Plan quinquennal 2015- 2019, Quelles anticipations face à la chute du prix du baril?

Plan quinquennal 2015- 2019, Quelles anticipations face à la chute du prix du baril?

Comment notre pays va-t-il amortir le coup si le prix du baril de pétrole continue à décroître en dessous de 60$?

Peut-on imaginer qu’on est dans un scénario d’un choc pétrolier à cause de la chute des cours de l’or noir et non de la hausse dont l’économie de notre pays a besoin.

Il y a un domaine où les économistes les plus talentueux ne peuvent prévoir la fluctuation des prix du pétrole dans une économie volatile qui ne respecte aucune règle, d’autant où la spéculation rend folle la sphère de consommation? En septembre 2001, juste après les tragiques attaques du Word Trade Center, je présentais une communication au siège du Collège Défense de l’Otan, à Rome, sous le thème «les conséquences du 11 Septembre sur l’économie pétrolière mondiale et la sécurité énergétique en Méditerranée» en présence des stratèges en sécurité dans le monde. Pour la première fois dans l’histoire, l’Amérique se voit menacée et pose d’une manière concrète la remise en cause des systèmes de défense et de sécurité dans le monde.

On pourrait s’interroger aujourd’hui chez nous si au niveau du pays existent des cellules ou des think thanks capables d’anticiper au moins à moyen terme dans notre pays lorsque sa survie dépend du prix du baril.

Des think thanks capables d’anticiper

Alors que se dessine une nouvelle carte d’une géopolitique liée au GMO, des scénarios les plus récurrents, tels ceux de sykse-Picot dans la redistribution des zones d’influence, les puits de pétrole, reprennent place dans les stratégies militaires, économiques, diplomatiques et surtout financières dont l’infléchissement des prix du baril constitue la face apparente qui frappe les équilibres macroéconomiques des pays exportateurs d’hydrocarbures.

Comment notre pays va-t-il amortir le coup si le prix du baril de pétrole continue à décroître en dessous de 60$? Avec l’extraction des huiles de schiste des USA et leur vente à des prix concurrentiels et la position de l’Arabie saoudite qui s’entête à maintenir sa production pour infléchir négativement sur le baril, notre pays serait menacé dans la conduite de son développement.

Stratégie americano- saoudienne et la chute du baril

Même si les USA dépendent moins du pétrole de l’Arabie saoudite de par leur production domestique, chacun trouve son compte puisque le scénario qui consiste à faire baisser le prix du baril s’inscrit dans la perspective d’une guerre énergétique contre la Russie où l’Arabie fait payer la Syrie et les USA pour faire payer l’Ukraine et se rapprocher davantage de l’Iran.

C’est pourquoi les incertitudes deviennent plus grandes dans un avenir proche pour permettre à notre plan quinquennal 2014/2019 d’être financé à ce prix du baril. Peut-on imaginer l’idée qu’on est dans un scénario d’un choc pétrolier à cause de la chute du prix de baril et non de la hausse dont l’économie de notre pays sera affectée. Si on considère que les pétroles de schiste font remonter les cours, l’expérience a montré que les Américains n’inonderont pas les marchés internationaux avec leur pétrole. Avec les pétroles de schiste, les USA produisent environ 50% de leurs besoins soit 9 millions/jour. Ils importent le reste soit 9millions de barils. Un passage du prix d’achat de 100 dollars à 60 dollars sur un an représente une économie de 131 milliards de dollars pour la balance de leur commerce extérieur soit 500 milliards de dollars en cinq ans. A contrario, avec un prix de 60 dollars le baril, leur industrie d’extraction de pétrole de schiste perdra environ 10$ par baril soit une perte de 33 milliards de dollars.

Le pétrole de schiste est autoconsommé pour l’essentiel aux Etats-Unis. La baisse du prix de marché ne leur occasionne pas de perte supplémentaire sur les marchés internationaux puisqu’ils ne le vendent pas.

C’est donc difficile de faire des prévisions en la matière pour le marché pétrolier et donc pour la croissance. La baisse des prix peut ralentir la production du pétrole cher mais influencera la baisse des investissements pour le pétrole de schiste due à un pétrole à bon marché qui variera en fonction de la géopolitique.

