La préfète du Rhône a décidé de ne pas assister à l’inauguration d’un équipement polyvalent, en hommage à la militante engagée pour la décolonisation, Annie Steiner, à Vénissieux. Bien que la préfecture reconnaisse que la commune soit libre de prendre cette décision, elle a choisi d’exprimer son désaccord par ce boycott.
Dans un communiqué, la préfecture du Rhône a expliqué que cette absence, ainsi que celle d’autres représentants du gouvernement français, vise à marquer « leur désapprobation pleine et entière » du choix de la commune de nommer ce lieu en l’honneur d’Annie Fiorio-Steiner.
Pour son nouvel équipement, la ville a choisi de le nommer Annie Steiner. Situé à l’angle de l’avenue des Martyrs-de-la-Résistance et de la rue Abbé-Glasberg, ce complexe inauguré mardi comprend une bibliothèque et un fablab.
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La préfecture du Rhône boycotte la mémoire d’Annie Steiner
Sophia Brikh, adjointe au maire de Vénissieux, a proposé de nommer le nouvel équipement en l’honneur d’Annie Steiner, membre du Front de libération nationale, lors de la guerre de Révolution. Elle a expliqué sa décision en affirmant que cette militante représente « une passerelle entre l’Algérie et la France« .
Cependant, la préfète du Rhône, Fabienne Buccion, a vivement critiqué ce choix. Selon elle, « valoriser le nom d’une Française membre du Front de Libération Nationale, complice, à l’époque, de la lutte armée, est de nature à diviser les concitoyens« .
La préfète estime que ce nom ne correspond pas à la vocation de cet établissement, conçu pour « la cohésion sociale et l’échange intergénérationnel« . Elle suggère qu’un autre nom, « davantage synonyme de concorde, de culture et d’entente« , aurait été plus approprié.
Annie Steiner, militante engagée de la lutte nationale
Née en 1928 à Hadjout, Annie Fiorio-Steiner est issue d’une famille de Pieds-noirs installée depuis trois générations. Dès ses 12 ans, elle a appris l’arabe en secret, à une époque où les coloniaux méprisaient les Algériens, qu’ils appelaient « les indigènes« .
Grâce à ses origines européennes, elle a pu suivre des études universitaires et obtenir son diplôme en 1949. Elle a ensuite travaillé dans les centres sociaux algériens fondés par Germaine Tillion, une résistante et ethnologue anticolonialiste. C’est en soignant et en enseignant l’alphabétisation à la population qu’elle a pris conscience de l’oppression et de l’injustice du colonialisme français envers le peuple algérien.
En 1956, Annie Steiner a été arrêtée pour ses actions en faveur de l’indépendance algérienne ; elle a été condamnée et jugée six fois. Incarcérées dans les prisons de Barbarousse (Serkadji) et d’El Harrach, elle y a subi la torture et diverses formes de pression psychologiques de la part de la France coloniale.
Après l’indépendance de l’Algérie, elle a joué un rôle important dans la construction du pays. Avec d’autres cadres algériens, elle a aidé à réorganiser la nouvelle administration.
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