Plusieurs organismes de lutte contre la corruption se télescopent : une coquille vide ?

Plusieurs organismes de lutte contre la corruption se télescopent : une coquille vide ?
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Les dernières révélations sur la corruption à Sonatrach commencent à susciter un véritable débat au sein de l’opinion publique. Les propos tenus par certains juristes, notamment les plus médiatisés d’entre eux, ont de quoi donner à réfléchir. D’autant que ceux qui parlent sont considérés comme des ténors. Même si, faut-il le dire d’emblée, certaines interventions sont bourrées de contradictions.

Farouk Ksentini, l’inamovible président de la Commission nationale pour la protection et la promotion des droits de l’Homme, a estimé, dans une plaidoirie extrêmement sévère, que « la corruption est devenue un véritable sport national ». Selon lui, la corruption est devenue monnaie courante «dans pratiquement tous les marchés publics». Me Khaled Berghal a plaidé pour l’abrogation de la Loi sur la corruption.



« Une loi pourrait-elle protéger le pays de la corruption ? », s’est-il interrogé. Il a relativisé, assurant que la corruption est un « phénomène » mondial qui ne concerne pas uniquement l’Algérie.

Mais, dans ce discours, de petits détails font parfois la différence. Il s’agit, par exemple, de ce petit clin d’œil à l’affaire Khalifa. Les avocats rappellent, à titre d’exemple, que des ministres ont été cités dans le procès. En vain. C’est ce qui a fait dire à Miloud Brahimi que «si, dans 99,99% d’affaires, la justice est correcte, elle cesse d’être indépendante dès qu’ils s’agit d’affaires de corruption».

LG Algérie

La multiplication des scandales liés à la corruption n’étonne plus, la capacité de certains proches du pouvoir à ne pas être inquiétés par la justice, bien que leur implication dans des affaires de corruption soit avérée, laisse perplexe.

Soltani, Sidi Saïd et Medelci, cités dans l’affaire Khalifa, occupent toujours des postes importants au sein du système, tandis que Chakib Khelil est libre comme l’air et Amar Ghoul a pu dégager sa responsabilité dans une affaire de corruption liée à un projet dont il n’a pourtant pas hésité à s’attribuer les mérites pour des besoins électoraux.

La rente pétrolière aiguise les appétits de ceux qui en ont le contrôle, les questions de justice et de moralité étant reléguées au second plan.

Les experts estiment, qu’avec 60 milliards de dollars de revenus pétroliers annuellement, le pays aurait dû faire partie du groupe des nations émergentes et non en développement. Ni l’étalage public, ni les réformes politiques, ni l’adoption de cadre réglementaire, ni la ratification de conventions internationales ne semblent en mesure de venir à bout de ce fléau, ou d’en réduire, au moins, l’ampleur, et ce, pour plusieurs raisons.

Chargés de veiller à la bonne utilisation des finances publiques, les commissaires aux comptes sont à ce titre critiqués.

Une Justice de deux poids, deux mesures

Mais, au-delà des moyens, c’est surtout la pression politique qui entrave le plus le travail de contrôle dévolu aux institutions comme la Cour des comptes ou l’IGF. D’ailleurs, le syndicat des magistrats de cette cour a, dernièrement, saisi le scandale Sonatrach pour prendre à témoin l’opinion publique quant à « l’absence de gestion » au sein de cette institution, dénonçant de « terribles pressions psychologiques exercées sur les magistrats » qui portent « gravement atteinte à leur indépendance dans l’accomplissement de leur devoir professionnel ».

Ce manque d’indépendance, qui fait également défaut dans le monde de la justice, est très souvent décrié, car, malgré l’existence d’une loi portant lutte contre la corruption, la justice est considérée comme « défaillante, complaisante et à deux vitesses ». Maître Farouk Ksentini a dernièrement renvoyé la faiblesse de la justice à l’incapacité des magistrats à s’autosaisir de dossiers de corruption. En outre, la loi en vigueur ne permet pas aux citoyens de se constituer partie civile pour saisir la justice en cas de corruption.

C’est, donc, toute la volonté politique qui fait défaut en matière de lutte contre la corruption, et ce, en dépit de discours encourageants. Car la réalité du terrain est toute autre.

La plupart des affaires de corruption portées à la connaissance de l’opinion publique sont considérées comme entrant dans le cadre d’une lutte de clans.

Et, déjà, depuis quelques années, les scandales financiers d’un préjudice chiffré en millions de dollars se sont multipliés de façon ahurissante. Rien, ni les rares procès instruits finissant toujours en eau de boudin ni les lampistes arrêtés n’ont permis d’empêcher ce terrible phénomène qu’on appelle corruption à proliférer dans notre pays.

Par Mahdi Maloufi