Trois prismes portant des scénarios géopolitiques

Trois prismes permettent de décrire la situation géopolitique actuelle de l’arc de crise: méfiance sunnite (sur le Liban- l’Irak et l’Iran) et Chiite. Les pro-occidentaux et les révolutionnaires. La question palestinienne avec ses ramifications (Ghaza-Sud Liban- Syrie). Enfin la question iranienne qui concentre tous les enjeux de la région. Les enjeux stratégiques visent la stabilisation de l’Irak et de l’Afghanistan, le conflit israélo-palestinien et au plan militaire (la prolifération nucléaire et le terrorisme avec l’émergence de l’Etat islamique). Nous allons vivre une nouvelle ère où il est difficile de parier ce que sera demain. C’est un mouvement structurel dans la nouvelle sphère stratégique. La menace iranienne est devenue une obsession existentielle pour Israël. L’émergence d’une nouvelle militance, celle de la cyber-manifestation, les boîtes mail où la Toile nourrit à la fois des espérances et des inquiétudes. La sécurité énergétique est toujours assimilée à la «Defense de l’Américan Way of life» et le nucléaire civil constitue le grand enjeu énergétique du XXIe siècle.

Prix plafond et prix plancher

Peut-on poser la question, à savoir que la baisse actuelle n’a pas été résolue par l’Opep de par la position de l’Arabie saoudite où l’on se retrouve devant deux hypothèses: Le prix plafond du baril c’est-à-dire ce que l’économie peut supporter pendant un moment sans partir en récession.

Le prix plancher ce qu’il faut pour que tous les pétroles chers continuent à être extraits.

Il faut savoir que les USA consomment leurs pétroles de schiste qui entraînent nécessairement une décroissance des importations américaines du pétrole classique. Il faut dire que le choc pétrolier que l’Arabie saoudite a provoqué et entraîné une perte boursière de 51 milliards de dollars pour les six majors pétroliers européens.

L’Arabie saoudite a montré qu’elle est capable de garder le contrôle de l’Opep, qu’elle peut mener sans difficulté une guerre des prix sans risque immédiat pour sa stabilité économique et qu’elle garde les robinets du pétrole pour les fermer ou les ouvrir selon ses intérêts propres.

Rationaliser sans infléchir sur le pouvoir d’achat

C’est alors que se pose à nous la question: de quel prix nécessaire pourrions-nous militer pour équilibrer notre budget afin de ne pas tomber dans la récession? Cette chute du prix du baril va encore infléchir dans une grande proportion la courbe de nos recettes en devises. Allons-nous vers la dépréciation ou la dévaluation du dinar par rapport au panier des plus courantes devises ou tout au moins à celles de l’euro et du dollar? Si la parité du dinar irait entre 96DA/euro et 113DA/euro comme le prévoit une banque française, serait-elle une solution idoine sans en affecter le pouvoir d’achat du citoyen? Selon le rapport de conjoncture de la Banque d’Algérie, les transferts sociaux à eux seuls avaient atteint en 2013 le seuil de 15 milliards dollars soit 1268,4 milliards DA soit 20% des dépenses de l’Etat qui avoisinent les 6092,10 milliards de dinars.

Selon Igor Setchine, P-DG du pétrole russe Rosneft, la pression baissière sur les prix pourrait s’accentuer au cours du 1er trimestre 2015. Il avait estimé que le baril devrait tomber sous les 60$ au cours des prochains mois.

La question qui se pose est: est-ce que la baisse du prix de pétrole peut infléchir sur la parité euro/dollar qui peut entraîner aussi des pertes de revenus des pays exportateurs de pétrole? Selon le FMI qui estime qu’un recul de 30% du prix du brut accroîtrait le PIB mondial de 0,2 point. Mais la chute si elle continue il y a risque d’instabilité parce qu’elle menacerait les approvisionnements et donc incapable de financer notre politique sociale.

Contrairement aux pétro-monarchies les pays tels que le Venezuela, le Nigeria, l’Iran, l’Irak, la Libye et même la Russie dont son budget dépend pour plus de la moitié des recettes en hydrocarbures. Cette chute des cours du brut se conjugue dans certains pays par la fuite massive des capitaux. Depuis l’affaire de l’Ukraine, l’effondrement du rouble par rapport au dollar risque de diminuer leurs réserves de change. Selon certains analystes, l’Arabie saoudite cherche à maintenir les prix bas aussi pour dissuader la Russie et la Chine à investir dans leurs réserves de pétrole de schiste qui est plus couteux à exploiter. La part du marché est tombée à 35% en 2014 et l’Arabie saoudite pompe à elle seule 12% de l’or noir mondial et se refuse de porter seule le poids de la réduction pour équilibrer le marché.

Réajuster notre stratégie énergétique et budgétaire

Si l’Opep maintiendrait son plafond à 30 millions de baril/jour jusqu’à la fin du 1er semestre 2015, que fera notre pays pour amortir le choc sans anticiper sur ses dépenses auquel cas le gouvernement se verrait de revoir sa copie pour réajuster sa stratégie en prenant en compte les avis de spécialistes.

