Aussitôt la décision d’importation de la pomme de terre prise, le département de l’agriculture passe à l’action. Les premiers arrivages sont prévus pour la première semaine d’octobre.
Les importateurs de la filière de la pomme de terre commencent déjà à retirer les cahiers des charges et les autorisations d’importation. Une importation conjoncturelle et d’appoint fixée par la tutelle à 2% de la production nationale. Elle est, d’ailleurs, conditionnée par un certificat phytosanitaire, un calibrage bien déterminé du tubercule ainsi qu’un autre certificat qui stipule que le produit est traité anti-germe. Selon le ministère de l’Agriculture, cette nouvelle politique s’inscrit dans «une action préventive loin d’être une logique curative». Nombre d’importateurs de la pomme de terre de semence ont ainsi répondu favorablement à cette opération. «Sur 17 importateurs, nous sommes 14 à nous engager dans cet acte de solidarité pour sauver notre filière», a indiqué Lefki Améziane, opérateur économique et membre du Comité interprofessionnel de la pomme de terre. Selon lui, la production nationale ne sera disponible sur le marché qu’à partir de la mi-novembre. Il rappelle ainsi la période des grandes chaleurs et le manque de main-d’œuvre qui «ont causé un retard dans la plantation de la pomme de terre». Ainsi, une période de soudure s’impose. Pour lui, seule une importation d’appoint permettra de combler cette période. L’opération d’importation du tubercule sera, en effet, sans gain. «Notre engagement avec le ministère de l’Agriculture stipule à céder la pomme de terre importée au prix coûtant sans qu’aucun des opérateurs ait une marge de bénéfice», explique-t-il. Pour faire face à une éventuelle «perte», les importateurs ont demandé une «aide» à la tutelle. «Dans le cas où le prix de la pomme de terre chute sur le marché national au-dessous du prix d’achat, nous avons demandé en contre-partie la suppression de la taxe additionnelle des droits de douane qui s’élève à 30%», dit-il encore. Il a en outre assuré que le lancement de l’opération d’importation s’est déjà répercuté sur le prix du tubercule. «Les prix ont chuté sur le marché national. Ce matin (ndlr lundi), la pomme de terre était proposée à 37 dinars au marché de gros de H’tattba à Tipasa alors qu’elle était cédée à 55 dinars la veille», dit-il. Il explique que certains «spéculateurs » commencent déjà à déstocker leurs réserves de pomme de terre d’autant que «celle d’importation sera de meilleure qualité», souligne-t-il encore. L’importateur précise, par ailleurs, que la pomme de terre sera importée de France, des Pays Bas et de Belgique. Afin d’assurer une meilleure répartition du produit à travers les différentes régions du pays, les importateurs ont opté pour plusieurs ports : Alger, Béjaïa, Skikda, Ténès et Oran.
R. N.
Les producteurs de Boumerdès s’y opposent«L’importation de la pomme de terre va nous briser. Nous nous y opposons», clame un fellah producteur de Leghata, dans la wilaya de Boumerdès, rencontré lors de la cérémonie d’élection des délégués qui feront partie du tout nouveau conseil interprofessionnel de la pomme de terre.
Pour rappel, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Rachid Benaïssa, compte délivrer incessamment des autorisations temporaires à des opérateurs exerçant dans le secteur de l’agroalimentaire pour importer, selon lui, l’équivalent de 2% de la production nationale annuelle, pour assurer un approvisionnement régulier du marché et, surtout, contrer les velléités de spéculation que la rareté du produit ne manquera pas de susciter à la fin de l’actuelle saison agricole, fort perturbée par le calendrier religieux et la canicule de l’été. Un autre fellah de la même wilaya note par ailleurs : «Le ministère de l’Agriculture préconise cette solution pour cacher les problèmes de fond que rencontrent les producteurs.» Pour notre interlocuteur, c’est tout le système de production qu’il est nécessaire de revoir. En clair, les producteurs de ce fécule, du moins ceux que nous avions rencontrés, sont contre la solution prônée par le ministre, qui affirme de son côté que la décision est prise en concertation avec les représentants des producteurs. En dépit des problèmes qu’ils ont énumérés, notamment l’impossibilité d’accès aux crédits bancaires, la cherté de la semence (130 DA le kilo) et des intrants, la vente des produits phytosanitaires périmés, le mildiou qui fait des ravages, les fellahs affirment tout haut que la pomme de terre est disponible en quantité suffisante pour faire face à la demande. D’après eux, il y a, d’une part, la récolte de l’automne qui arrivera bientôt sur le marché et, d’autre part, des stocks importants sont entreposés. En effet, à titre d’exemple, la wilaya de Boumerdès détient à elle seule par le biais du Syrpalac (Système de régulation des produits de large consommation) 36 000 tonnes de pommes de terre dans les entrepôts frigorifiques de la région. Ce chiffre nous a été confirmé par Mohamed Kherroubi, directeur des services agricoles de Boumerdès, qui assure, en outre, que le déstockage commencera très bientôt. Aux stocks recensés dans le cadre du système cité plus haut, il y a lieu d’inclure ceux détenus par des grossistes qui n’adhèrent pas au Syrpalac. Mais alors pourquoi les consommateurs que nous sommes payons ces derniers temps au marchand de fruits et légumes jusqu’à 70 DA le kilo de patates ? C’est la remarque faite aux fellahs. «J’achète la semence à raison de 130 DA le kilo, les engrais me coûtent 5 800 DA le quintal ; bref, j’investis au minimum 700 000 DA par hectare de culture sans jamais avoir la possibilité d’accéder à un crédit bancaire, avec le risque de voir toute la culture détruite par le mildiou et, à la fin, je vends ma récolte au mandataire à 20 DA ou au maximum 25 DA le kilo. Vous voyez que c’est le fellah qui prend d’énormes risques et que ce sont les autres qui ramassent d’énormes fortunes. Il faudrait donc poser votre question au ministre du Commerce», assène l’un d’eux, largement approuvé par le groupe. Producteurs et responsables du secteur agricole sont d’accord sur un constat : le ministre du Commerce est dans l’incapacité de faire face aux réseaux commerciaux clandestins et de juguler la spéculation et c’est le simple citoyen qui continuera à subir les retombées de cette incapacité.
Abachi L.