Est-ce la fin de la récréation ou la désillusion pour les milliers de jeunes entrepreneurs ayant opté pour l’investissement dans le secteur de la PME/PMI ? A présent, le rang des désenchantés parmi cette catégorie de « jeunes opérateurs économiques » ne fait que grossir et les voix y émanant sont à la dénonciation de ce qu’ils considèrent étant « des pressions exercées par les banques à leur encontre ».
Cette fois-ci, ce sont des dizaines de jeunes, dont les projets d’investissement ont été pris en charge par l’Etat dans le cadre des dispositifs d’aide à la création d’emploi et de d’entreprise, Ansej, Cnac et Angem, qui haussent le ton pour appeler les pouvoirs publics à venir à leur rescousse. Ils ont été près de 800 entrepreneurs à tenir une assemblée générale récemment à la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou sous la bannière du Came, (collectif d’appui à la micro-entreprise), pour débattre et exposer leurs déboires avec les banques et la justice au sujet du remboursement des dettes qu’ils ont contractées dans le cadre de leurs projets.
Les créateurs de ces micro-entreprises affirment à l’unanimité être en difficultés financières, donc dans l’incapacité d’honorer leurs engagements vis-à-vis des banques, mais tout de même ils appellent les pouvoirs publics à davantage de flexibilité en les soumettant à des échéanciers de paiement moins contraignants et beaucoup plus adaptés à leurs situations respectives. A l’issue de leur assemblée, les promoteurs économiques en difficultés « interpellent les plus hautes autorités du pays à intervenir en urgence pour l’arrêt immédiat des poursuites judiciaires engagées contre eux et le lancement d’un débat national sérieux sur l’avenir de ces micro-entreprises ». Un appel est également lancé pour « l’arbitrage du premier ministre, Abdelmalek Sellal, afin qu’il soit mis fin à cet état de fait et éviter d’éventuels dérapages ».
Des situations similaires ont déjà été enregistrées dans le passé avec les protestations menées par des jeunes investisseurs ayant bénéficié de financements dans le cadre des dispositifs de soutien à l’emploi, à l’instar des milliers de jeunes exclus des mesures d’effacement des dettes des agriculteurs en 2009 pour le motif que leur statut est plutôt industriel et non agricole même s’ils interviennent dans le domaine de l’agriculture. Dans le fond, les difficultés financières qui asphyxient ainsi des milliers de jeunes créateurs de micro-entreprises relance la question de la capacité de résistance du tissu de la PME/PMI en Algérie, caractérisé par une expansion particulière depuis au moins cinq ans avec l’allégement des conditions d’accès aux financements bancaires prônés par le chef de l’Etat à l’issue du Conseil des ministres de mars 2011.
Pour les spécialistes du monde de l’entreprise, la problématique demeure complexe. Pour l’universitaire Chabha Bouzar, Professeur à la faculté des sciences économiques de Tizi Ouzou, « En Algérie, la nouvelle politique de développement se tourne vers la création de PME/PMI. Cependant, les initiateurs de projets sont souvent confrontés à une série de passages contraints dont l’ampleur et l’intensité peuvent conduire à l’échec de leur projet ».
Elle citera ainsi deux principales raisons qui conduisent à l’échec de ces micro-entreprises. D’un côté, sur le plan financier, « ces PME sont souvent handicapées par un manque de fonds propres et par un manque de capacité d’autofinancement, ce qui alourdit leur endettement ». De l’autre côté, ces entités souffrent d’énormes insuffisances au niveau managérial, ce qui les conduit à « à commettre beaucoup d’erreurs commerciales et l’exacerbation de la concurrence accentue leurs handicaps ». Pour Mme Bouzar, le taux de survie des PME/PMI en Algérie ne dépasse pas les 40% après 5 ans d’existence.
Mourad Allal (L’Éco n° 110 du 16 au 30 avril 2015)