Longtemps perçu comme un secteur secondaire face aux banques, le domaine des assurances entre désormais dans une nouvelle ère de vigilance renforcée.
Un guide des risques récemment publié par le Conseil national des assurances change profondément la donne, identification stricte des clients, contrôle renforcé des flux financiers, surveillance accrue de l’assurance sur la vie et sanctions lourdes en cas de manquement.
Derrière ce durcissement, un objectif clair, couper les circuits utilisés pour recycler des fonds d’origine douteuse, dans un contexte où les autorités alertent sur l’exposition croissante du secteur aux pratiques de blanchiment d’argent.
Blanchiment d’argent : les compagnies d’assurances désormais soumises aux mêmes règles que les banques
Le nouveau guide de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme impose aux compagnies d’assurances des obligations similaires à celles en vigueur dans le secteur bancaire. Ces entreprises devront, dans certaines situations, identifier précisément l’origine des fonds de leurs clients et assurer un suivi continu des opérations effectuées tout au long de la relation contractuelle.
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Le texte insiste sur la nécessité de vérifier la cohérence entre les opérations réalisées, le profil du client, son activité professionnelle et son niveau de risque. Les documents, informations et données collectés devront être régulièrement actualisés, en particulier pour les clients classés à risque élevé.
L’assurance sur la vie classée parmi les produits les plus exposés
Le guide place explicitement l’assurance sur la vie dans la catégorie des produits à haut risque. En cause, sa souplesse, la possibilité de rachat anticipé et la désignation de bénéficiaires multiples, autant d’éléments susceptibles d’être détournés à des fins de dissimulation de l’origine des fonds. Les compagnies seront tenues de :
- Identifier le bénéficiaire réel dès sa désignation
- Vérifier son identité au moment du versement des prestations
- Intégrer le bénéficiaire réel dans l’évaluation globale du risque
- Appliquer des mesures de vigilance renforcées dès que le niveau de risque augmente
Identification obligatoire des clients et fin des comptes anonymes
Avant toute relation contractuelle ou opération occasionnelle, les assureurs devront procéder à l’identification complète des clients, des mandataires et des bénéficiaires réels, sur la base de documents fiables et indépendants.
Pour les personnes physiques, les informations exigées incluent notamment :
- L’identité complète et la nationalité
- La date et le lieu de naissance
- L’adresse actuelle et la situation professionnelle
- La nature et l’objectif de la relation contractuelle
- Les données relatives au patrimoine et aux revenus, ainsi que la source des fonds lorsque nécessaire
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Concernant les personnes morales, les compagnies devront recueillir des informations détaillées sur la structure juridique, l’actionnariat, les dirigeants et l’organisation du contrôle afin d’identifier le bénéficiaire réel.
Le texte interdit formellement l’ouverture ou le maintien de comptes anonymes ou fictifs et impose la rupture immédiate de la relation contractuelle lorsque les obligations de vigilance ne peuvent être respectées.
Les responsables politiques et leurs proches classés à haut risque
L’une des mesures les plus sensibles du guide concerne les personnes politiquement exposées. Les responsables politiques, leurs familles et leurs proches figurent désormais parmi les clients à risque élevé.
Toute relation contractuelle avec cette catégorie nécessite :
- Une autorisation préalable de la direction générale
- Une vérification approfondie de la source des fonds et du patrimoine
- Une surveillance continue et renforcée tout au long de la relation
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Cette classification vise à prévenir l’utilisation des produits d’assurance pour dissimuler des fonds liés à des pratiques de corruption ou de détournement.
Gel des fonds, signalement obligatoire et rupture de la relation
En cas de soupçon de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme, les compagnies d’assurances sont tenues de :
- Refuser l’ouverture ou la poursuite de la relation contractuelle
- Procéder au gel ou à la saisie immédiate des fonds concernés
- Déclarer sans délai les opérations suspectes à la Cellule de traitement du renseignement financier
Le texte précise également l’obligation d’appliquer les listes nationales et internationales de sanctions et de mettre à jour régulièrement les informations clients.
Des sanctions financières pouvant atteindre deux milliards de centimes
Le non-respect de ces obligations expose les contrevenants à des sanctions sévères. Les amendes administratives peuvent atteindre jusqu’à deux milliards de centimes, auxquelles s’ajoutent des poursuites pénales selon la gravité des infractions.
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Le cadre légal prévoit notamment :
- Des amendes de 500 000 à 5 millions de dinars pour des paiements effectués hors des moyens légaux
- Des peines de prison et des amendes pour non-déclaration de soupçon
- Des sanctions aggravées en cas de divulgation d’un signalement au client
- La confiscation des fonds d’origine illicite, même en l’absence de condamnation définitive
Le guide rappelle par ailleurs l’interdiction stricte des cryptomonnaies en Algérie, toute utilisation exposant à des peines de prison et à des amendes.
Ces comportements considérés comme des signaux d’alerte
Le document dresse une liste détaillée de comportements susceptibles d’indiquer des tentatives de blanchiment d’argent, parmi lesquels :
- Le changement de bénéficiaire au moment du paiement
- Le recours injustifié à des paiements en espèces importants
- La souscription de plusieurs contrats auprès de différentes compagnies
- L’incohérence entre la situation financière du client et les montants assurés
- Les demandes de rachat anticipé ou de résiliation sans justification économique
- Le refus de fournir des informations sur l’origine des fonds
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Des attitudes telles que l’empressement excessif, la fourniture de fausses informations ou les tentatives d’influence sur les employés constituent également des signaux d’alerte devant faire l’objet d’un signalement.
