A quoi serviront les 400 milliards de dollars injectés dans les structures économiques dans un pays où le taux d’efficacité marginal de l’investissement est l’un des plus faibles au monde.
De plus en plus, il apparaît que notre pays ne s’est pas encore résolument engagé dans la voie de la diversification de son économie.
Au-delà de chiffres qui justifient l’émoi de l’ensemble des observateurs, à quelque école de pensée qu’ils se rattachent, tel le montant des exportations hors hydrocarbures qui stagne à 800 millions de dollars, alors que celui des importations a atteint 40 milliards de dollars en 2008 et 2009, il est urgentissime de prendre acte des retards que ne cesse d’accumuler notre pays par rapport aux Etats de la région méditerranéenne et du Maghreb dans le domaine industriel, celui des services, des Ntic et plus fondamentalement celui de l’éducation et de la formation.
Le plan complémentaire de soutien à la croissance (2005-2009) et le plan quinquennal (2010-2014) n’ont qu’une vertu: édifier des infrastructures indispensables au démarrage d’une nouvelle croissance dont l’objectif est la création de plusieurs millions d’emplois, de plusieurs dizaines de milliers de PME/PMI et par voie de conséquence la substitution aux importations, conformément à la feuille de route que constitue désormais la loi de finances complémentaire pour 2009.
Mais dans un pays où le taux d’efficacité marginal de l’investissement est un des plus faibles au monde, il ne faudra pas s’attendre à ce que les 400 milliards de dollars injectés dans les structures économiques et sociales non totalement assainies, puissent générer d’ici 2014 le développement autocentré que beaucoup d’esprits appellent de leurs voeux.
A cet égard, aucun expert attentif à la politique économique algérienne n’a encore compris pour quelles raisons nous en étions encore en 2010 à dresser l’état des lieux du secteur industriel et à en évaluer les potentialités pour décider, in fine, de quelle stratégie industrielle l’Algérie devra se doter: celle qui privilégie le secteur public, celle destinée à associer les secteurs privé et public dans un partenariat intelligent et pragmatique, celle qui continuera d’attirer les IDE susceptibles d’augmenter nos capacités de production, etc.
Dès 1995, au moment où sont promulguées les ordonnances sur la privatisation et sur les capitaux marchands de l’Etat, les dysfonctionnements de notre secteur public économique étaient largement identifiés.
En 2001, alors qu’aucun bilan n’est fait de l’action des holdings publics, on se résout à les remplacer par des SGP dont on ignore toujours, en 2010, pour quelles rasions elles n’ont pas été en mesure d’empêcher la quasi-totalité des entreprises publiques d’être à la charge du Trésor public pour des montants astronomiques, venus creuser des déficits publics et léguer par conséquent aux générations futures un héritage perclus de dettes.
En 2002, l’Algérie conclut un accord de libre-échange avec l’UE (entré en vigueur en 2005) en parfaite connaissance de l’impact que son application aura sur la production nationale et sur les opportunités d’exportation de nos entreprises en direction de l’UE. Sa renégociation est désormais envisagée, mais à quoi servira-telle si les entreprises algériennes peinent à se mettre à niveau (quoiqu’ait pu en dire l’ambassadrice de l’UE à Alger in L’Expression du avril 2010) et se trouveront dans l’incapacité de se développer à l’international. Quant aux avantages fiscaux et sociaux généreusement consentis aux entreprises privées par les lois de finances pour 2009 et 2010, il serait illusoire de penser qu’à eux seuls, ils amélioreront la situation de l’emploi (qui reste dégradée) ou encore encourageront les chefs d’entreprise à augmenter les salaires directs de leurs employés, alors que toute l’Algérie laborieuse est confrontée depuis 1984 au phénomène de la pauvreté salariale.
Là aussi, en attendant la mise en place du Conseil national des impôts, il est indispensable d’élaborer une batterie de critères pour déterminer l’impact des niches fiscales et sociales (a priori trop nombreuses, au point d’écorner le principe constitutionnel de l’égalité de tous devant les charges publiques) sur les niveaux de l’emploi et la qualité de la croissance, dans un contexte, certes de diminution du volume des importations, mais néanmoins d’ouverture commerciale sur l’Europe et les pays arabes. Reste à déterminer la nature de la croissance économique et son champ spatial d’application.
Il faut savoir qu’aussi bien les économies des pays industriels que celles des pays émergents sont irréversiblement engagées dans une croissance verte, respectueuse de l’environnement et du développement durable, alors que notre pays n’en a pas encore conçu les premiers linéaments.
Quant au développement de certains segments industriels dans lesquels l’Algérie ne dispose pas d’avantages comparatifs (industrie automobile, industrie chimique, industrie sidérurgique, etc.), leur valorisation n’a pas grand sens si l’offre doit s’adresser au seul marché national.
Ali MEBROUKINE