Si le Zaïm a perdu soudainement la voix, lui qui avait consacré même un discours au peuple tunisien pour le raisonner au moment de sa révolte en janvier dernier, les groupes qui lui prêtent allégeance ne l’ont pas perdue. Ils ont même recours à un langage violent. Celui des armes. Les milices pro-régime, ou la police, c’est selon, n’hésitent pas à tirer à balles réelles sur la foule des contestataires.
La Libye de Mouammar El Kadhafi reste celle de tous les excès. En quelques jours de contestation contre le régime de Kadhafi, plus de 80 manifestants ont trouvé la mort alors que les hôpitaux ne parviennent plus à faire face à l’afflux des blessés. Human Rights Watch (HRW), qui dresse ce bilan en s’appuyant sur des sources hospitalières en Libye, fait état de 49 personnes tuées jeudi dernier (20 à Benghazi, 23 à Al Baïda, 3 à Ajdabiya et 3 à Derna) et 35 à Benghazi vendredi dernier. L’organisation des droits de l’Homme affirme que la plupart des 35 personnes décédées vendredi ont été «tuées par des balles réelles tirées par les forces de sécurité». «Des témoins ont raconté à Human Rights Watch (HRW) que les forces de sécurité, reconnaissables à leur uniforme jaune, avaient ouvert le feu sur les protestataires près de Fadil Bu Omar Katiba, une base de sécurité située dans le centre de Benghazi». Des témoignages
identiques ont été recueillis dans différentes villes où l’on compte des victimes. «Les forces de sécurité de Mouammar Kadhafi tirent sur des citoyens libyens et les tuent par dizaines simplement parce qu’ils demandent des changements […] Les autorités libyennes doivent autoriser les manifestants pacifiques à s’exprimer», a affirmé Joe Stork, directeur adjoint de HRW pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
«Les autorités libyennes doivent arrêter immédiatement les attaques contre les manifestants pacifiques et les protéger des groupes armés progouvernementaux», a encore ajouté HRW dans un communiqué. Selon Arbor Networks, société spécialisée dans la surveillance du trafic internet basée aux Etats-Unis, le régime de Kadhafi a tenté d’empêcher les manifestants antigouvernementaux de s’organiser et de communiquer entre eux en coupant l’accès à l’Internet dans la nuit de vendredi à hier.
La Libye a «brusquement interrompu» l’accès à l’Internet à 2h15 (heure de Libye), selon Arbor Networks, qui note que les connexions internet étaient déjà très perturbées dans la journée de vendredi.Sans faire de distinguo entre victimes et bourreaux, le procureur général libyen Abderrahmane Al Abbar a ordonné l’ouverture d’une enquête sur les violences ayant marqué ces manifestations anti-régime.
«Le procureur a ordonné l’ouverture d’une enquête sur les raisons et le bilan des événements dans quelques villes et a appelé à accélérer les procédures pour juger tous ceux qui sont coupables de mort ou de saccage», a indiqué une source à l’agence de presse française (AFP), sans donner plus de détails. Les manifestants réclament le départ de Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis 1969. 42 ans de pouvoir sans partage, 42 ans de dictature sans comparaison. Les Libyens réussiront-ils à déraciner leur zaïm ? Cela dépend de la ténacité de la contestation.