Les nouvelles mesures concernant le port d’Alger suscitent des protestations de la part de plusieurs partenaires, dont les représentants des travailleurs.
Dans un courrier de 7 pages adressé le 9 septembre dernier au Premier ministre intitulé « Main basse sur le port d’Alger », un économiste algérien a tiré la sonnette d’alarme.
Hier, une délégation de syndicalistes du port d’Alger a transmis une lettre de protestation à Sogeport (la tutelle) dans laquelle les représentants des travailleurs ont mis l’accent sur « les graves dérives », notamment la mise au chômage immédiate de 600 ouvriers journaliers, puis de 500 autres, selon des sources proches de l’Entreprise portuaire d’Alger, et une perte sèche de 3 milliards de dinars par an.
La décision prise par le ministre des Transports, Amar Tou, au mois de juillet dernier, visait « la fluidité du transit des marchandises au port d’Alger et une bonne utilisation des capacités portuaires existantes » à travers le transferts des navires concernés par la mesure vers les ports de Djendjen et Mostaganem.
Les raisons de la « congestion » portuaire d’Alger
Or, tout le monde sait que les navires qui restent le plus au niveau de la rade d’Alger sont ceux qui transportent les conteneurs.
Etant donné l’exiguïté de l’espace du terminal à conteneurs, les nouvelles mesures de contrôle aux frontières ainsi que celles prises dans le cadre de la loi de finances 2008-2009, relatives au commerce extérieur, le traitement des conteneurs se fait dans un délai très long, dépassant largement les 20 jours, ce qui retarde le déchargement des autres conteneurs.
Pour les spécialistes, la mesure de Amar Tou va donner un avantage supplémentaire aux importateurs de produits finis au détriment des PME-PMI nationales.
Dans un courrier de 7 pages adressé le 9 septembre dernier au Premier ministre intitulé « Main basse sur le port d’Alger », un économiste algérien a tiré la sonnette d’alarme.
Le spécialiste commence par affirmer que « les liaisons maritimes vers les ports algériens se scindent en deux branches : les navires appartenant ou affrétés par des compagnies nationales ou étrangères, qui assurent des escales régulières pour leur compte, ou ceux affrétés au voyage pour le transport ponctuel de cargaisons, plus ou moins homogènes pour le compte d’importateurs nationaux.
La première catégorie dite de lignes régulières transporte principalement des conteneurs (porte-conteneurs), des voitures (car-carrier) ainsi que des navires (Roro), qui assurent le transport de marchandises mixtes et diverses constituées de petites quantités de conteneurs, palettes, caisses, structures industrielles, équipements et machines industrielles, etc.
Cette catégorie de navires est la plus nombreuse à faire escale à Alger et n’est en aucun cas concernée par les surestaries.
Elle ne coûte rien à l’Etat du fait que quelle que soit la durée de séjour en rade, les frais de surestarie sont à la charge des armateurs ».
Les navires à cargaisons homogènes (rond à béton, structure industrielle, papiers, bananes, huiles alimentaires, céréales, etc.), restent les seuls à être concernés par les surestaries, ils ne sont pas la cause de la congestion du port.
Leur séjour en rade, affirme l’auteur, est très court et leur impact sur les surestaries est minime et ne peut justifier la mesure d’interdiction.
Pour lui, le problème de congestion au niveau du port d’Alger concerne principalement les porte-conteneurs et dans une moindre mesure les cars-carriers.
Les premiers en raison de l’augmentation vertigineuse des importations des produits finis destinés à la revente en l’état, mais aussi et surtout à cause de la préférence donnée au port d’Alger par les compagnies maritimes et certains importateurs.
« Cette situation est la principale cause de la congestion, elle crée une tension sur Alger, au moment où d’autres ports restent boudés par les compagnies maritimes concernées », explique l’économiste, précisant que « 80% des produits importés en conteneurs sont finis (produits alimentaires, textiles, quincaillerie, etc.) et apportent si peu au pays, grèvent lourdement la Trésorerie de l’Etat et soumet la petite et moyenne industries nationales à une déloyale concurrence. L’application des mesures ne fera qu’accentuer cette désastreuse situation ».
« Les mesures profitent aux barons des conteneurs et aux compagnies maritimes »
Pour ce qui est des cars-carriers, l’économiste affirme que leur séjour en rade s’explique par l’augmentation des importations de véhicules et l’absence de moyens suffisants pour y face au port d’Alger ; les autres ports désignés pour les recevoir ne réunissent pas les conditions quant à la réception.
L’auteur relève que les navires de lignes régulières, assurant le transport de marchandises diverses ainsi que les navires de tramping et auxquels s’appliquent les mesures d’interdiction, « sont ceux qui apportent le plus de soutien à l’économie nationale, de par la nature même de la marchandise transportée. Selon lui, il existe plus de 12 lignes mixtes (dont une partie assurée par la CNAN), qui acheminent principalement de la matière première et des produits semi-finis destinés aux unités de production nationale, des équipements pour alimenter les grands chantiers du pays, tels que ceux du métro, des autoroutes, du tramway, des centrale électriques, des stations de dessalement de l’eau de mer, du programme de logements, etc ».
Plus de 90% des marchandises transportées par ces navires constituent des apports à l’économie productrice du pays.
A l’inverse des navires porte-conteneurs et des cars-carriers qui accordent la priorité au port d’Alger, les navires de marchandises non conteneurisées font escale de façon régulière au niveau de l’ensemble des ports assurant ainsi un équilibre dans l’approvisionnement des PME-PMI en matière première, intrants et équipements nécessaires à leur fonctionnement.
Ils participent également au fonctionnement des autres ports boudés par les porte-conteneurs et la déviation vers ces ports des navires exclus d’Alger ne fera qu’aggraver leur situation en causant la congestion, allongeant ainsi le délai de séjour en rade et donc l’augmentation des surestaries navires à payer par les opérateurs nationaux.
Salima Tlemçani