C’est une experte en logement et urbanisme, en visite en Algérie pour comparer entre les chiffres officiels et la réalité, qui le déclare : «J’ai apprécié l’effort considérable en matière de logement social, gratuit et vraiment dirigé vers les nécessiteux, et l’inversion budgétaire de l’Etat dans ce domaine à considérer un contexte où la tendance mondiale montre un désengagement des Etats en matière de logement.» Un diagnostic des plus honnêtes dans un pays où l’Etat réalise par million d’unités le quinquennat
Animant hier une conférence de presse au siège des Nations unies à Alger, Madame Ronilk a rappelé, au préalable, sa totale indépendance en tant que rapporteuse élue et mandatée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Comme pour justifier d’une évaluation générale beaucoup plus tempérée que ne le laissait présager le site d’informations de l’ONU au début de son périple algérien.
L’émissaire onusienne précise aussi que sa présentation porte des conclusions préliminaires qui feront l’objet d’un développement approfondi jusqu’à la fin de décembre pour un rapport final qui sera soumis à la commission onusienne des droits de l’homme en mars prochain
«Je remercie les personnes que nous avons pu rencontrer au cours de cette mission de dix jours dont des ministres, des élus, des responsables locaux, des associations de la société civile…nous avons pu sortir sans aucun blocage sur le terrain pour une visite des projets en cours de réalisation, des bidonvilles, des cités, des chalets, de l’habitat précaire sous toutes ses formes à Alger, Blida, Boumerdès et Oran.
Seule la grève d’Air Algérie nous a empêchés de nous rendre à Ghardaïa» Puis, faisant suite aux précisions sur les conditions générales de l’évaluation de la politique nationale du logement en Algérie, la rapporteuse réaffirme ce qui a été déjà diffusé la veille sur le fil de l’APS, l’agence nationale de presse :
Les efforts incontestables de l’Algérie
«J’ai d’abord apprécié l’effort considérable en matière de logement social, gratuit et vraiment dirigé vers les nécessiteux, et l’inversion budgétaire de l’Etat dans ce domaine à considérer un contexte où la tendance mondiale montre un désengagement des Etats en matière de logement.»
Enchaînant sur le volet positif de son compte-rendu, l’experte en logement et urbanisme déclare avoir constaté que l’idée du droit au logement comme un droit fondamental parait bien enraciné chez les citoyens. Quant à la crise du logement proprement dite, elle évoque «un déficit structurel et chronique» qu’elle explique par la pression économique et les périodes particulièrement difficiles marquées par la chute des cours pétrolier, l’exode rural notamment pendant la décennie de violences, les catastrophes naturelles…
Une rétrospective qui permet à l’oratrice de passer au volet un peu moins élogieux de son rapport préliminaire.
C’est d’ailleurs paradoxalement la politique du logement, appréciée pour ses efforts, qui est l’objet de critiques argumentées dans une approche qui a le mérite d’être clairement explicitée par une illustration pédagogique.
Pour une diversification des solutions par la démocratisation
Ainsi, à partir de la description des multiples variantes de la demande en logements, se déclinant de l’inaccessibilité à la location aux prix inflationnistes jusqu’au dépérissement du vieux bâti, en passant par les délogés par voie d’expulsions judiciaires, Mme Rolnik plaide pour une diversification dans la réponse au problème du logement en Algérie au lieu du « tout-construction se limitant à une offre de nouveaux logements», option quantitative très lourde financièrement mais qui ne parvient pas à résorber le déficit.
Une diversification qu’elle lie étroitement avec l’impératif de démocratiser le traitement du dossier en impliquant davantage la société civile qui pourrait, selon elle, remettre en question la rigidité uniforme des critères d’attribution, par exemple et éviter le cycle infernal des émeutes.
C’est donc l’absence de stratégie prenant en compte les spécificités du besoin objectif qui est reprochée aux pouvoirs publics en plus de l’opacité dans l’attribution en déplorant «une marge de discrétion encourageant clientélisme et corruption»
Par ailleurs, il nous faut noter que le rapport préliminaire, dont nous possédons la copie du document portant axes principaux, s’est appliqué à poser un diagnostic tentant d’appréhender la réalité, en rupture avec les préjugés suggérés par la dépêche du site d’information de l’ONU qui annonçait ladite mission.
On y apprend, entre autres, qu’environ 14 % (chiffres d’institutions nationales) du parc immobilier reste inoccupé représentant près d’un million de logements.
Enfin, la discrimination des femmes et celle des handicapés ainsi que l’aide nécessaire à apporter à la frange des autoconstructeurs feront aussi l’objet de recommandations de la rapporteuse de l’ONU qui a déclaré que «le gouvernement a exprimé à plusieurs reprises son souhait de recevoir des remarques et orientations à condition qu’elles relèvent du possible.»
En attendant le rapport final, les pouvoirs publics sauront-ils gagner du temps et anticiper sur la réforme de la politique du logement qui bénéficie d’une si juste expertise construite sur les témoignages et critiques des concernés.
N. M.