Ils se sont passé le mot. Les walis procèdent pratiquement tous de la même manière pour éviter le courroux du Premier ministre qui inspecte actuellement l’évolution des projets majeurs à travers le pays.
Il s’agit de préparer le programme de visite en accélérant les travaux en cours et ayant dépassé les délais prévus.
La méthode consistant à déplacer les entreprises opérant sur des sites non concernés par l’inspection de la délégation de ministres qui accompagne Abdelmalek Sellal. Vers les chantiers en difficultés ou en souffrance.
Des projets qui accusent généralement des retards inavouables parce qu’ils rendent compte de l’incompétence de l’administration locale dans le suivi du développement pourtant promis à coups de gros milliards.
DES WALIS METTEURS EN SCÈNE
Pas difficile de deviner que Sellal, le Premier ministre globetrotter, va bientôt venir dans les parages : il suffit d’observer le réveil anormal des entreprises du bâtiment, le sursaut des services de la voierie, des travaux publics ou la disparition subite des très vieilles décharges anarchiques en bordure de route. L’Algérie en est encore là.
Cacher la réalité quotidienne à ses hauts responsables pour leur faire croire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Honteux ! A ce jeu de poker menteur, les walis sont devenus experts et sortent de leurs manchettes des cartes gagnantes.
Qui de promettre un marché de gré à gré, qui d’intimider un entrepreneur pour venir au secours d’un autre afin de terminer la réalisation d’une infrastructure à inaugurer par le Premier ministre. Du coup, on rajoute du retard au retard et on bâcle souvent les travaux afin de tromper le jugement de l’exécutif venu d’Alger.
Les walis sont ainsi les chefs d’orchestre d’une partition chantant les mérites du programme présidentiel alors qu’en réalité ils portent la responsabilité des nombreuses malfaçons dans la réalisation des différents projets et des énormes retards devenus systématiques.
SELLAL N’EST PAS DUPE
Mais est-il possible que les ministres en déplacement soient dupes à ce point pour croire à la peinture fraîche des arbres mal entretenus qui bordent la route ? Sont-ils assez crédules pour valider les présentations faites au pied levé par des techniciens cachant mal les failles ou les tricheries qui ont affecté la construction des immeubles ou édifices publics ?
Il doit y a voir de la complaisance de part et d’autres pour que de si grossières mises en scène ne souffrent aucune sanction post-visite. Nos gouvernants assimilant la reconnaissance de la faillite de leurs subordonnés aux limites de leurs propres performances.
Ainsi Abdelmalek Sellal, ayant lui-même exercé la fonction de wali par le passé, n’aura pas manqué de noter les anomalies constatées lors de ses nombreuses sorties. On murmure même que le Premier ministre aurait dressé un livre blanc des arnaques mal dissimulées au niveau des wilayas visitées et que le prochain mouvement des walis annoncé pour le mois de juin 2014 par le ministre de l’Intérieur fera fi de la présidentielle d’avril et de ses conséquences.
Plus qu’une activité politique partisane, le travail sur le terrain servirait d’abord à dresser un état des lieux pour le poulain de Bouteflika qui pourrait préparer sa rencontre avec son destin, pour reprendre l’expression d’Ouyahia empruntée à l’ancien président français Valéry Giscard d’Estaing.
DILAPIDATION DES DENIERS PUBLICS
Les walis ont beau badigeonner les façades et exiger l’accélération tardive des travaux, ils ne trompent personne. Leur méthode s’apparente davantage à de la dilapidation des deniers publics qu’à une géniale entreprise de séduction à l’endroit des locataires du palais du Gouvernement.
On peut aussi s’attendre à ce que la Cour des comptes les rattrape un jour ou qu’un drame vienne révéler l’une de leurs audacieuses forfaitures, car si les ministres sont appelés à quitter leurs fonctions, la pérennité de l’Etat et de ses institutions garantit l’impunité.
D’ailleurs, les citoyens ne manquent jamais une occasion de dénoncer les manoeuvres de dernières minutes qui rendent soudainement possibles des interventions d’amélioration du cadre de vie attendues des années par les populations.
Ne dit-on pas dans la tradition orale algérienne qu’on ne peut pas cacher le soleil avec un tamis ? Ces walis, omnipotents et prétendument omniscients quant à ce qui se passe dans leur champ de compétence, devront un jour rendre des comptes à la République et il n’est pas sûr qu’Abdelmalek Sellal témoigne à décharge de ce qu’il a pu voir depuis des mois à s’enquérir des progrès accomplis dans le pays.
Nordine Mzalla