La politique du développement économique menée tambour battant par les pouvoirs publics ne semble point convaincre les experts et autres consultants de l’économie.
S’exprimant, hier, lors d’une table ronde consacrée à une réflexion sur les défis du développement et le programme du gouvernement organisée au Centre de presse d’El Moudjahid, ces derniers ne sont pas allés par quatre chemins pour dresser un sévère réquisitoire sur la situation économique du pays, tant louée et chantée par certains cercles.
C’est ainsi que, pour Réda Amrani, en sa qualité de consultant, indique que la situation actuelle de l’économie nationale n’est guère reluisante. «Un croisement terrible », pour ne reprendre que ses mots. Pour étayer ses dires, il a fait savoir que plusieurs projets d’une capitale importance d’une valeur de pas moins de 30 milliards d’euros sont en souffrance.
La croissance économique ne dépasse pas les 4 %, contrariant ainsi les chiffres officiels qui parlent de 7%. Il dira, également que 70% des investissements sont portés sur le secteur des services alors qu’ils devraient être menés sur les créneaux générateurs de richesses. Absence remarquable du transport maritime national dont 70% des marchandises sont transportées par des étrangers.
Les entreprises nationales, tous secteurs confondus, sont, à ses dires, soumises à une concurrence «sauvage» et «inégale» à des entreprises étrangères. A tout cela, il y a lieu d’ajouter le manque de formation mais aussi la faible rémunération des compétences nationales d’où leur fuite vers d’autres cieux en quête d’un avenir meilleur.
« Il ne faut pas se voiler la face, la fuite de nos cadres est motivée par la faible rémunération et non pas par la situation sécuritaire comme veulent le faire croire certaines voix », a soutenu Réda Amrani. Le constat est donc amer. Les conséquences qui en découlent ne sont qu’importantes pour notre économie.
Des métiers entiers disparaissent. Des cadres et des ingénieurs formés au prix fort dans nos écoles et universités font aujourd’hui le bonheur des pays étrangers. Et ce n’est pas fini : trop d’argent se fait gaspiller dans la mise en oeuvre des projets réalisés sans aucune étude préalable.
Et là, Khaled Boukhelifa, ancien directeur au ministère de l’Énergie et des mines le confirme : « Nous sommes en train de gaspiller trop d’argent dans des projets qui ne sont pas forcément urgents », dira-t-il. Les fonds d’investissement ne doivent pas être utilisés pour importer mais pour contribuer au développement de la société.
INVESTIR SUR L’HOMME…UNE CONDITION SINE QUA NON
Maintenant que le constat est fait, le mal est diagnostiqué qu’en est-il du remède. C’est là, la question lancinante. Et c’est au directeur général de l’Institut national de la productivité et du développement industriel (Inped), Abderrahmane Moufek d’en apporter les quelques éléments de réponse : Pour se développer il faut absolument, dira-til, compter sur soi-même à travers la prise en charge et la revalorisation des compétences, autrement dit, arriver à investir dans les ressources humaines.
Une telle initiative est des plus possibles de par les potentialités existantes, mais qui doit passer impérativement par l’amélioration de la situation sociale et financière des cadres.
Il est utile voire même urgent de réviser le système de rémunération classique en mettant en oeuvre un système qui prend en considération les facteurs statuts et compétences. Il a ajouté qu’il est temps de mettre le holà à la politique salariale basée sur le social.
Le même intervenant a plaidé pour la révision du système éducatif qui enseignait, à ses dires, « un certain archaïsme » et mettre en place de véritables systèmes de formation qui s’ouvrent sur le monde et l’environnement extérieur.
C’est-à-dire, à la modernité, à l’entreprise. En d’autres termes, l’orateur a indiqué qu’il faut apprendre à nos enfants à oser, à prendre l’initiative et pourquoi pas du risque. En indiquant ainsi, ce n’est nullement fortuit: « Nous sommes voués à la disparition si les choses restent en l’état.
Seuls, la compétitivité, les compétences et la motivation pourraient garantir notre existence et permettraient de conquérir le marché international », a-til soutenu, non sans noter que la création des pôles d’excellence ne doivent pas se faire uniquement à base de décrets, comme c’est le cas actuellement, mais il faut offrir un meilleur cadre de travail ainsi que les moyens nécessaires en matière d’équipements modernes.
Reste que le grand défi mais surtout le principal pour ces experts, en est, sans conteste mettre en place une politique économique créatrice de richesses.
Amokrane Hamiche