« Wahran, Wahran, wa el b’har maj gbali », dit le célèbre barde des Hauts-Plateaux, territoires secs et arides, s’il en est, venu regarder s’étaler devant ses yeux énamourés la Grande bleue oranaise. Et quand l’autre barde, venu lui aussi des plus lointaines terres, sobres et bigotes, et qu’il se retrouve en train de vérifier l’épique déclamation « Wahran el Bahia, Ellil oua n’har zahia », le tableau est presque complet.
A la limite de l’idyllique. En ce qui concerne El Bahia, version pittoresque, c’est la carte postale en son endroit. Rien à dire… C’est que la ville et, surtout, ses fameuses corniches, est et ouest, ont de quoi séduire les plus difficiles. Beauté de la ville, gouaille de ses habitants, diversité panoramique de ses sites côtiers, dont les Andalouses, Madagh, Cap Carbone, Cap Blanc, Sbiat… quelques-unes des plus célèbres parmi les 34 plages autorisées à la baignade, tout est donc là pour attirer le visiteur et épater l’estivant.
« Oran, c’est la totale », s’exclame H’mida, un émigré venu du lointain Dunkerque, via Marseille, passer quelques jours ici. « Pour oublier la grisaille des gens du Nord et se ressourcer », ajoute-t-il. Reste que chaque carte postale a, également et fatalement, son envers.
Pour Oran, l’envers de la carte, cette année, c’est la cherté de l’hébergement, la circulation routière, les crises intermittentes sur le carburant… des « petits soucis » qui font, certainement, l’actualité chez les 16 millions d’estivants sur lesquels tablent les autorités touristiques pour garder à Oran sa première destination touristique à l’échelle du pays. Pour la petite histoire, l’année dernière, 14 millions d’estivants ont été enregistrés par les moyens de la Protection civile. Cette année, on compte y ajouter, au moins, deux unités.
Selon certaines sources, quelque 8 millions de vacanciers ont été recensés depuis le lancement officiel de la saison estivale, soit du début juin au 15 août. Il faut donc toute une logistique pour gérer jusqu’à la fin septembre, cet attendu rush qui déferle déjà sur les plages de la wilaya.
Cherté de l’hébergement…
Mois de Ramadhan oblige, beaucoup de travailleurs ont programmé leurs précieuses vacances du 15 août au 8 septembre, date de la rentrée scolaire. Gros hic pour ces messieurs-dames : les réservations dans les hôtels, bungalows et même chez l’habitant-hébergeur privé se font rares et donc chères. La masse des demandeurs influe considérablement sur les prix des locations qui ont atteint des seuils prohibitifs.
La grosse pression qui se fait sur août et septembre est une vraie menace pour le porte-monnaie. Ceux qui ne s’y sont pas pris à l’avance, c’est-à-dire avant le Ramadhan, « risquent gros ». Qu’on en juge : les propriétaires de villas proposent de simples étages à plus de 25 millions les 21 jours. Certaines villas peuvent dépasser les 50 millions, voire atteindre, les 60. Surtout quand c’est un émigré qui est demandeur. Ceci alors que des appartements modestes sont proposés entre 50.000 à 100.000 DA la semaine. Pour le mois d’août, les prix proposés pour des F3 varient entre 10 et 15 millions.
… les aoûtiens ont souvent tort
Pour les aoûtiens qui ont jeté leur dévolu sur des cabanons pieds dans l’eau, c’est entre 25 à 40 unités, comme disent « avec pudeur » les courtiers de la saison estivale, qu’il faut débourser. A prendre ou à laisser. Mais comme généralement, quand on aime, on ne compte pas, on prend. Du reste, « les vacances, ce n’est pas toute l’année », comme le soutient Mohamed, d’El Bayadh, qui vient régulièrement à Aïn El Turck où il débourse plus de 40 millions pour un mois, les pieds dans l’eau et un « jus » à portée de la main.
Pour les humbles bourses, il existe, cependant, des solutions intermédiaires, notamment les locations en milieu urbain. A Oran ou même un peu plus loin, dans certaines agglomérations de la wilaya, les locations sont beaucoup moins chères et l’offre existe. A noter que le parc hôtelier de la wilaya offre quelque 22.000 lits pour 147 établissements. A titre d’exemple, un bungalow est proposé au complexe les Andalouses à 15.000 DA la journée. « Mais c’est complet depuis juin », a indiqué le DG des lieux, Hacene Bahlouli. A ces 22.000 lits, il faut ajouter ceux offerts par les logeurs « informels ». L’autre point noir des vacances à Oran, ce sont les embouteillages générés par un parc de véhicules monstre qui rendent la circulation pratiquement impossible.
