La «Belle Borgne», le plus connu des chefs-d’œuvre égyptiens, conservé à l’Altes Museum de Berlin, n’est-il qu’une vulgaire imposture Art déco ? Soupçons et rumeurs redoublent depuis la publication par un historien genevois, Henri Stierlin, d’un essai franchement provocateur sur la question. L’affaire de l’authenticité du buste de Néfertiti, pièce maîtresse du Musée d’égyptologie de Berlin, y est instruite entièrement à charge.
Tous les livres relatifs à cet objet admettent les circonstances troubles de la découverte. En 1911, à Amarna, la capitale du pharaon « hérétique » Akhenaton (1390-1352 av. J.-C.) – l’époux de Néfertiti – l’archéologue allemand Ludwig Borchardt entre dans ce qui se révèle être l’atelier du célèbre sculpteur Thoutmès. S’y trouvent des outils, des modèles, des ébauches et même des pots de pigments… et, racontera-t-il, la merveille.
Ses premiers récits sont imprécis. Trop flous pour être honnêtes, selon Henri Stierlin. Les descriptions des vestiges sont laconiques, notamment celle du buste simplement jugé « dans état de conservation miraculeux ». Borchardt a toujours refusé de livrer son journal de fouille, note aussi Henri Stierlin. Et l’Altes Museum qui détient ce document aujourd’hui ne l’a pas autorisé à le consulter.
Ce qui est sûr, c’est qu’il aura fallu attendre 1923 pour que Borchardt accepte de rédiger une notice précise.
Entre-temps, la Néfertiti à la polychromie saisissante, dotée d’un cou gracile et d’une splendide tiare, est devenue une star, une Mona Lisa des bords du Nil réveillée après 3 300 ans de sommeil. Même si son œil gauche manque, son visage semble trop fin pour être vrai. «Pourtant rien n’est plus typiquement amarnien que l’étirement du crâne vers l’arrière, qui se confond avec la couronne, cette longue oblique conférant tant de majesté auravissant profil », écrit Jean-Jacques Fiechter, autre historien qui, lui, dans une récente enquête sur les nombreux faux égyptiens, assure de l’authenticité du trésor.
Datation par carbone 14
Des analyses modernes pourraient-elles trancher ? La datation par carbone 14 s’avère impossible, car la sculpture est en calcaire et plâtre peint avec des pigments minéraux. Or des éléments organiques sont nécessaires. Au Louvre, Guillemette Andreu-Lanoë, directrice du Département des antiquités égyptiennes, ne croit pas à la thèse du faux. «Je connais le directeur du Musée de Berlin, c’est quelqu’un qui n’hésite pas à traquer les mauvaises pièces. Il en a d’ailleurs identifié de nombreuses.»