L’objectif est de faire les arbitrages nécessaires en introduisant des coupes budgétaires mais aussi revoir la configuration globale du programme quinquennal 2014/2019 dont le volume d’investissement se situe à hauteur de 262 milliards de dollars dont le cours a été calculé sur la base de 115/120dollars le baril.

Il faut revoir les transferts légaux de capitaux qui marquent une sortie de devises de 72 milliards de dollars. Alors que pour la loi de finances 2015 les tendances vont vers 80 milliards de dollars. Si la chute du baril persiste au-delà du 1er semestre, le budget de l’Etat connaîtrait des conséquences négatives.

Pessimisme ou inquiétudes de l’autorité monétaire

Le gouverneur de la Banque d’Algérie expose son rapport de conjoncture dans une ambiance «pessimiste», c’est-à-dire ni optimiste ni pessimiste. Les réserves de change sont passées de 194 milliards de dollars, à 193 milliards de dollars ce qui appelle à une gestion prudente et dynamique de ce matelas de devises. En s’inquiétant sur la hausse des importations de biens, industriels, l’inflation due aux services du Btph, l’allusion vise l’ingénierie dans l’exécution du programme d’équipement public.

Le gouverneur n’a pas manqué de préciser le recul des ressources du Fond de régulation des recettes qui est passé de 5238,80 en 2013 à 4773,51 milliards de dinars en 2014. Cette cagnotte risque de se vider ou du moins être épuisée.

Selon le gouverneur de la Banque d’Algérie dans son récent rapport de conjoncture la contribution au FRR serait d’un montant de prélèvements avoisinant les 7 milliards de dollars. Notre pays ne peut plus faire face aux chocs externes ni même engranger de recettes tant les pertes dépassent des dizaines de milliards de dollars. Qui va alors compenser les déficits budgétaires face à cette décrue des cours du baril.

Contrebalancer l’Opep par le Fpeg

Le Forum des pays exportateurs de gaz (Fpeg) fondé en 2011 et dont le président est notre ministre de l’Energie regroupe 15pays (l’Algérie- l’Egypte- la Guinée équatoriale- l’Iran- la Libye- le Nigeria- le Qatar- la Russie- le Venezuela, le Togo- le Trinidad, riches en gaz naturel dont la Russie, l’Iran, le Qatar, le Venezuela et l’Algérie contrôlent 73% des réserves mondiales et 42% de la production doit pouvoir peser et infléchir sur la décision de l’Arabie saoudite qui a été à l’origine de la baisse du prix du baril dans sa réunion de Doha.

Trois pays assistent en tant qu’observateurs le Kazakhstan- la Norvège-les Pays-Bas. Cette Opep de gaz a une flotte qui dépasse 307 Tankers. Selon l’AIE plus de 135 milliards de dollars ont été investis entre 2005 et 2010. Sa production selon la même source aurait dépassé 476 milliards de mètres cubes en 2010 contre 246 milliards de mètres cubes en 2005. Le prix du gaz est de 2$ le million de BTU aux Etats-Unis soit près de 12$ équivalent baril de pétrole. Les estimations du gaz de schiste seraient de 7000Milliards de mètres cubes. Il faut, note Pr Chitour «engager 15.000 m3 d’eau douce par forage. Il faut environ 500 à 600 forages si on veut produire un milliard de m3 et un million de m3 d’eau douce par milliard de m3 de gaz selon des experts, et que le prix d’un puits de gaz schiste est de l’ordre de 10 millions de dollars aux USA et cinq fois plus cher en Algérie. La rentabilité n’est pas évidente et cela causerait un désastre du point de vue de l’environnement». Les conflits d’aujourd’hui et de demain porteront sur le contrôle du marché car on laisse entendre que le gaz naturel restera abondant alors que le pétrole viendrait à manquer. Le gaz offre donc un sursis avec 60 années de réserves mondiales et un pic qui se situerait vers 2030 selon une étude de l’Aspo spécialisée en «pétrologistics». Les USA et l’Europe seraient dans une situation critique quant à leur approvisionnement en gaz naturel. Toutes les études prospectives de l’Ocde, de la CIA, de la fondation Ford, Rockefeller, de l’AIE etc… considéreraient que la richesse des Nations occidentales passe nécessairement par la réappropriation des sources d’énergie. La région la plus convoité outre les pays du Golf, est celle de la mer Caspienne dont le gazoduc serait de deux milliards de dollars, il serait doublé également d’un oléoduc qui répond aux priorités américaines dans cette partie de l’Asie centrale, tant il est vrai que pour le seul Kazakhastan le tiers de l’énergie du monde est dans cette région.

Notes Bibliographiques: