Un consensus semblait exister chez les historiens sur les origines du drapeau algérien actuel : il a été conçu et cousu par Emilie Busquant, française, fille d’un anarchiste syndicaliste et compagne de Messali Hadj qu’elle a rencontré en 1923, à Paris.
Elle sera à ses côtés au moment de la création de l’Etoile nord-africaine (ENA), le premier mouvement nationaliste indépendantiste algérien, en 1926.
Ce serait en 1934 qu’Emilie Busquant a confectionné le drapeau algérien dont les couleurs avaient été choisies au cours d’une réunion des dirigeants de l’ENA. Une autre version date la confection du drapeau en 1937 en prévision de manifestations prévues à Belcourt.
Le Dr Chawki Mostefaï, ancien militant du PPA (centraliste) et membre de l’exécutif provisoire (Rocher noir) a déjà contesté par le passé cette version en affirmant qu’il est celui qui a dessiné le drapeau algérien à veille des grandes manifestation*s du 8 mai 1945
Il est revenu sur le sujet dans un entretien publié le 21 avril dernier par le journal Liberté. Il affirme qu’à la veille des manifestations du 8 mai, on avait cherchait le drapeau conçu par l’épouse que Messali Hadj mais qu’on ne l’avait pas trouvé. Un vieux militant se rappelait seulement les couleurs, vert, blanc et rouge, a-t-il dit.
Un « traître objectif »
« Puisqu’il n’y avait pas trace du drapeau de 1937, on devait en confectionner un autre! La direction a désigné Hocine Asselah, Chadli Mekki et moi, pour concevoir un ou plusieurs modèles de drapeau. On s’est réuni tous les trois et on m’a chargé de travailler dessus et de leur soumettre les modèles. C’est ce que j’ai fait. J’ai acheté du papier et le soir, à la maison, j’y ai consacré une nuit, jusqu’à deux heures du matin. J’ai fait plusieurs essais, 10 ou 15 modèles de drapeau… »
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Chawki Mostefaï dit avoir gardé deux modèles et finalement la direction du PPA a « porté son choix sur le modèle actuel, à savoir le croissant à cheval sur le vert et le blanc et l’étoile dans le blanc à l’intérieur des deux pointes du croissant ».
« Si je revendique la paternité du drapeau, c’est parce qu’il est le fruit de mon imagination. Je n’avais jamais vu auparavant le drapeau de 1937, je me suis fié seulement à mon jugement, pour sa conception ».
Pour lui, Emilie Busquant a bien confectionné un drapeau « mais il ne ressemble pas du tout au drapeau de 1934 ni à celui brandi lors du défilé de 1945 ». Et il estime que la fille de Messali Hadj, Djanina, ne pouvait avoir vu le drapeau en 1934…
Chawki Mostefaï dit s’être abstenu de répondre à un article de la fille du fondateur de l’ENA, Djanina Messali, pour ne pas lui « rendre service car elle a besoin de maintenir le mythe de Messali, de faire durer la discussion sur le drapeau et sur Messali… » qu’il qualifie de « traitre objectif ».
« Objectivement, il avait joué le rôle de traître, mais il n’avait pas l’intention d’être un traître » a-t-il déclaré en l’opposant au Dr Lamine Debaghine qui « croyait à la notion d’unité de la lutte révolutionnaire comme un objectif fondamental ».
Djanina cite les mémoires de Messali Hadj
Djanina Messali-Benkelfat a répondu lundi dans les colonnes de Liberté en accusant Chawki Mostefaï de semer la confusion et de faire preuve d’incohérence.
Elle confirme ne pas avoir vu le drapeau confectionné par sa mère, Emilie Busquant, par contre elle cite un extrait des mémoires de Messali Hadj qui évoque ce moment où le drapeau algérien a été présenté pour la première fois, à Paris.
“Le 5 août 1934, plus de 800 cents algériens ont assisté à une assemblée générale de l’association. La réunion revêtait une grande solennité car, pour la première fois, on présentait le drapeau algérien vert et blanc frappé d’un croissant et d’une étoile rouge. J’avais l’honneur de prononcer le discours d’ouverture devant ce drapeau hautement tenu et entouré d’une garde d’honneur.
À la vue de ce spectacle grandiose, les Algériens se sont levés comme un seul homme, en priant et en applaudissant. Des cris de “Vive l’Algérie, Vive l’Indépendance, Vive l’Étoile Nord-Africaine’’ ont fusé dans toute la salle. Jamais une telle cérémonie n’avait eu lieu depuis 1830, date à laquelle notre patrie nous avait été ravie….”.
La fille de Messali Hadj accuse Chawki Mostefaï, comme ses « camarades du comité central » de travestir l’histoire afin de « gommer définitivement le rôle central et incontournable de Messali Hadj dans les grands combats politiques en faveur des indépendances qui ont ponctué le siècle dernier ».
« ll est temps que ces guerres de mémoires partisanes cessent et que nous entrions dans une phase de sérénité propice à une écriture objective de histoire à laquelle tout citoyen algérien a droit » conclut la fille de Messali Hadj.