Polémique sur la « dardja »,Le bal des hypocrites

Polémique sur la « dardja »,Le bal des hypocrites

L’algérianisation de la transmission de l’information est une réalité palpable, comme l’a été et l’est toujours l’enseignement.

Les imams, les enseignants, les chefs de parti et les journalistes qui s’en prennent depuis des semaines à la ministre de l’Education nationale pour avoir simplement évoqué la possibilité de l’usage des langues maternelles dans les deux premières années du cycle primaire, font un usage quotidien de cette même langue maternelle dans leurs métiers respectifs. Les articles de presse totalement algérianisés ne sont pas une vue de l’esprit, les réunions des instances partisanes se font toutes dans les langues maternelles des régions où se tiennent ces regroupements politiques, toutes les causeries religieuses dans les mosquées sont dites en arabe parlé ou en tamazight. Tous ceux qui disent s’opposer à Benghebrit, sans exception, aucun n’utilise la langue arabe classique.

Cela pour les activistes et idéologues à la petite semaine. Pour l’écrasante majorité, la place de la langue arabe dans la vie de tous les jours n’a jamais constitué un problème pour l’ensemble des Algériens. Il faut dire que malgré l’arabisation au pas de charge, à coups de lois et de discours politiques fermes et explicites en faveur de l’arabisation de la société algérienne, le constat est loin d’être positif.

L’enseignement dispensé exclusivement en arabe dans tous les cycles scolaires devait être un puissant accélérateur pour la généralisation effective de cette langue. A partir des années 1980, la boucle de l’arabisation était déjà bouclée et l’ensemble des élèves étudiaient l’histoire, les mathématiques et les sciences naturelles dans cette langue. Cependant, la génération des cadres et des éducateurs, formés dans le moule de l’arabisation, ne semble pas avoir saisi le sens profond que voulaient donner les initiateurs de la politique d’arabisation à la place qu’était censé avoir l’arabe dans les institutions du pays. Pour cause, la véritable langue d’enseignement de toutes les matières a toujours été la langue maternelle. Tous les défenseurs de la pureté linguistique de la langue du Coran ne la parlent pas et ne l’utilisent pas dans leur quotidien professionnel et encore moins familial.

LG Algérie

En fait, l’arabisation n’a ni réussi ni échoué. Ce sont les Algériens qui ont décidé de ne pas l’adopter à la lettre près, parce qu’il y ont vu quelques difficultés d’adaptation au monde moderne. Ce ne sont pas seulement les Algériens qui sont dans cet état d’esprit. D’autres sociétés ont adopté la même démarche de manière, disons-le, inconsciente. En d’autres termes, la langue arabe que les puristes défendent avec un grand zèle n’existe, en réalité que dans les discours des officiels, le Coran et dans des oeuvres littéraires.

Les syndicalistes qui ont crié leur refus de l’usage des langues maternelles à l’école, adoptent eux-mêmes l’arabe parlé comme langue d’enseignement jusqu’en classe de terminale et à l’université pour nombre de filières arabisées. Les élèves et les étudiants algériens s’obligent à faire la traduction «bête et méchante» sur leur copie d’examen.

Cela dit, cette langue, aussi belle soit-elle au plan littéraire, n’est manifestement pas une langue d’enseignement et encore moins de communication. On n’en veut pour preuve que les journaux algériens d’expression arabe qui sont en réalité d’expression algérienne.

L’algérianisation de la transmission de l’information est une réalité palpable, comme l’a été et l’est toujours l’enseignement.

Il suffit de feuilleter tous les journaux arabophones pour constater que des expressions comme «papichette», «harraga», «kalachnikov», «mizyria» et plein d’autres mots typiquement algériens sont d’un usage très répandu dans la presse algérienne à telle enseigne qu’un Egyptien, un Tunisien ou un Syrien ne comprendra jamais un article sans l’aide d’un Algérien. De fait, la langue de communication n’est plus l’arabe. Le comble, ce sont ces plumes qui ont adopté avec une grande «agilité» le parler vrai dans leurs articles qui dénoncent les propositions des experts.

En réalité, nos arabisants se comportent comme les seuls dépositaires de la langue arabe. Ils se donnent le droit d’en faire ce qu’ils veulent et interdisent à la ministre de l’Education, sous prétexte qu’elle n’est pas de leur bord idéologique, de toucher ne serait-ce que par la pensée à «leurs langue».

Il y a là plus que de l’hypocrisie. Le déchaînement de la horde de «puristes» pourrait relever de la psychiatrie.