Selon les statiques fournies par la Direction des transports, près de 500.000 véhicules forment le parc automobile d’Oran. C’est déjà monstrueux pour une ville qui dépasse à peine le million d’habitants. Et s’il fallait, en plus, ajouter les milliers de véhicules de touristes et ceux des passager, « c’est carrément l’asphyxie », peste un chauffeur de taxi, pourtant payé pour rouler.
Que dira alors le vacancier, lui qui croit pouvoir rouler pour le plaisir ? Embouteillages inextricables, impossibilité de stationner… le nombre croissant de véhicules en circulation asphyxie Oran et les routes de ses corniches. Selon des sources à la Protection civile, il est enregistré quotidiennement la circulation de près de 150.000 véhicules. Malgré les nombreux dispositifs imaginés, Plan Bleu et Plan Delphine, par la police et la gendarmerie pour assurer la fluidité de la circulation et la sécurité routière, le problème reste réel. Mais là aussi, qui aime ne compte pas… le nombre de véhicules.
Carburant quand tu nous tiens
Ce nombre considérable de véhicules, il faut bien lui fournir du carburant. Et, justement, c’est ce qui manque le plus. Il y a quelques semaines, Oran a connu une crise de carburant. Ce qui a failli « castrer » bien des volontés. Si les hallabas sont à l’origine de cette crise, il faut également souligner la pression créée par les dizaines de milliers de véhicules supplémentaires.
Malgré la tension qui s’était fait sentir au niveau des stations-essence durant les deux jours de l’Aïd, Naftal a réagi à temps… Même si ce n’est pas encore ça, il reste que la tension a baissé. Les camions de Naftal, qui avaient assuré la livraison, même durant la nuit, ont contribué à diminuer la pression en cette période estivale. Des moyens de transport de carburant supplémentaires ont été mobilisés pour approvisionner les stations-service d’Oran et répondre à la forte demande qui a été augmentée de plus de 20 %. Ainsi, pour les mois d’août et septembre, Naftal assure que des dispositions ont été prises pour répondre aux besoins des vacanciers. Tout va bien donc ! Enfin, disons un peu mieux…
Ces chères choses de la vie
Comme pour toute ville touristique, la saison estivale est une manne financière providentielle pour Oran. Les 16 millions d’estivants qui viennent de toutes les wilayas ainsi que les émigrés sont un réel apport pour le commerce local. Pour la petite histoire, 103 traversées ont été programmées pour la période allant du 1er juillet au 15 septembre. Le port d’Oran devrait enregistrer l’arrivée de 150.000 passagers et plus de 40.000 véhicules.
Durant la première phase de la saison estivale, 50 traversées pour près de 40.300 passagers et 10.664 véhicules ont été recensées. Les commerçants, les hôtels ainsi que les restaurateurs profitent amplement de ces millions d’âmes à héberger, de bouches à nourrir, de véhicules à pouponner. Ce qui participe de la cherté de l’environnement des plages les plus huppées de la wilaya. Depuis la dernière semaine de Ramadhan, les différents commerces et établissements d’hébergement de la corniche oranaise mettent les bouchées doubles pour combler les pertes dues au mois sacré. Ainsi, les prix sont surmultipliés, les commerçants même les moins véreux veulent gagner en un mois ce que les fonctionnaires gagnent en une année. Objectif de ces commerçants : réussir absolument la saison estivale.
Sécurité des biens et des personnes
Sur le plan de la sécurité, les responsables du secteur ont mis les moyens qu’il juge convenables. Ainsi, le Plan bleu de la Sûreté de wilaya a permis de mobiliser plus de 1.000 policiers qui sont venus renforcer le dispositif mis en place pour assurer la sécurité des personnes et des biens durant la saison estivale. Brigades pédestres et barrages routiers ont été renforcés et toutes les artères, les places publiques et les routes ont été maillée pour ne rien laisser « transpirer ». Pour sa part, la Gendarmerie nationale, à travers son plan Delphine, a mobilisé quelque 2.000 agents pour sécuriser les camps de toile, les plages et les réseaux routiers de toute la wilaya. Même des hélicoptères survolent en permanence les plages relevant du périmètre de compétence de la gendarmerie.
Amar Abbas