Mercredi dernier se sont réunis au siège de la Direction des services agricoles de Aïn Defla tous les représentants des différentes parties impliquées dans le circuit de production-commercialisation des Wilayas de Aïn Defla, Tipasa, Blida et Alger, sauf la Direction du contrôle des prix pointée du doigt par toutes ces parties tout au long des débats.
Un seul objectif assigné à cette réunion : juguler la crise du tubercule à large consommation qu’est la pomme de terre et éteindre la flambée des prix qui sévit depuis près d’un mois, le prix du kg ayant atteint les 110 à 120 DA dans la majorité pour ne pas dire tous les marchés. Selon certaines initiatives, affirme-t-on, a la suite d’une réunion similaire, les prix ont chuté au niveau du marché de gros et de détail dans la Wilaya de Chlef grâce au déversement de quelques 30 t par jour à partir des stocks de Aïn Defla. Ce que l’on considère déjà comme une grande réussite et qu’on dit «a été apprecié en haut lieu, Rachid Benaïssa, le ministre de l’Agriculture, aurait sollicité des responsables locaux pour que cet exemple soit étendu aux wilayas du centre du pays à l’instar d’Alger, Blida, Tipasa et que le déstockage soit orienté directement au niveau des marchés de gros de Bougara, Htatba, Les Eucalyptus… en complément des apports du marché de Khemis El Khechna à l’est et ce, pour le mettre à la portée des ménages qui comptent plusieurs millions de consommateurs, estime-t-on. L’entente qui s’est dégagée au cours de cette réunion a été de ramener le prix du kg à 50 DA, prix jugé «raisonnable». Un prix jugé excessif par Mme Abadi, chef de service, puisque affirme-t-elle le prix de revient TTC ne dépasse pas les 22 DA. Pour arriver à la commercialisation du kg à 50 DA , il a été répété souvent «qu’il faut court-circuiter les nombreux intermédiaires qui se sucrent à chaque palier de la commercialisation » et établir un pont direct «producteur stockeur/marché de gros/mandataires», le directeur des services agricoles de Aïn Defla a insinué qu’il fallait «fixer» le prix plafond à la consommation à 50 DA. Cette idée, faisant resurgir le concept d’administration des prix a été immédiatement mise en cause par un représentant du marché de gros de Htatba. Et le concept a donc été vite abandonné pour laisser la place à la loi de l’offre et de la demande. Le DSA a alors voulu jouer sur la corde moralisatrice et patriotique en déclarant que «l’Algérie est en crise et elle vous interpelle» ou sur même l’esprit de solidarité «les consommateurs sont nos frères», un discours qui n’a pas l’air de fonctionner en tout cas. Opérant un recul, le DSA de Aïn Defla a alors déclaré : «C’est à vous de régler ce problème, l’administration n’a pas à intervenir.» Des propos très vite controversés par M. Djaalali El Hadj, président de la Chambre de l’agriculture de Aïn Defla. «Non, les institutions de l’Etat doivent jouer pleinement leur rôle et protéger les consommateurs contre toutes les formes de spéculation» et de proposer d’abord de faire un inventaire précis des stocks et échelonner la mise sur le marché de gros des quantités déstockées, seule manière d’éviter la spéculation. en ajoutant que «la spéculation ne concerne pas que la pomme de terre», en citant l’exemple du commerce des huiles diesel «un fût de ce lubrifiant acheté par un agent agréé à 30 000 DA a été revendu directement à 50 000 DA». Après maintes discussions très animées pour ne pas dire houleuses, il a été décidé de déstocker 30% d’abord, puis 40% et enfin 30% et de tenir jusqu’à l’arrivée sur le marché de la nouvelle récolte dans les quelques semaines à venir. Evoquant ouvertement la spéculation sauvage et impitoyable, le DSA de Aïn Defla dira : «Nous savons que chaque jour, ce sont 20 camions semi-remorques chargés qui quittent la wilaya vers une destination inconnue, vers le marché de la nuit, “soug ellil”, entendons le marché parallèle. » Cette affirmation, admise par tous, a mis à l’index les services de la DCP (Direction du contrôle des prix) «qui est absente et ne joue pas du tout la mission qui lui est impartie», a-t-on entendu dire, courageusement, par plusieurs participants à cette réunion. Pour ce qui est des causes à l’origine de cette flambée des prix du tubercule, le Directeur des services agricoles de Blida s’est contenté d’avancer des raisons climatiques, à savoir les intempéries qui ont sévi au début de ce trimestre. Des producteurs à qui nous avons posé la question, sont d’un autre avis : «Beaucoup de producteurs n’ont pas planté de pomme de terre cette année et quittent la filière lui préférant la céréaliculture plus rentable», pour d’autres on cite l’augmentation incontrôlée du prix des intrants… avec, ajoute-t-on, la non-tenue de la promesse faite du soutien du prix des engrais, soutien estimé à 20% et non restitué. Pour les observateurs, on ne se gène pas à formuler des critiques, «non seulement les producteurs ont bénéficié énormément des largesses de l’Etat, du soutien des prix produits stockage, froid, chambres froides, mais un fait très marquant qui a été l’effacement de la dette, estimé à des milliers de milliards… et pour quels résultats ? le prix d’un kg de pomme de terre à 100 DA et plus…» Cette nouvelle stratégie va-t-elle réussir à éradiquer la spéculation et éteindre la flambée des prix ?, on le verra dans les jours qui viennent. Toujours est-il que jeudi dernier, si le prix du kg de pomme de terre était de 55 DA en début de matinée, il a grimpé entre 80 et 90 DA en début d’après-midi sur le marché de Khemis-Miliana réputé être le marché le moins cher dans le pays de la pomme de terre qui a fait la réputation de la Wilaya de Aïn Defla.
Karim O.
