Il considère douteux sinon voyeuriste l’intérêt que portent l’opinion et les médias à la maladie du président de la République.
Le mystère qui entoure depuis plus d’un mois l’état de santé du président de la République, cultivé et relayé par l’opinion publique nationale, a suscité une vive réaction de la part du Premier ministre. Abdelmalek Sellal, qui a utilisé, pour le coup, la tribune que lui a offerte le colloque sur la communication institutionnelle, organisé hier à la résidence El-Mithaq pour tenter cahin-caha de lever toute équivoque sur une absence prolongée et qui commence à peser, du premier magistrat du pays.
La nouvelle sortie médiatique, sciemment programmée ou improvisée de M. Sellal, renseigne clairement sur la gêne, voire l’agacement qu’exprime le gouvernement par rapport à ce que d’aucuns appellent l’“affaire Boutef”. Dans son allocution d’ouverture des travaux de cette rencontre, Abdelmalek Sellal a visiblement voulu mettre un holà à ce flot de rumeurs colportées à ce propos, çà et là, dans toutes les contrées du pays. Il a appelé à cesser de focaliser sur la santé du “raïs”. “Certains présidents se soignent en France pendant des semaines et des semaines sans que personne en parle”, lancera-t-il tout de go à l’assistance composée essentiellement d’experts et de hauts cadres de la nation. Tout en s’interrogeant sur les raisons d’une telle attitude, l’invité de marque de cette journée a exhorté la population à “mettre un terme à cela”. À travers cette déclaration, l’on déduit que M. Sellal souhaite vivement en finir avec ce sujet qui, faut-il le préciser, continue à défrayer la chronique depuis 43 jours. Il est concevable que le Premier ministre émette un tel vœu, mais il est également autant légitime pour le citoyen de s’enquérir de l’évolution de la maladie de son Président et surtout de son avenir à la tête de la magistrature suprême.
Reprendra-t-il son poste ? La maladie dont il souffre serait-elle aussi grave au point de devenir incapable de présider aux destinées du pays ?
Autant de questions que se pose en toute légitimité la population, notamment le citoyen, cet électeur qui, durant trois mandats consécutifs, a jeté son dévolu sur son représentant, en l’occurrence Abdelaziz Bouteflika. M. Sellal déplore le fait que l’Algérie soit arrivée à un stade où, a-t-il indiqué, “même l’information officielle est démentie”.
“Nous n’avons rien à cacher…”
Il a fait allusion aux articles diffusés récemment par la presse qui, en dépit des assurances injectées dans l’information officielle, ont souligné que l’état de santé du Président s’est aggravé. Néanmoins, ce que ne doit pas ignorer
M. Sellal, c’est que la publication de ces informations, fondées ou non, par les journaux, trouve son origine dans le black-out qui a entaché cet épisode du mandat présidentiel. C’est ce “motus et bouche cousue”, imposé par les plus hautes instances, qui a fait circuler les bruits les plus persistants… Ayant pris conscience de ce déficit en informations voire en communication, le Premier ministre a avoué qu’“il était impératif pour nous d’annoncer ce qui est de notre devoir d’annoncer”, avant d’ajouter : “Nous n’avons strictement rien à cacher.” La manière maladroite avec laquelle est gérée cette situation pose la problématique profonde de la communication des institutions en Algérie. Le choix du thème de la rencontre “La communication institutionnelle : état des lieux et prospectives” n’est pas fortuit. Abdelmalek Sellal a saisi cette opportunité pour établir un constat peu reluisant de ce secteur. Le déficit en communication constitue, relèvera-t-il, une grande problématique à laquelle font face les institutions de l’État. M. Sellal a, en outre, mis l’accent sur l’importance du rôle que doit jouer la presse dans un contexte marqué par des perturbations enregistrées tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. “Il faut combattre la rumeur en donnant la bonne et la vraie information. On ne peut pas lutter contre la rumeur en diffusant une autre rumeur…”, a-t-il renchéri. Celle-ci, expliquera-t-il, “peut détruire toute société aussi puissante soit-elle”. De cet ensemble de directives adressées aux participants à ce séminaire, le Premier ministre place le journaliste au cœur de toute stratégie à concevoir pour le développement de la communication intentionnelle. Il le qualifie de “trait d’union entre les institutions de l’État et le citoyen”. Encore faut-il, nuancera-t-il, qu’il ait accès à “la bonne information au bon moment”. Le journaliste est, pour lui, libre de faire son analyse et c’est au citoyen d’en juger. La presse qui, selon lui, doit être “le miroir d’une société” n’arrive plus à diffuser l’information car le responsable qui la détient a peur de la communiquer. “Nous n’avons peur de personne”, a-t-il affirmé, afin de rassurer davantage les responsables à tous les niveaux. “Nous n’avons aucune poussière sur le tapis et aucun cadavre dans le placard”, a-t-il signifié non sans un brin d’ironie.
Objectif : gagner la confiance du citoyen ?
“La vérité doit prévaloir à tous les niveaux”, a précisé M. Sellal. Abstraction faite des structures relevant de la Défense nationale qui, a-t-il soutenu, est tenue par le secret-défense. Abdelmalek Sellal a encouragé les cadres de la nation et autres responsables à travailler dans la transparence la plus totale et de “mettre un terme à la confidentialité inutile” qui “continue d’alimenter les doutes du citoyen”. Il a évoqué la nécessité de gagner la confiance du citoyen. “Que la relation qui lie le gouvernant du gouverné devienne celle de la confiance et de la transparence”, a-t-il noté. Échaudé certainement par la rapidité avec laquelle les rumeurs les plus folles sont véhiculées sur les réseaux sociaux, tels que Internet, facebook, Twitter, M. Sellal a conseillé les institutions à s’intéresser de plus en plus à ce mode de communication et créer un système qui leur permettra d’interagir avec cette société virtuelle. Intervenant à l’ouverture du séminaire, le ministre de la Communication, Mohand Oussaïd, a signifié, pour sa part, que la communication institutionnelle en Algérie a montré ses limites et “a besoin d’être organisée et relancée”. Certaines institutions et autres départements ministériels, a-t-il constaté, ne se sont toujours pas “adaptés à cette arme efficace pour communiquer avec le public”. Le ministre fonde ainsi beaucoup d’espoirs sur les recommandations qui sanctionneront les travaux de cette rencontre, afin de contribuer à rattraper le retard et jeter les premiers jalons d’une stratégie nationale à même de faire de la communication “une opération interactive de confiance entre la société et ses institutions”. Le département de Mohand Oussaïd vise, en organisant cette rencontre, à définir un système d’informations performant au sein des institutions publiques et de dégager des solutions aux obstacles qui entravent le développement de la communication institutionnelle dans notre pays.
Ce sont les quelques idées phares qui seront abordées dans les ateliers préparés pour la circonstance. Reste à savoir si toutes les recommandations seront prises en compte dans un avenir proche ou seront au contraire jetées aux oubliettes… au fond des tiroirs des… institutions. Car, comme l’a si bien signalé M. Sellal, ce thème a d’ores et déjà fait l’objet de nombreuses journées d’étude sans que les propositions qui en ont résulté soient mises en application…
B K