches du gouvernement pour protéger le référent religieux national, une autre partie ne semble pas être convaincue et avertit du risque de créer l’effet inverse : se tromper de priorité, créer le sentiment de victimisation chez une minorité pour finir par créer de la haine entre les musulmans d’un même pays.
Depuis la mosquée Baitul Futuh à Londres, le 17 mars dernier : Le calife des ahmadis, Mirza Masroor Ahmad parle de persécution
“La persécution ne cesse de croître ces temps-ci en Algérie. La police est en train d’arrêter les ahmadis. Les tribunaux rendent des verdicts selon leur bon vouloir, jetant les ahmadis en prison : certains ont été condamnés à des peines allant d’un à trois ans de prison pour la seule raison d’avoir accepté l’Imam de l’époque, suite aux ordres d’Allah et de Son Prophète (s.a.w.). Plus de deux cents Ahmadis ont été emprisonnés, condamnés ou attendent leur condamnation : ils ont été soit placés en garde à vue soit écroués par la police.”
Selon le chercheur et universitaire, Ahmadi, Ahmed Danyal Arif : Un ahmadi aurait donné à Ben Bella et à Ferhat Abbas des passeports diplomatiques pakistanais
Le Pakistan, par les services de Muhammad Zafrullah Khan, aurait soutenu les causes de la libération du monde arabe dans les années 1950 et 1960. Il aurait accordé une aide extraordinaire à l’Algérie dans sa lutte pour l’indépendance.
Selon Ahmed Danyal Arif, chercheur, universitaire et auteur de L’islam et le capitalisme : pour une justice économique, paru aux éditions l’Harmattan en avril 2016, Zafrullah Khan, le ministre des Affaires étrangères du Pakistan, un musulman de la communauté Ahmadiyya, aurait offert son soutien au FLN. Il aurait accordé à Ahmed Ben Bella ainsi qu’à Ferhat Abbas deux passeports diplomatiques pakistanais afin qu’ils puissent se déplacer plus facilement à l’étranger.